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Football national: Le sport-roi algérien au bord du précipice
Publié dans Le Quotidien d'Oran le 11 - 12 - 2019

Joueurs en grève. Clubs endettés. Des sociétés sportives par actions (SSPA) en faillite. Non-respect des lois régissant le professionnalisme. Subventions dirigées aux clubs amateurs détournées au profit des clubs professionnels. Polémiques au sein de la LFP. Menaces de boycott de championnat. Fausses démissions des présidents, dirigeants et entraîneurs. Valse des entraîneurs. Stades devenus des lieux de terreur et de violence. Accusations. Telle est la situation qui prévaut au sein du football national. Il fallait certainement s'attendre à cette calamité quand l'intérêt personnel a pris le dessus et en l'absence de l'intervention de l'Etat. La raison ? Personne n'est à sa place. Plus de 5.000 milliards de centimes, selon notre source, ont été déboursés depuis l'instauration de professionnel sans contre partie, ni même des retombées favorables sur le sport algérien. Ni joueurs pros, dignes de leur statut, ni infrastructures, ni prise en charge des jeunes, ni recyclage des entraîneurs, ni contrôle des deniers publics. Notre football a été toujours géré dans la confusion et la médiocrité par une race de dirigeants qui ont pris en otage les clubs. Des solutions existent pour ce marasme mais faut-il encore montrer une réelle volonté pour combattre les maux qui nuisent notre sport-roi.
Bras de fer clubs-CNRL
On vient d'apprendre que le montant global des salaires impayés aux joueurs des Ligues professionnelles 1 et 2 a été évalué à plus de 69,8 milliards de centimes au 1er décembre 2019, selon une estimation de la CNRL. 172 millions de DA représentant des salaires impayés pour 7 clubs de Ligue 1 et 526 millions de DA pour 15 formations de Ligue 2 sans oublier les dettes des clubs amateurs. Pour éviter toute confusion ou incompréhension, la FAF et la CNRL précisent que ces montants ne concernent pas des dettes vis-à-vis de la Fédération, mais uniquement les salaires impayés aux joueurs. Aussi, faut-il le préciser, le montant sorti par le CNRL est exonéré des « commissions ». Plus grave, quand on sait que des dirigeants et autres présidents de clubs et même des entraîneurs sont devenus parties prenantes dans le recrutement et les transferts des joueurs. L'interdiction de recrutement durant le prochain mercato jusqu'à épuration des dettes a fait réagir certains présidents de clubs qui ont brandi la menace de boycott du championnat. Bizarre, n'est-ce pas ? Cela a été conçu par de nombreux observateurs comme étant une forme de chantage. Pourtant, la règlementation en vigueur, notamment, les circulaires 1625 et 1628 de la FIFA, relatives aux paiements des salaires des joueurs est claire. De graves préjudices ont été constatés si l'on se réfère au premier bilan de la DNCF qui a fait ressortir, qu'hormis un seul club, tous les autres relevant des Ligues 1 et 2 professionnelles sont déficitaires. Du jamais vu.
L'Etat seul garant de l'avenir
Notre sport-roi s'est embrouillé dans un engrenage où il n'est pas prêt de s'en sortir quand la paix sociale a pris le dessus sur le développement du football. Aujourd'hui, il est clair que seule une décision politique peut sauver notre football et la déperdition de nouvelles générations de footballeurs. Et dire qu'un club professionnel doit avoir par essence l'obligation de former. « L'Etat seul garant de l'avenir de notre football », dixit Said Haddouche. La principale action à entreprendre reste le changement et le respect absolu des critères.
A cet effet, le changement des textes doit impérativement être opéré. N'est pas dirigeant ou membre d'une assemblée générale qui veut. Supprimer carrément cette option de « quorum non atteint », utilisé par des présidents de clubs pour faire passer leurs bilans. Selon nos sources, certains responsables de clubs n'hésitent pas à prendre attache avec des membres d'AG, du moins ceux de leur clan, pour les « inviter » à s'abstenir ! Là, nous devrons mettre en place une politique et des mécanismes pour inculquer une véritable culture de conception du football. Car, l'argent seul ne pourra jamais régler les problèmes de gestion. Le Qatar et l'Arabie Saoudite, à titre d'exemple, ne se sont jamais illustrés au haut niveau. A notre humble avis, avec ce mode de gestion et ces réflexes même la venue des sociétés ou entreprises à la tête des clubs ne sera d'aucune utilité. Le football algérien a besoin d'hommes intègres répondant à un certain nombre de critères pour une meilleure gestion et suivant une politique bien définie. Une politique qui sera basée sur la réflexion pour le développement du football de base pour assurer l'avenir. Aussi, l'Etat, avec ses institutions, devra se pencher sur la question du changement de mentalité qui va de pair avec l'évolution du football à travers le monde. Pour ceux qui l'ont oublié, aujourd'hui, le football n'est plus un simple loisir ou simple spectacle, il est devenu un «enjeu» économique et politique. Sur la base de cette réalité, les changements s'imposent et à tous les niveaux, sans aucune concession ou autres facilités. Est-il concevable que les clubs professionnels soient gérés avec les subventions étatiques ? Pourtant, la loi est claire là-dessus. Est-il logique de voir des clubs, censés vendre leurs produits, décider la gratuité des matches ? « Le football est un producteur de richesses et véhicule l'image des entreprises et aussi celle des nations », a-t-on coutume de dire. Pour y arriver, il est impératif d'établir un constat réel de la situation afin de pouvoir déceler les insuffisances de gestion avant d'imposer les critères.
Intérêts et gains faciles
En somme, et selon ce qui se trame ici et là, le football algérien a encore de longues années de disette devant lui. Le public est dupé par le double langage des présidents. Ne dit-on pas que le football algérien est malade de ses dirigeants ? Ces derniers ne se soucient que de leurs intérêts par le gain facile ou le passage libre vers les autorités. Cela a été confirmé récemment par Abdelkader Drif, l'emblématique et ex-président du grand Mouloudia d'Alger: « Le football algérien n'est plus ce qu'il était, son charme a disparu avec l'argent », avait-il déclaré. Plus grave encore, nos dirigeants ont inculqué de nuisibles réflexes. Par les temps qui courent, les joueurs se permettent tout avec la complicité de leurs employeurs, qui fragilise davantage les entraîneurs ayant plus que jamais du mal à maîtriser la situation et imposer la discipline. Une réalité amère mais malheureusement réelle. Le football conçu pour être un moyen de rapprochement et de fraternité, ce qui n'est pas le cas chez nous où l'on compte chaque week-end des nombreux blessés dans des lieux de spectacle. La coupe d'Afrique remportée par les Verts de Djamel Belmadi récemment en Egypte a été considérée comme « l'arbre qui cache la forêt ». Mais à notre humble avis, cet arbre là cache bien plus qu'une forêt.


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