Abdelmadjid Tebboune a prêté serment jeudi dernier au palais des Nations conformément à l'article 89 de la Constitution en présence des hautes autorités de l'Etat, civiles et militaires, du gouvernement, des représentants des partis politiques, des responsables de la société civile et du corps diplomatique accrédité à Alger. Il était un peu plus de 10 heures quand le président de la République nouvellement élu fait son entrée dans la salle de conférence du palais des Nations de club des pins après avoir été accueilli à l'entrée par le président par intérim du conseil de la Nation, Salah Goudjil, le chef d'état-major, vice-ministre de la Défense, le général de corps d'armée Ahmed Gaïd Salah, le président de l'Assemblée, Slimane Chenine, le 1er ministre Noureddine Bedoui et le président du Conseil constitutionnel Kamel Fenniche. Avant, il avait passé au salon d'honneur, près d'une demi-heure avec le chef de l'Etat Abdelkader Bensalah. Annoncé à l'assistance par « Fakhamatouhou Raïs El Djoumhouria (Son Excellence, le président de la République), il monte à la tribune et s'installe avec à ses côtés Abdelkader Bensalah. Après la récitation de versets du Coran, le président du Conseil constitutionnel rappelle les résultats définitifs de l'élection et le taux de 58,13% des voix exprimées qui a fait de Tebboune un président de la République élu à la majorité absolue. Conformément à l'article 90 de la Constitution, le président a posé sa main droite sur le Coran et a répété après le premier Président de la Cour suprême, Abderachid Tabi, les termes du serment. A la fin de l'investiture, Tabi a déclaré : «En ma qualité de premier Président de la Cour suprême, j`atteste que le président de la République a prêté serment». C'est alors à la troupe de la garde républicaine d'entonner « Kassaman », l'hymne national. Bensalah avait, avant cette cérémonie, pris la parole le premier pour féliciter Tebboune dont l'élection, a-t-il dit, « a jeté les bases d'une nouvelle Algérie ». Pour ce faire, a-t-il noté, « tout a été fait en un temps record et il ne pouvait en être ainsi sans la concertation et la coordination entre les institutions de l'Etat ». Bensalah précise qu'il est à la fin d'une mission « à laquelle je n'étais pas préparé (...) », et rendra hommage au chef d'état-major, au 1er ministre, au panel du dialogue et à l'ANIE. Premier discours du président Tebboune à la Nation Le directeur général des décorations et distinctions, Salah Akka, annonce à l'assistance que le président de la République a décidé de décorer Bensalah de la médaille du mérite national de l'ordre Sadr. Il décernera la même décoration à Gaïd Salah. A 11 heures passées, Tebboune s'adresse pour la première fois « à tous les Algériens en tant que président de la République » a-t-il noté. Il leur dira qu'« ils ont encore une fois écrit l'histoire en votant (...), en remettant l'Algérie sur la voie de la légitimité constitutionnelle (...) ». Il remerciera « ceux qui ont fait confiance en ma personne » et aux membres de l''ANIE. Il rendra hommage aux quatre candidats « qui ont permis aux Algériens de pouvoir faire leur choix ». Il en fera de même pour Bensalah qui, a-t-il dit, « s'est acquitté de sa mission de chef de l'Etat dans une conjoncture sensible et a coordonné entre la Présidence et le Haut Commandement de l'armée», à Gaïd Salah pour être cet œil vigilant (...) ». Curieusement, encore une fois, le nouveau président s'abstiendra de citer le 1er ministre Bedoui dans son discours. Pourtant, Tebboune a bien recommandé jeudi de « tourner la page des divergences, des divisions et des conflits (...), sinon, on échouera (...), il n'y a pas d'Algériens mieux que d'autres, il n'y a que ceux qui travaillent pour le bien de la patrie (...), on n'a pas le choix, on se doit de construire une Algérie nouvelle sur l'esprit de Novembre qui est une référence incontestable pour une Algérie du droit et de la loi ». Il estime que « l'Algérie se doit dans cette situation sensible de déterminer ses priorités pour pouvoir aller vers un changement radical de son système de gouvernance basé sur les principes de démocratie, de justice sociale, des libertés individuelles et collectives, des droits de l'Homme...». Ce qui impose, selon lui, d'élaborer « une stratégie politique claire pour assurer la stabilité et pour avancer ». Ses objectifs prioritaires inscrits dans son programme, « lutter contre la corruption, l'impunité et le partage inégal de la rente pétrolière ». Il appellera encore une fois « au dialogue et à la concertation pour éviter la consécration d'un pouvoir personnel ». Des 54 engagements qu'il a pris vis-à-vis du peuple en tant que candidat, il en a rappelé les principaux, en premier »l'amendement de la Constitution, pierre angulaire pour l'édification d'une nouvelle République, durant les mois, voire les quelques semaines à venir, afin de réaliser les revendications du peuple exprimées par le Hirak». Il promet une révision profonde de la Constitution pour, entre autres, «restreindre les prérogatives du président de la République, prémunir le pays contre toute autocratie, garantir la séparation des Pouvoirs, assurer leur équilibre, conforter la lutte contre la corruption et protéger la liberté de manifester». Il a affirmé à cet effet que « le mandat présidentiel ne sera renouvelé qu'une seule fois ». Des campagnes électorales financées par l'état Autre engagement, « la moralisation de la vie politique et la réhabilitation des instances élues à travers une nouvelle loi électorale qui interdira le recours à l'argent pour l'achat de postes (...) et qui accordera une plus grande chance aux jeunes, en particulier les universitaires, de se porter candidats ». Il leur promettra que « leur campagne électorale sera financée par l'Etat (...) pour ne pas qu'ils soient la proie de l'argent sale » a-t-il souligné. Il lancera un appel « aux hommes d'affaires nationalistes et honnêtes et aux entreprises publiques et privées à investir avec force à travers le pays avec la promesse que l'Etat leur garantira des facilitations ». Il fait part de « la réhabilitation des grands projets énergétiques pour exporter nos énergies renouvelables ». Il s'engage à mettre fin à la crise du logement parce que, dit-il, « je n'accepterai pas qu'un Algérien habite un bidonville ». Il s'engage à « améliorer le pouvoir d'achat, annuler l'impôt sur les bas revenus après une refonte du système fiscal, assurer un diagnostic médical gratuit pour les femmes et les hommes en particulier âgés, augmenter le budget de la santé, construire de nouveaux hôpitaux, réhabiliter toutes les urgences et relancer la production des médicaments ». L'enseignement supérieur et le système du LMD seront réformés pour, a-t-il dit, « rapprocher l'université du monde du travail, revoir les bourses notamment pour les sciences exactes, garantir les conditions qu'il faut pour un meilleur service public. Les dossiers litigieux des catégories socioprofessionnelles en suspens seront réglés ». Il assure de ne jamais permettre la dilapidation de l'argent public. « On valorisera la production nationale, on n'importera que ce qui nous manquera réellement ». Il prévoit « un plan d'urgence pour relancer l'agriculture des montagnes (...) afin d'assurer en premier notre sécurité alimentaire, ensuite pour exporter ». Il évoquera aussi « le lancement d'une économie des ménages (...), un tourisme créateur d'emplois » avec en prime « la classification des zones touristiques, l'aide aux agences et l'allégement de la procédure d'octroi du visa touristique ». L'industrie du cinéma reprendra, selon lui, son souffle et « les droits de l'artiste seront garantis ». Il promettra aux médias « une liberté sans limites, exceptées celles de la loi (...) en cas de diffamation ou d'insultes vis-à-vis de qui que ce soit ». Parmi ses engagements aussi, « le partage équitable de la publicité publique ». Il veut en outre que « la politique étrangère soit en accord avec les intérêts de l'Algérie qui se doit de développer ses relations avec les pays avec lesquels elle entretient des relations diplomatiques ». Il veut « une diplomatie qui se conforme à la nouvelle République ». Il compte par ailleurs « évaluer d'une manière périodique les diplomates selon leurs résultats ». «On n'acceptera jamais d'être exclus du règlement de la crise libyenne» Il prévoit en même temps de «mettre en place au niveau des ambassades des entités juridiques qui doivent intervenir rapidement à toute humiliation d'Algériens à l'étranger, à condition que ces derniers respectent les lois du pays hôte ». Au titre de ses engagements diplomatiques, le soutien au Sahara Occidental pour rappeler que « c'est une question de décolonisation entre les mains des Nations-Unies et de l'Union africaine, elle doit être éloignée du champ de nos relations avec nos frères (Maroc ndlr) ». Le nouveau Président assure notamment que « l'Algérie est la première à être concernée par le règlement de la crise libyenne, elle n'acceptera jamais d'en être exclue ou éloignée, qu'on le veuille ou non, nous appelons tous les antagonistes libyens à unifier leurs rangs, ils doivent faire barrage à toute ingérence étrangère ». Il veut aussi que « nos frères syriens règlent leur crise, la Ligue arabe doit être réformée (...) ». A la Palestine occupée par un colonialisme féroce, il promet qu'elle restera « une constante dans notre politique étrangère, nous resterons aux côtés des Palestiniens jusqu'à la création de leur Etat indépendant avec El Qods comme capitale, j'appelle la communauté internationale à prendre ses responsabilités pour faire appliquer les résolutions onusiennes en faveur de la légalité internationale ». Il terminera en indiquant qu' « on ne doit pas oublier nos frères des pays du Sahel, ce sont nos voisins, la diplomatie doit déployer davantage d'efforts pour mettre en œuvre l'accord de réconciliation conclu à Alger, on tend la main aux parties en conflit pour dépasser leurs divergences ». Ses doléances à l'intention du peuple et de ceux qui l'entourent, « aidez-moi et encouragez-moi si je fais juste, corrigez-moi si je me trompe, soyez mes appuis, soyez ce rempart qui me protège » a-t-il demandé. En dernier, « je vous demande à vous (les responsables ndlr) et à vos subordonnés de supprimer le qualificatif El Fakhama (Excellence) et de désigner le Président par Monsieur » a-t-il recommandé. Il a quitté le palais des Nations à 12 heures pour se diriger vers le sanctuaire des martyrs de Ryadh El Feth et y déposer une gerbe de fleurs comme le veut la tradition officielle nationale. Tebboune a rejoint de suite le palais d'El Mouradia pour la passation de pouvoirs entre lui et Bensalah. Il a reçu ensuite le 1er ministre Bedoui pour accepter sa démission et le remplacer à titre intérimaire par le ministre des Affaires étrangères, Sabri Boukadoum. Il a limogé en même temps le ministre de l'Intérieur, Salah Eddine Dahmoune et a nommé à sa place Kamel Beldjoud, le ministre de l'Habitat. Le chef de l'Etat a instruit le reste des ministres à continuer à gérer les affaires courantes.