L'évaluation de la menace que fait planer sur le monde le coronavirus est passée, jusque-là, par trois phases, «modérée», «élevée» et récemment «très élevée». Cela montre bien que l'Organisation mondiale de la santé (OMS), qualifiée pour émettre une telle évaluation, y va par graduation dans sa mesure du risque sur le plan planétaire. Serait-il probable qu'on puisse se tromper carrément de ne pas évaluer la menace à un niveau de pandémie mondiale ? C'est comme si on voulait soigneusement éviter d'aller vers une alerte extrême, pour des raisons diverses, dont celles propres à la mesure de l'échelle de sa propagation à travers les continents, avec des cas notifiés hors de la Chine dans 33 pays pour le moment et aucun cas signalé dans 115 pays, ainsi que la crainte de verser dans un alarmisme qui pourrait s'avérer mal placé ou inutile si on arrive à contenir l'épidémie. Cela n'élimine pas pour autant la «fausse marge» de manœuvre. Preuve en est cette erreur, déjà une première, dans le jugement de la menace mondiale liée au coronavirus. Il serait utile, en effet, de relever dans ce contexte que l'OMS a avoué qu'elle s'est trompée en estimant au mois de janvier dernier que la menace mondiale du coronavirus chinois était «modérée» sur le plan international, et qu'elle l'a la classée immédiatement «élevée». Une porte-parole de l'Organisation a signalé dans ce cadre qu'il s'agissait «d'une erreur de formulation, et nous l'avons corrigée». Cela n'a pas pour autant amené l'OMS à considérer l'épidémie comme une «urgence de santé publique de portée internationale». Alors qu'en même temps, des experts en épidémiologie ne se montrent guère rassurants. Ils relèvent que l'épidémie devrait durer plusieurs mois, et aura donc le temps de se propager plus et faire des dizaines de milliers de malades. Notons que jusqu'ici, l'OMS n'a utilisé la formule «Urgence de santé publique de portée internationale» que pour de rares cas d'épidémies, comme par exemple la grippe porcine H1N1 en 2009, ainsi qu'en 2014 où elle l'a également employée pour désigner Ebola qui ravageait une partie de l'Afrique de l'Ouest et en 2016 lorsque zika se propageait en Amérique du Sud. Et, à chaque fois, doit-on le rappeler, on l'a accusé soit de faire dans l'alarmisme (dans le cas de la grippe porcine) ou de ne pas avoir mesuré l'ampleur de la crise (zika). Pourtant, le coronavirus nécessite bien une réaction mondiale vigoureuse. On peut même affirmer sans risque de se tromper que pratiquement le monde entier se met à l'heure du coronavirus. Le directeur général de l'OMS, dans une allocution le 5 mars dernier, admet à demi-mot la portée mondiale de la menace, en soulignant que si la majorité des cas continuent d'être détectés dans une poignée ýde pays, nous sommes vivement préoccupés par le nombre croissant ýde pays qui notifient des cas, en particulier ceux dotés de systèmes ýde santé plus faibles. Doit-on s'attendre dans les prochains jours à ce qu'on élève la menace du coronavirus à une «urgence de santé publique de portée internationale» ? En matière économique c'est déjà fait, les clignotants sont au rouge sur les places boursières. Sur le plan santé, l'OMS utilise un double langage, gérant plus la peur de la psychose que la menace de propagation de la maladie elle-même. En témoigne le lancement d'une ýnouvelle campagne sur les médias sociaux intitulée Be Ready for ýCOVID-19 (le nom donné au coronavirus) (Soyez prêts à faire face au COVID-19), qui invite les gens ýà se protéger, à être judicieux et à se tenir informés.ý Il serait plus judicieux de ne garder de ce message que cet avertissement clair : «Soyez prêts à faire face au COVID-19».