Typhus, «Aâm el boun» «el'guirra», sont au nombre de ces tristes souvenirs que se sont relayés tant de générations d'Algériens. Le subconscient de ces derniers est, en effet, marqué par ces images, fort lointaines dans le temps mais très proches dans la mémoire collective, de familles entières décimées par la maladie mortelle du typhus, au tout début des années 1940, de caravanes d'Indigènes, (ce statut de sous-hommes auquel les colons les ont longtemps confinés), faisant de longues queues pour s'approvisionner en denrées alimentaires au moyen de «bons de ravitaillement», de l'atrocité de la guerre anticolonialiste, laquelle a laissé des séquelles indélébiles dans leur imaginaire. A chaque épreuve difficile, ces refoulés émergent du passé et flottent sur leur présent. Le philosophe Karl Marx n'a-t-il pas dit un jour que : «L'histoire des générations mortes pèse d'un poids lourd sur les cerveaux des vivants». Mais cela, dans notre cas de figure, a-t-il un effet positif ou négatif sur notre destinée ? Certes, diraient d'aucuns, l'Algérien est habité «de façon maladive» par le passé, mais n'en demeure pas moins (selon d'autres) qu'il soit, grâce à ce passé-là, «immunisé» contre beaucoup de maux futurs. Cela est d'autant plus vrai que son passé est très utile (un riche héritage de douleurs, partagées dans la fraternité, l'union et l'espoir). Ce qui lui a donné, (et lui donne encore), des leçons pour survivre à toutes les crises et les surmonter avec bravoure. En ce sens, avant d'être un héros sur le champ de bataille contre les colons qui lui ont usurpé sa terre et sa liberté, l'Algérien l'était déjà contre les grandes famines, les maladies, le mépris et les privations de toutes sortes. Et c'est là où gît la force de son psychisme intérieur, construit sur la lutte, la résistance et la solidarité, dont il convient de revitaliser la sève, aujourd'hui, au temps du Corona !