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Paradoxe : pourquoi l'AIE défend maintenant les producteurs de pétrole
Publié dans Le Quotidien d'Oran le 02 - 04 - 2020

Contrairement à l'approche algérienne qui a misé sur les travaux du comité technique conjoint de l'OPEP+ en vain et qui s'est avéré inefficace ou n'a pas profité de sa présidence de la conférence pour mettre de l'ordre par un discours tranchant.
Le nigérian dont le pays se trouve dans la même situation que l'Algérie, Mohammad Sanusi Barkindo, a profité de sa position de secrétaire général de l'Organisation des Pays Exportateurs de Pétrole (OPEP) pour se rapprocher du cartel des consommateurs, l'Agence internationale de l'Energie (AIE) afin trouver une solution pour les pays vulnérables et victimes de cette baisse dont les causes sont double. En effet, la pandémie a drastiquement réduit la demande, accélérée par la décision de l'Arabie Saoudite d'ouvrir les vannes pour inonder le marché en trainant dans son sillage les Emirats Arabes Unis et le Koweït sans compter le rabais sur achat de son pétrole qu'elle compte accorder pour l'extension de son marché dans le monde. C'est ainsi qu'un premier contact a eu lieu le 16 mars dernier entre le secrétaire général de l'OPEP et le directeur exécutif de l'AIE, ils ont discuté de la situation du marché pétrolier et de sa dégradation de jour en jour devenue préoccupante aussi bien pour les pays producteurs que ceux consommateurs. Ils ont fait une déclaration conjointe disponible sur le site du cartel (01). Les deux dirigeants ont exprimé de profondes inquiétudes au sujet du coronavirus (COVID-19), lit -on, qui est déjà une crise sanitaire mondiale grave et sans précédent avec des conséquences économiques et sociales potentiellement profondes. Le Dr Birol et SG Barkindo ont évalué l'impact du virus et la récente volatilité généralisée des marchés financiers et pétroliers sur l'économie mondiale. En particulier, ils ont discuté des risques inhérents à la dynamique en évolution rapide, y compris les développements les plus récents sur les marchés mondiaux du pétrole. Ils ont convenu que ceux-ci créent des impacts matériels, en particulier pour les citoyens des pays en développement, y compris ceux qui dépendent fortement des revenus de la production de pétrole et de gaz pour les services essentiels et qui sont particulièrement vulnérables à la volatilité du marché.Ils ont examiné l'impact sur les pays en développement vulnérables et ont noté que si les conditions actuelles du marché continuent, leurs revenus tirés du pétrole et du gaz chuteront de 50% à 85% en 2020, atteignant les niveaux les plus bas en plus de deux décennies, selon une analyse récente de l'AIE. Cela est susceptible d'avoir des conséquences sociales et économiques majeures, notamment pour les dépenses du secteur public dans des domaines vitaux tels que les soins de santé et l'éducation. Ils ont tous deux souligné l'importance de la stabilité du marché, car les effets d'une volatilité extrême sont ressentis par les producteurs, en particulier en termes de revenus indispensables, ainsi que par les producteurs et les consommateurs, qui sont affectés par un marché instable et imprévisible.
Une dizaine de jours après, Fatih Birol est allé beaucoup plus loin
En effet, fort par cette cohésion entre les deux organisations, Dr Fatih Birol a assené certaines vérités sur le manque de volonté de l'Arabie Saoudite et de la Russie de contribuer à la stabilité des prix du marché dans l'intérêt général. Dans un entretien qu'il a accordé aux « Echos » dans sa livraison du mercredi 25 mars dernier, le directeur exécutif de l'Agence Internationale de l'Energie (AIE) le turc Fatih Birol n'est pas allé avec le dos de la cuillère par sa sévérité envers l'Arabie Saoudite et la Russie qu'il considère comme responsables de la chute actuelles des cours du pétrole par leur comportement irresponsable qui s'est éloigné de l'objectif qui les rassemble dans cette organisation sensée œuvrer pour la stabilité du marché. Pour lui « Les citoyens du monde se souviendront que des grandes puissances qui avaient le pouvoir de stabiliser l'économie de nombreux pays dans une période de pandémie sans précédent ont décidé de ne pas l'exercer » en conséquences « l'histoire les jugera » poursuit-il. Par cet acte déstabilisant, ils ont mis certains pays producteurs en difficulté. L'Arabie Saoudite a choisi d'inonder le marché suivie par les Emirats Arabes Unis et le Koweït en dépit de l'effondrement de la demande avec la pandémie du nouveau coronavirus se tire une balle dans le pied mais « agit pour des considérations politiques et diplomatiques » observe Dr Fatih Birol. Quant à la Russie qui a refusé de nouveaux accords avec l'Organisation des Pays Exportateurs de Pétrole pour limiter la production, tente par là de « terrasser la production de pétrole de schiste mais cela ne marchera pas car des que la demande mondiale de pétrole repartira, les cours remontrons et le schiste fera vite son retour ». Pour sortir de la crise, le directeur exécutif qui représente les pays consommateurs estime la seule voie de relance économique généralisée après cette pandémie pour soutenir la demande soit un accord des grands pays producteurs pour stabiliser la production. Il dit être en contact permanent avec le secrétaire général de l'OPEP et avec les ministres des Etats exportateurs « mais rien de concret n'en est ressorti pour l'instant ». Pourtant, les pays du G20, avaient promis d'améliorer le dialogue entre les pays producteurs et consommateurs de pétrole et s'étaient engagés à plus de transparence pour limiter la volatilité des prix, cette fois ci un sommet de G 7 organisé sous la présidence de l'Arabie Saoudite par vidéo conférence s'est tenu au début de la pandémie n'a soufflé mot sur cette chute des prix vertigineuse.
Cette offensive de l'AIE commence à apporter ses fruits
Jusqu'à présent Vladimir Poutine est sous influence jugent les medias russes de son ami de 30 ans. Il s'agit du nouveau Monsieur Niet, un personnage intrigant, machiavélique, discret, mais très écouté. Proche parmi les proches de Vladimir Poutine, c'est lui qui a convaincu le maître du Kremlin de rompre avec l'OPEP. Igor Setchine, le très puissant PDG du géant du pétrole russe Rosneft. Cheveux courts, mâchoire carrée, regard impassible, l'homme a l'allure classique de l'oligarque dominateur. Âgé de 59 ans, Setchine est en vérité beaucoup plus que cela. Ancien vice-Premier ministre de l'Energie, il est au cœur de tous les secrets du régime, à l'intersection de la politique et de la technostructure militaro-industrielle. Il est surtout l'homme qui murmure à l'oreille du président russe. Depuis fin 2016, la politique de Moscou est calquée sur celle de Riyad. Pour soutenir les cours, les deux pays ont diminué drastiquement leur production. Il se trouve que cette politique qui déplaît à Igor Setchine. Le patron de Rosneft estime que la réduction de la production russe favorise les Etats-Unis. Il a réussi à le convaincre le 5 et 6 mars dernier lors de la réunion de l'OPEP+ de refuser une nouvelle réduction de la production de 1, 5 millions de barils par jour décidée par les 13 membres du cartel pétrolier sous le leadership du royaume wahhabite. Mais l'évolution de la pandémie du coronavirus devait fausser ces calculs. Comme cela a été noté, la manipulation du prix du pétrole par l'Arabie saoudite a ciblé la Russie à deux reprises. Cette fois, les effets d'un prix bas ont frappé Moscou particulièrement durement en raison des sanctions déjà en place combinées au faible rouble. La semaine dernière, dans un effort pour défendre sa monnaie, la Banque de Russie a relevé ses taux d'intérêt à 17%. La mesure a échoué, le rouble ayant chuté de 20% supplémentaires, ce qui a fait spéculer que le pays pourrait imposer des contrôles des capitaux. Pendant ce temps, Poutine a profité de l'occasion dans son discours télévisé annuel pour annoncer que si l'économie devrait souffrir pendant les deux prochaines années et que les Russes devraient se préparer à une récession, « notre économie se diversifiera et les prix du pétrole remonteront. » Le samedi 2 mars, lorsque les prix du baril se sont sérieusement détériorés pour passer à la barre de moins 25 dollars et l'économie mondiale confirme sa récession comme en 2009 après la crise financière de 2008, on commence à entendre un autre son de cloche du côté de Moscou. Cette fois il vient de Kirill Dmitriev, le patron du fond souverain russe d'investissement. Il tend la main pour un nouvel accord dans le cadre de l'OPEP+, regroupant des pays producteurs de pétrole membres ou non du cartel, est de l'ordre du possible si d'autres Etats rejoignent l'initiative. Il n'a pas précisé en revanche à quels pays il pensait. Même si les Etats Unis ne participent pas à ce groupe informel, de nombreux observateurs pensent qu'ils le sont indirectement par le biais de l'Arabie Saoudite. Cela ne s'est pas attendre car Donald Trump a déclaré le 29 mars dernier que Washington pourrait s'impliquer « le moment venu »dans la guerre des prix déclenchée par l'Arabie saoudite et la Russie qui frappe durement les industriels américains du gaz de schiste, pénalisés par leurs coûts de production élevés. .Rapporté par le Wall Street Journal, l'administration Trump envisage une manœuvre diplomatique pour amener l'Arabie saoudite à fermer ses robinets et utilise la menace de sanctions sur la Russie pour les forcer à réduire leur production. Pour ce responsable russe, qui a du recevoir l'aval de Poutine par évidence même «des actions conjointes entre pays sont nécessaires pour rétablir l'économie mondiale. Ces actions conjointes sont aussi possibles dans le cadre de l'accord OPEP+.» Pour rappel, le directeur du Fonds d'investissement direct russe (RDIF) et le ministre de l'Energie, Alexander Novak, étaient les principaux négociateurs russes de l'accord OPEP+ qui arrive à expiration le 31 mars.
L'Arabie Saoudite aussi est dans une mauvaise passe
Rudes temps pour Riyad, l'action combinée de la réduction de la demande mondiale et du déplafonnement des exportations saoudiennes devrait faire déraper le déficit budgétaire, prévu à 6 % du PIB pour cette année avant même le début de la crise. Le « point mort budgétaire », le prix en dessous duquel le budget saoudien tombe dans le rouge, est estimé à 83,6 dollars le baril cette année. Or, le prix de l'or noir avoisine les 25 dollars le baril aujourd'hui. L'Arabie saoudite pourrait afficher un déficit commercial en 2020, situation extrêmement inhabituelle. Chaque semaine, Riyad perd 1,75 milliard de recettes en devises par rapport à la situation d'avant crise. C'est la deuxième fois consécutive en utilisant la même stratégie pour gagner et défendre ses parts de marché qu'elle s'est faite arrosée. Rappelons que suite à sa stratégie de 2014, elle a été frappée de plein fouet par la chute des cours de l'or noir. En raison d'une division par trois du prix du brut en 18 mois, le principal exportateur mondial de pétrole a présenté, un budget 2016 en déficit, le troisième consécutif dans ce cas. Et pour un montant impressionnant : 19% du PIB, soit 87 milliards de dollars, à peine inférieur, en proportion, au déficit record de 2015. Ce dernier, a dépassé les 21 % du PIB (98 milliards de dollars, alors que bien des analystes tablaient même sur 130 milliards), un ratio comptant peu d'équivalent au monde. Cette fois-ci avec la crise de la demande fortement rétrécie par cette pandémie du coronavirus et quelque soit le niveau d'augmentation du volume, le déficit y demeurera important. Pour une augmentation de sa production de 20% avec un prix de 35 dollars le baril, le déficit sera établi autour de 125 milliards de dollars maintenant si le pris descend comme c'est la tendance aujourd'hui à 20 dollars, il passera à 190 milliards de dollars. Selon les analystes, de nombreux facteurs vont l'obliger de revoir sa stratégie offensive pour une guerre des prix :
Sa stratégie confiée au cabinet McKinsey de réduire sa dépendance du pétrole n'a pas selon toute vraisemblance ramené ses fruits .Elle a souscri sa première obligation souveraine voilà déjà plusieurs années. La mise à la bourse de l'Aramco non seulement n'a pas été appréciée au montant initial de 2000 milliards de dollars mais n'a drainé aucun étranger. Il n'est pas extraordinaire soutiennent de nombreux analystes que les 500 milliards de dollars aient été levés par des fonds internes du cercle du royaume. L'Arabie saoudite est passée de moins de 6 millions d'habitants en 1970 à près de 35 millions aujourd'hui. Sa capacité à subir des pertes pourrait être beaucoup plus faible qu'on le laisse entendre.
Le département américain de l'énergie(EIA) est en alerte
Les actions des foreurs de pétrole de schiste se sont effondrées de 25% à 50% et poursuivent cette descente en enfer à ce jour. Leurs liens se sont massacrés. La stratégie de guerre des prix entre l'Arabie saoudite et la Russie semble avoir réussi à anéantir les investisseurs du secteur américain du pétrole de schiste. C'était tellement chaotique et brutal sur le marché du pétrole brut aujourd'hui que l'EIA, qui fait partie du département américain de l'Energie, a envoyé par courrier électronique une déclaration selon laquelle elle devrait retarder ses Perspectives énergétiques mensuelles pour figurer dans tout le chaos: «Nous avons retardé la publication des perspectives énergétiques à court terme afin de laisser le temps d'incorporer les récents événements du marché mondial du pétrole. Les perspectives seront maintenant publiées le mercredi 11 mars à 9h00. Les marchés pétroliers attentent de ce qui va ressortir du sommet virtuel du G20 ce jeudi ?
*Consultant, économiste pétrolier


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