Les cours du pétrole ont terminé en nette baisse jeudi, reprenant leur souffle après plusieurs jours de hausse les ayant amenés à leur plus haut niveau en quatre ans. A Londres, le baril de Brent de la mer du Nord pour livraison en décembre a cédé 1,71 dollar, ou 2,0%, pour terminer à 84,58 dollars sur l'Intercontinental Exchange (ICE). Sur le New York Mercantile Exchange (Nymex), le baril de "light sweet crude" (WTI) pour novembre a perdu 2,08 dollars, ou 2,8%, pour finir à 74,33 dollars. Les cours de l'or noir avaient grimpé mercredi en séance jusqu'à 86,74 dollars pour le Brent et 76,90 dollars pour le WTI, leur plus haut niveau depuis fin 2014. Cette envolée est alimentée depuis plusieurs semaines par la crainte de voir s'assécher l'offre d'or noir sur le marché mondial lorsque entreront en vigueur, en novembre, des sanctions américaines contre les exportations de pétrole iranien. "L'idée que l'Opep (Organisation des pays exportateurs de pétrole) et ses partenaires sont incapables, ou ne veulent pas, compenser les barils iraniens perdus explique cette hausse", ont commenté les analystes de Natixis. Le chef de l'Agence internationale de l'énergie (IEA), Fatih Birol, a d'ailleurs appelé jeudi, dans une interview au Financial Times, les pays producteurs à accroitre leurs efforts, jugeant que ceux fournis ont été insuffisants pour rassurer les marchés. Le ministre saoudien de l'Energie, Khaled al-Faleh, a cependant affirmé que l'effort de l'Opep et de ses partenaires, qui ont amendé en juin leur accord de limitation de la production pour rééquilibrer l'offre mondiale, devrait laisser les marchés "à l'aise". "Nous faisons tout notre possible, et plus, ensemble", a-t-il assuré, selon l'agence Bloomberg, estimant par ailleurs que les réserves mondiales grimpaient en raison de l'effort de production. Cependant, la forte hausse des réserves de brut aux Etats-Unis dont a fait état mercredi le gouvernement américain n'avait pas suffi à mettre un terme à la flambée des prix. "Les raffineries achètent leurs barils sur des contrats pour dans deux ou trois mois", quand les sanctions seront appliquées, a expliqué Bjarne Schieldrop, analyste chez SEB, pour qui il est donc logique que les prix reflètent une demande élevée même si les stocks sont, pour l'instant, abondants. Il est aussi possible, selon Kyle Cooper, d'IAF Advisors, que les craintes géopolitiques, avivées mercredi par de sévères commentaires de responsables américains à l'encontre de Téhéran, aient reléguées au second plan le rapport américain. Et que "les acteurs du marché réagissent avec retard à l'énorme augmentation des stocks de brut aux Etats-Unis".
Le baril à 65-75 dollars "satisfera" la Russie Pour sa part, le président russe, Vladimir Poutine, a assuré que le prix d'un baril de pétrole dans une fourchette comprise entre 65 et 75 dollars "satisfera" la Russie, alors que l'or noir a bondi cette semaine à son plus haut niveau depuis novembre 2014. "Nous serons tout à fait satisfaits avec 65-70-75 dollars pour un baril. C'est tout à fait normal pour assurer un fonctionnement efficace des entreprises énergétiques et pour le processus d'investissements", a déclaré M. Poutine lors d'un forum consacré à l'énergie à Moscou, alors que le baril Brent de la mer du Nord pour livraison en décembre s'échangeait à près de 85 dollars à Londres mercredi en milieu de journée. Les prix du pétrole s'approchaient mercredi, en cours d'échanges européens, de leur plus haut en quatre ans, les craintes entourant les sanctions américaines sur l'Iran prenant le dessus sur une hausse prévue des stocks américains. Le président américain, Donald Trump, a multiplié dernièrement les attaques contre l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep), qu'il accuse d'être responsable du niveau élevé des prix, même si la plupart des observateurs du marché s'accordent à expliquer la hausse des cours par les sanctions de Washington contre l'Iran, qui vont priver le marché de l'offre du troisième producteur de l'Opep. "Le président Trump a dit que le prix de pétrole était élevé. Il a en partie raison", a estimé M. Poutine. "Mais un tel prix du pétrole est essentiellement le résultat des activités de l'actuelle administration américaine (...) de sa politique irresponsable qui a un impact direct sur l'économie mondiale", a-t-il affirmé. L'Opep et ses partenaires hors cartel - dont la Russie - s'étaient mis d'accord fin juin pour augmenter leur production, après un précédent accord fin 2016 pour limiter leur offre afin d'assurer une remontée des prix. "Nous avons déjà augmenté notre production de 400.000 barils (par jour). S'il le faut, nous pourrions l'augmenter encore de 200-300.000 barils par jour", a ajouté M. Poutine.
Les cours pourraient rester élevés mais sont volatils Les cours du pétrole pourraient se maintenir à un niveau élevé ces prochains mois mais le marché reste marqué par la volatilité, a souligné de son côté le directeur général exploration et production de Total, Arnaud Breuillac. Il a ainsi évoqué "un ensemble de facteurs haussiers et baissiers qui laissent à penser peut-être que dans les mois à venir le prix devrait se tenir à un niveau relativement élevé, avec quand même une incertitude sur la deuxième moitié de 2019". Les cours ont progressé dernièrement, soutenus par la demande, la politique coordonnée de l'Opep et de la Russie, les difficultés de pays producteurs (Libye et Venezuela) ainsi que les tensions géopolitiques autour de l'Iran. Mais "à moyen terme, on a une grande incertitude qui est liée à l'ampleur de la hausse de la production du pétrole de schiste aux Etats-Unis", a rappelé Arnaud Breuillac, lors d'un événement organisé par Evolen, qui regroupe des sociétés parapétrolières françaises. "Cette offre supplémentaire sera cependant en partie contrebalancée par la forte baisse des investissements de ces dernières années", a-t-il ajouté. In fine "la volatilité va durer" et Total doit "être profitable quel que soit le niveau de prix". Le groupe a récemment confirmé vouloir maintenir ses investissements dans une fourchette de 15 à 17 milliards de dollars par an. Et il compte toujours réaliser 5 milliards de dollars par an d'économies d'ici à 2020.