Faute d'investissements des producteurs traditionnels de pétrole, et en raison des tensions géopolitiques, le marché de pétrole va être de plus en plus dépendant de la production de schiste des Etats-Unis, s'est inquiétée, hier, l'Agence internationale de l'Energie (AIE). «Le marché du pétrole entre dans une nouvelle ère d'instabilité et de volatilité», a affirmé Fatih Birol, directeur exécutif de l'AIE, lors d'une conférence à Londres, qui estime que «les capacités de production non-utilisées sont de plus en plus faibles par rapport à il y a quelques mois». Birol s'est ainsi félicité de l'augmentation de la production des géants que sont l'Arabie saoudite et la Russie, et estime que le marché est sorti de la «zone rouge» qu'il avait dénoncée en octobre, lorsque les prix du baril dépassaient les 85 dollars, menaçant, selon lui, la croissance de la demande et l'économie des pays émergents. Mais les capacités traditionnelles de production non-utilisées s'épuisent avec cet effort, et l'instabilité du marché est nourrie, selon l'AIE, par les sanctions américaines contre l'Iran, dont la sévérité reste à établir, alors que des exemptions temporaires ont été accordées. Dans ce contexte, l'AIE craint que le manque d'investissements dans de nouvelles sources de pétrole traditionnel ne conduise le marché à un déficit de l'offre. Sans nouveaux investissements, la production devrait, selon l'Agence, baisser de 8% par an en moyenne d'ici 2025, en raison de l'épuisement des puits en cours d'exploitation. «Même si nous n'augmentons pas notre demande d'un pouce dans les 25 prochaines années, nous aurions tout de même besoin d'investir pour garder la production à son niveau actuel», a rappelé Birol, qui juge, par ailleurs, que la demande ne devrait pas arrêter d'augmenter dans les années à venir. Résultat, «nous allons en demander beaucoup trop au pétrole de schiste américain», a affirmé Tim Gould, en charge de la recherche sur l'offre et l'investissement pour l'AIE. Les producteurs américains, qui ont révolutionné le marché de pétrole dans les dernières années avec leurs puits de pétrole de schiste, auraient besoin de continuer leur croissance effrénée pour voir leurs nouvelles extractions représenter l'équivalent de la production russe, un des trois pays au monde capable d'extraire plus de 10 millions de barils par jour. «C'est un défi de taille», a euphémisé Birol. «Ce n'est pas impossible, mais c'est en tout cas du jamais vu sur le marché du pétrole», a-t-il ajouté.