Abdessamad Akrach est président de l'association Tahara, spécialisée dans les toilettes rituelles musulmanes et qui est basée en Seine-et-Marne, en France. Scandalisé par le drame des familles musulmanes de l'Hexagone, qui arrivent difficilement à trouver un carré musulman dans le cimetière de leur région pour enterrer leurs morts en ces temps tragiques du Covid-19, où les frontières sont fermées, empêchant ainsi tout rapatriement des corps dans les pays d'origine, il a lancé un appel aux autorités françaises pour recommander d'ouvrir de nouveaux carrés musulmans dans les cimetières français qui ne possèdent pas cet espace, en plus de l'élargissement de ceux existants. Son SOS n'ayant pas trouvé d'écho, il vient de déposer un recours devant la justice française pour demander au maire de Montreuil, en région parisienne, d'agrandir le carré musulman de cette commune qui est actuellement saturé. «Avec la crise du coronavirus, nous confie-t-il, le manque de places dédiées au culte musulman dans les cimetières français apparaît criant dans les régions les plus frappées, notamment avec la suspension des rapatriements des défunts musulmans dans leurs pays d'origine à cause de l'épidémie. En temps normal, environ 80% d'entre eux se font enterrer hors de France, dans leurs pays d'origine». «Les carrés musulmans des cimetières français étaient déjà au bord de la saturation lorsque l'épidémie du Covid-19 est arrivée, souligne-t-il. Après avoir reçu des appels de familles endeuillées qui ne pouvaient pas rapatrier les corps dans leurs pays d'origine (principalement l'Algérie, le Maroc et la Tunisie) et qui ne trouvaient pas de places pour les inhumer ici en France, mon association a décidé de saisir la justice pour demander au maire de Montreuil (Seine-Saint-Denis) d'agrandir le carré musulman de son cimetière. De nombreuses communes françaises ne disposent pas d'un carré musulman dans leurs cimetières. Certes, selon la loi, ce n'est pas une obligation, mais une circulaire de 2008 encourage les élus à le faire. Dans l'Oise, le département qui fut l'un des premiers foyers de l'épidémie dans l'Hexagone, sur 679 communes, seulement 11 ont un carré musulman». «Je suis confronté à la mort tous les jours, nous avoue Abdessamad Akrach, avec des familles endeuillées qui appellent l'association. On a eu un énorme souci, la pénurie de carrés musulmans au sein des cimetières dans certaines communes françaises a rallongé des obsèques de deux à trois semaines. Les familles n'ont pas pu faire leur deuil. C'est vrai qu'elles avaient souvent l'habitude de faire rapatrier les corps, mais aujourd'hui que les frontières sont fermées, où va-t-on enterrer ces personnes-là ? Vous laisseriez, vous, dans une chambre mortuaire s'entasser des défunts dont on ne sait pas quoi faire ? C'est juste inhumain !». Abdessamad signale que «parmi ces morts, il y a pourtant aussi tous ceux qu'on applaudit chaque soir à 20h00 -les soignants- tous ces médecins et infirmiers de confession musulmane, qui étaient en première ligne, qui se sont battus contre le Covid-19 jusqu'à en mourir. Où va-t-on les enterrer ? On va dire, non monsieur, il n'y a pas de carré musulman au sein de notre commune !» La crise du Covid-19 a mis en lumière un problème qui était passé jusque-là inaperçu dans le pays de la laïcité tous azimuts. Dans ses 35.000 cimetières, le nombre des carrés musulmans est évalué à environ 600 seulement.