En diffusant un avis religieux sur l'annulation des rassemblements populaires pour l'accomplissement de la prière de l'Aïd El Fitr, que les fidèles doivent accomplir cette année à domicile, en groupe avec les membres d'une même famille ou individuellement, en raison de la situation sanitaire, la commission ministérielle de la fatwa a fait ce qu'il fallait pour protéger la population d'un risque majeur de contagion à grande échelle. Surtout quand on sait par expérience que d'autres rassemblements religieux à travers le monde ont été à l'origine de l'éclatement d'importants foyers de propagation du Covid-19, dont le rassemblement massif des protestants dans une ville à l'Est de la France, faisant de cette région l'épicentre du nouveau coronavirus dans ce pays, ainsi que les Juifs orthodoxes les plus réfractaires aux mesures de confinement et à l'interdiction des interactions physiques ou sociales, sévèrement touchés par la pandémie. Tous les rituels religieux ont été impactés par le Covid-19 et la religion musulmane n'échappe pas à la règle. Avec une différence nettement perceptible, les musulmans se sont appliqués avec discipline aux règles de confinement et de distanciation sociale, notamment à travers la fermeture des mosquées et l'annulation de la Omra (le petit pèlerinage), ce qui les a relativement mis à l'abri d'une plus grave expansion de l'épidémie. Dans ce contexte, la commission ministérielle de la fatwa a également mis en avant «la vertu et le mérite de semer la joie et le bonheur à l'occasion de l'Aïd, et de répandre les valeurs d'affection, de tolérance, de solidarité et d'entraide en ce jour de fête, dans le respect des mesures préventives, notamment la distanciation sociale, en évitant les regroupements ». Mais est-ce suffisant pour éviter que ces jours de joie ne se transforment en cauchemar en provoquant l'éclatement de nouveaux foyers ? Cette fatwa « isolée » pourrait s'avérer un coup d'épée dans l'eau quand on sait pertinemment que cette occasion religieuse, en l'occurrence l'Aïd El Fitr, est propice aux déplacements compacts et aux visites familiales. Le seul confinement partiel n'arriverait pas à endiguer cet important flux social coutumier. Ces jours de joie sèment effectivement l'inquiétude à travers tout le monde musulman. Poussant les autorités en Arabie Saoudite à mettre en place, en sus de la fatwa qui a décrété que la prière de l'Aïd El Fitr doit être observée à la maison, un couvre-feu total durant les cinq jours de l'Aïd El Fitr, soit du 23 au 27 mai. Car, il n'y a pas que la prière en groupe de l'Aïd El Fitr qu'on doit annuler pour éviter tout risque de contamination par le nouveau coronavirus. Les vœux de l'Aïd, synonymes de contacts physiques, d'embrassades et de mains serrées à tout bout de champ, ainsi que les bambins qui s'éclatent en cette occasion dans des rencontres familiales et entre copains, constituent un risque très élevé et plus étalé encore dans le temps. N'est-il pas temps, à ce stade de la prévention, aux pouvoirs publics d'intervenir et prendre des décisions appropriées ?