Le Syndicat national des pharmaciens d'officine a adressé une lettre au président de la République Abdelmadjid Tebboune à propos de l'Agence nationale des produits pharmaceutiques (ANPP). Il ressort clairement de la lettre en question dont nous détenons une copie que des lobbys de l'industrie pharmaceutique se démènent pour retirer l'Agence nationale des produits pharmaceutiques de la tutelle du ministère de la Santé et la placer sous le contrôle du ministère de l'Industrie. «Il est par conséquent tout à fait normal que l'ANPP soit placée sous l'autorité du ministère de la Santé», a-t-on souligné en argumentant par le fait que «certaines tâches anciennement dévolues au ministère de la Santé et confiées entre autres à la DG de la pharmacie, au Laboratoire national de contrôle des produits pharmaceutiques (LNCPP), ou au service de l'inspection générale, ont été désormais inscrites parmi les attributions de l'ANPP». Les recommandations de l'OMS abondent dans ce sens en désignant «l'autorité politique concernée au sein de l'Etat par la mise en fonction de l'ARP est le ministère chargé de la santé». En Algérie l'ARP est l'ANPP. Tout l'arsenal juridique de la loi 18-11 notamment les articles 223, 224 et 225 est clair dans ses fondements relatifs à la tutelle du ministère de la Santé et au caractère de santé publique. Pour toutes ces raisons, a-t-on indiqué dans la correspondance du SNAPO, «l'ANPP doit garder sa souveraineté, elle doit rester sous la tutelle du ministère de la Santé et marquer son indépendance par rapport au secteur industriel et aux firmes pharmaceutiques». Des compléments alimentaires et des gels hydroalcooliques en demande hyper croissante sont fabriqués par des laboratoires privés de la parapharmacie dans des conditions à la limite du respect des normes scientifiques. Des chiffres d'affaires faramineux échappent au contrôle de l'Etat au nom de la lutte contre le coronavirus. L'enjeu financier est de taille. Soumettre l'agence du médicament en question à l'autorité du ministère de l'Industrie, c'est banaliser le médicament dans sa fabrication au même titre d'un gâteau ou d'un bonbon, a-t-on indiqué. Le syndicat des pharmacies d'officine s'interroge : «les bonnes pratiques de distribution, de dispensation au niveau des pharmacies hospitalières et des officines de ville relèveraient d'un ministère de l'Industrie ?». Et de répondre : «ça serait vraiment d'une totale incohérence, ça serait également destituer le secteur de la santé d'une partie indissociable de sa composante et de sa compétence». Un autre argument de taille est évoqué dans la lettre du SNAPO: «l'agence est appelée à assumer des missions qui toucheraient au secteur pharmaceutique dans sa globalité... mais également l'activité pharmaceutique liée aux laboratoires étrangers se trouvant en Algérie ainsi qu'aux opérations d'importation qu'ils réalisent, car l'enregistrement, l'homologation et le contrôle touchent tous ces secteurs de l'activité pharmaceutique, et pas seulement de l'industrie». Et d'ajouter: «les tâches de l'ANPP dépassent de loin et sont beaucoup plus larges que celles du ministère de l'Industrie... du fait qu'elle dispose d'une mission de santé publique alors que l'industrie pharmaceutique a des liens directs avec les opérateurs en industrie qui auront à réaliser des projets dans le respect d'une stratégie tracée par le secteur de la santé». Pour conclure, lit-on dans la lettre du SNAPO, «il ne faut pas faire croire à l'opinion publique que la rapidité de l'enregistrement va régler le problème de la santé et du médicament en Algérie». Il est clairement établi, a-t-on précisé, que «le nombre de produits enregistrés auprès du ministère de la Santé par les différentes firmes pharmaceutiques locales et internationales est bien supérieur au nombre des produits importés ou réellement fabriqués localement et mis sur le marché». La lettre se conclut avec un constat qui en dit long sur la légèreté déconcertante qu'on veut imposer à la fabrication du médicament et la pratique de l'acte pharmaceutique pour des raisons purement commerciales et de profit dans un climat de vulnérabilité imposé ces derniers temps par le coronavirus. Dans un environnement marqué par la publicité mensongère de certains producteurs de compléments alimentaires et produits cosmétiques, l'Etat doit réagir avec vigueur et ce n'est qu'avec l'ANPP que cela pourrait être possible, a-t-on suggéré avant de noter qu'«enregistrer un produit n'implique pas forcément sa fabrication ou son importation immédiate. De nombreux laboratoires enregistrent mais attendent parfois des années avant de mettre réellement le produit sur le marché». Selon le vice-président du SNAPO, Zfizef Abdelhak, «le secteur de l'activité pharmaceutique est dans une anarchie totale qui risque d'empirer si le seul organe de contrôle qui est l'ANPP est retiré au ministère de la Santé et placé sous l'emprise du ministère de l'Industrie». Pour cela, notre interlocuteur a souligné que le SNAPO ne ménagera aucun effort pour faire respecter les règles de l'activité pharmaceutique.