Joe Biden a remporté la course à la Maison Blanche face à Donald Trump, ont annoncé samedi les médias américains, une victoire marquant un tournant historique pour l'Amérique et le monde, après quatre années de rupture sous le président républicain. Après quatre jours de suspense, le candidat démocrate et ancien vice-président de Barack Obama a été donné vainqueur avec au minimum 273 grands électeurs, grâce à un succès dans l'Etat-clé de Pennsylvanie, selon les grands médias américains dont CNN et le New York Times. Il va devenir le 46e président des Etats-Unis. Pour la première fois de leur histoire, le pays aura une vice-présidente, Kamala Harris, 56 ans, qui sera aussi la première personne noire à occuper la fonction. Donald Trump n'avait à ce stade pas reconnu sa défaite, et on ignore s'il continuera à contester les résultats en arguant de fraudes, non étayées à ce stade, alors que son propre camp semblait déjà résigné à quatre ans de présidence Biden. Il est le premier président américain à être privé d'un second mandat depuis le républicain George H. W. Bush en 1992. Quoique dise Donald Trump, la date de la passation de pouvoir est inscrite dans la Constitution: le 20 janvier à midi. D'ici là, les Etats certifieront leurs résultats, et les 538 grands électeurs se réuniront en décembre pour formellement désigner leur président. "Les autorités américaines sont parfaitement capables d'expulser les intrus de la Maison Blanche", a glissé cette semaine un porte-parole de Joe Biden, Andrew Bates. Joe Biden, qui fut le fidèle vice-président de Barack Obama de 2009 à 2017, avait parié qu'une campagne modérée axée sur les travailleurs redonnerait auxdémocrates les clés de la Maison Blanche, et le pari a manifestement payé. Il a repris à Donald Trump trois Etats industriels qui avaient échappé à Hillary Clinton il y a quatre ans: Michigan, Wisconsin et Pennsylvanie, "le coeur de cette nation", a-t-il dit vendredi soir. Et il devançait samedi M. Trump en Géorgie, dans le Nevada et dans l'Arizona, selon des résultats partiels. Le dépouillement se prolonge depuis mardi dans ces Etats en raison du volume exceptionnel de bulletins envoyés par courrier, une méthode qui avait été encouragée par le contexte sanitaire. En Pennsylvanie, ces bulletins étaient à 80% en faveur de Joe Biden, ce qui lui a permis d'effacer l'avance initiale du républicain. Au total, malgré la pandémie, la participation a atteint un niveau record dans l'ère moderne: autour de 66% des électeurs ont voté, selon le US Elections Project. Joe Biden a obtenu plus de 74 millions de voix, contre 70 millions pour Donald Trump, au total dans le pays. Ce "vote populaire" n'a pas de valeur dans le système électoral américain, mais il renforce, selon les démocrates, la légitimité politique du prochain président. "Le président élu Biden a un mandat fort", a déclaré dès vendredi la présidente démocrate de la Chambre des représentants, Nancy Pelosi. Mais son pouvoir serait fortement contraint si la chambre haute du Congrès, le Sénat, restait contrôlée par les républicains. Le suspense durera jusqu'au 5 janvier, date du second tour d'une sénatoriale en Géorgie. Trump isolé Fox News et le New York Post, deux des principaux médias conservateurs américains contrôlés par le magnat Rupert Murdoch, ont pris, ces dernières heures, leurs distances avec Donald Trump, une première depuis 2016, et peut-être un tournant. "Fox News sucks!" - traduction "Fox News craint": pour la première fois, jeudi soir, à Phoenix (Arizona), des partisans du président américain, s'en sont pris à la chaîne considérée, depuis cinq ans, comme un allié indéfectible de Donald Trump. En cause, l'annonce par la chaîne de la victoire du candidat démocrate Joe Biden en Arizona dès mardi soir. L'équipe Trump a appelé la chaîne à se rétracter, en vain, alors que d'autres médias se gardaient eux de déclarer un vainqueur, en attendant la fin du comptage des bulletins dans cet Etat-clé. Depuis, Fox News a aussi traité avec beaucoup de prudence les allégations de fraude électorale massive émanant du camp Trump et du président lui-même. "Nous n'avons pas vu" de preuve, a encore dit vendredi, à l'antenne, Bret Baier, journaliste politique le plus en vue de la chaîne. "On ne nous a rien montré." Fox News est-elle donc en train de "lâcher" Trump, après avoir contribué à sa victoire surprise en 2016. Professeur de communication à l'université DePauw, Jeffrey McCall rappelle que Fox News a toujours été une chaîne à deux visages. D'un côté, quelques présentateurs vedettes, plutôt éditorialistes que journalistes, ultra-conservateurs, et de l'autre, une rédaction nettement plus mesurée. Plusieurs journalistes de Fox News, comme le modérateur du premier débat présidentiel Chris Wallace, sont ainsi reconnus pour leur professionnalisme. Côté éditorialistes, la star de l'antenne, Sean Hannity, très proche de Donald Trump, estimait jeudi soir que "les Américains (avaient) raison d'avoir des soupçons, (...) de ne pas croire en la légitimité de ces résultats".