Quarante-huit heures après la vague d'incendies ayant touché le patrimoine forestier d'une dizaine de wilayas du pays, vendredi dernier, avec pour bilan deux morts et des centaines d'hectares de couvert végétal détruits par les flammes, le voile commence à se lever sur l'origine probable de ces sinistres. Outre le caractère simultané de ces départs de feux, un autre élément, celui de leur déclenchement durant la nuit renforce, désormais, la thèse de l'origine criminelle, en attendant qu'elle soit, évidemment, confirmée ou infirmé par l'enquête actuellement en cours, par les services compétents. C'est en substance ce qu'a déclaré, hier, le colonel Farouk Achour, directeur de l'Information et des Statistiques à la Protection civile, sur les ondes de la Chaîne 3 de la Radio nationale. Le porte-parole de la Protection civile relève que cette piste (criminelle) est d'autant plus plausible que ces sinistres sont survenus durant la nuit, un moment, souligne-t-il, où les conditions ne se prêtent nullement à leur naissance. «Lorsque vous avez un linéaire, et sur ce linéaire, vous avez plusieurs foyers de feu, surtout de nuit », avec « une photosynthèse qui impose qu'il y ait moins d'oxygène » et « plus d'humidité », en somme, des conditions qui « ne se prêtent nullement à la naissance de départs de feu », « on peut presque affirmer qu'il y a quelque chose », a soutenu le Colonel Achour avant de souligner qu'« il va falloir creuser à partir de cette analyse, « pour trouver qui sont les auteurs ». Le représentant de la Protection civile a toutefois tempéré ses propos en n'écartant pas qu'il peut aussi s'agir « d'un nouveau phénomène naturel », dont « il est très important de s'en assurer pour pouvoir, par la suite, mettre en place des plans de prévention cohérents ». Néanmoins, le Colonel Achour n'a pas manqué de relever des similitudes avec la situation créée durant l'été de 2012, où une vingtaine de wilayas ont été affectées par de puissants incendies, à l'origine de la destruction de plus de 10.000 ha de superficie boisée, particulièrement dans certaines régions où ces types de sinistres sont rarissimes. Après cela, précise-t-il, nombre d'arrestations ont, d'ailleurs, été effectuées, donnant lieu à de lourdes condamnations à l'encontre de leurs auteurs. Commentant le phénomène de la pyromanie, lequel semble, depuis quelques années, prendre des proportions inquiétantes, et compte tenu de l'importance du couvert forestier, le colonel Achour se déclare en faveur de « sanctions exemplaires » contre ceux qui mettent cette importance ressource en danger. A fortiori, lorsque ces incendies provoqués causent la mort de personnes, entraînent des destructions d'habitations et engendrent des pertes de revenus à ceux qui en tirent leurs moyens de subsistance. Des sanctions qui se justifient également par le fait des graves atteintes occasionnées à un écosystème qui a besoin de beaucoup de temps pour se régénérer, a-t-il ajouté. Revenant aux récents incendies, le représentant de la Protection civile signale qu'ils ont été maitrisés dans leur totalité, se refusant, toutefois, à fournir, pour le moment, un bilan global et définitif. Il va falloir, déclare-t-il, « du temps pour évaluer, avec précision, l'ensemble des pertes ». Pour l'intervenant, il reste au corps d'intervention qu'il représente, à parfaire ses règles d'efficacité opérationnelles, notamment en introduisant de nouveaux moyens de lutte contre les divers types de sinistres, particulièrement ceux mettant en péril le couvert végétal, dont il est relevé qu'il ne couvre présentement que 4% du territoire. Parmi les actions projetées figure l'introduction de nouveaux types de déplacements de renforts d'intervention, dans chaque wilaya, appuyés par des moyens de surveillance satellitaires des zones forestières, ainsi que l'usage de drones, destinés à localiser avec davantage de précision les cœurs des foyers d'incendie. Même scénario qu'en 2012 De son côté, le directeur général des Forêts (DGF), Ali Mahmoudi, qui était, quant à lui, l'invité de la Chaîne 1 de la Radio nationale, a estimé, à plus de 1.200 ha, la superficie du couvert végétal détruit par les incendies de vendredi dernier. «A partir de 18 h, vendredi, on a enregistré des départs de feu forestiers d'abord à Oran, puis, Tlemcen, Sidi Bel-Abbès, Mostaganem, Chlef et Tipaza », a d'abord rappelé M. Mahmoudi. « D'autres incendies de forêts, de moindre importance, » a-t-il ajouté, « ont été également enregistrés dans d'autres wilayas comme Blida, mais qui en dépit de leurs nombre, neuf au total, n'ont pas occasionné de très importants dégâts, avec seulement 14 ha de touchés ». « La wilaya de Boumerdès a également connu 4 départs de feux, mais avec des pertes minimes », a-t-il poursuivi. Certains médias, a-t-il dit, « ont évoqué d'autres départs de feu dans les wilayas de Skikda, Mila et Batna, mais il n'en est rien, sauf pour Béjaïa où l'on a effectivement enregistré un petit incendie dans la commune de Belbacha, provoqué accidentellement par des agriculteurs qui utilisent une technique répandue dans les oliveraies consistant à utiliser le feu pour se débarrasser des mauvaises herbes », a-t-il expliqué. Présentant un premier bilan arrêté à samedi soir, l'intervenant affirme que « la DGF a enregistré une cinquantaine d'incendies forestiers qui ont causé dans, un bilan préliminaire, près de 1.200 ha de couvert végétal détruit, dont la majeure partie, environ 500 ha, se trouve dans le territoire de la wilaya de Tipaza, précisément dans la daïra de Gouraya ». Selon ce même bilan des dégâts occasionnés à la ressource forestière, on déplore ainsi, selon le même responsable, « 60 ha à Chlef, 400 ha à Oran, près de 80 ha à Sidi Bel Abbes, 130 ha à Tlemcen, 5 ha à Mostaganem, 20 ha à Aïn Témouchent, 7 ha à Tizi Ouzou et enfin 14 ha à Blida, ce qui donne un total de 1216 ha. » Soulignant que la campagne de lutte contre les feux de forêts s'étend, chaque année, de juin à fin-octobre, le DGF a rappelé que le même scénario qui s'est déroulé en 2012, les 28 et 29 novembre où l'on avait enregistré des incendies forestiers ayant causé des pertes estimées à pas moins de 3.000 ha de forêt rien que dans la seule wilaya de Bejaïa, s'est répété ce 6 novembre 2020. Répondant à une question sur l'éventualité d'une origine criminelle à ces incendies, M. Mahmoudi, précisera d'abord, qu'en cette journée du 6 novembres, toutes les conditions étaient réunies pour favoriser ces départs de feu, notamment des vents Sirocco' violents qui soufflaient sur la région ouest du pays avec un élément aggravant dans cette région du pays, celui de la sécheresse résultant d'un manque accru de pluviométrie. Il n'a, toutefois, écarté aucune piste, soutenant qu'une enquête spécialisée pourrait en définir les tenants et aboutissants avant de révéler l'existence d'un projet de coopération avec l'Organisation pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) pour la formation d'équipes mixtes spécialisées pour ce type d'enquêtes, composées d'officiers de la Protection civile, de la Gendarmerie nationale et de la DGF.