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La laïcité française à l'épreuve d'un foulard
Publié dans Le Quotidien d'Oran le 06 - 01 - 2021

La littérature traitant de l'histoire de l'église chrétienne et de son rapport conflictuel au pouvoir temporel - soldé notamment par l'adoption du principe de la laïcité, codifiée par la loi 1905 de séparation des églises et de l'Etat est abondante. Puisant dans cette riche bibliographie, j'ai précédemment tenté un essai de «vulgarisation» visant à rendre, un tant soit peu, le sujet accessible au grand public (lire les articles parus le 05 et le 10 décembre 2020 dans le quotidien d'Oran). Au pied de la lettre, la laïcité, telle que définie dans le dictionnaire Larousse, signifie « un système qui exclut les églises de l'exercice du pouvoir politique ou administratif, et en partie, de l'organisation de l'enseignement public ». Simplement dit, il s'agit d'un principe - non d'une valeur comme aiment à nous le seriner certains - qui consacre la séparation des pouvoirs temporel et religieux.
Dans le sillage de ce principe de séparation, diverses formulations sont proposées par des politologues, des penseurs et des académiciens; j'en évoque quelques unes ci-après. Lors d'une conférence qu'il a animée le 07 janvier 2020 à l'Institut national des langues et civilisations orientales (Inalco) de Paris, consultable sur le site d'information Mizane TV, Olivier Roy (politologue, réputé spécialiste de l'islam politique) a affirmé : « La laïcité, jusqu'aux années 1960, c'était en fait un conflit de pouvoir, un conflit politique, entre la république et l'église catholique (...). L'arrivée de l'islam est apparue comme un retour du religieux.
Il fallait se confronter avec ce religieux là, il fallait le formater. A partir de ce moment là, la laïcité est devenue idéologique ; ce qu'elle n'était pas avant. Elle a cessé d'être un simple principe républicain de neutralité de l'Etat et de séparation de l'Etat et de la religion. Elle est devenue une volonté d'expulser le religieux de l'espace public et le remettre uniquement dans le privé. ». Ghaleb Bencheikh (Islamologue franco-algérien) nous livre cette définition (voir conférences de l'auteur via Youtube) : « La laïcité est un principe juridique sans épaisseur idéologique, sans densité doctrinale (...). C'est la loi qui garantit le libre exercice de la foi aussi longtemps que la foi ne prétend pas dicter la loi et le primat reste toujours à la loi par rapport à la foi». Il dit aussi : « La laïcité n'est pas une doctrine qui s'ajoute à d'autres, c'est un principe qui permet aux différentes doctrines de se rencontrer, de débattre, de se confronter».
Le philosophe et écrivain français Henri Peña-Ruiz, connu pour ses travaux sur la laïcité, avance l'idée des « trois boussoles » pour penser la laïcité. Je rapporte ici des propos qu'il a tenus lors d'une conférence qu'il a donnée en aout 2019 à l'occasion de l'université d'été du parti La France Insoumise : «La laïcité est la reconstruction du cadre commun destiné à faire coexister les personnes de toutes convictions spirituelles sur la base de trois principes indissociables : la laïcité est un principe d'émancipation, la laïcité est un principe universaliste et non pas différencialiste, avec la laïcité il y'a un primat du commun sur le particulier». En substance, il affirme à propos de l'éducation : « l'école laïque affranchit de toute tutelle, qu'elle soit religieuse spirituelle ou philosophique ». Hélas, au fil du temps, pour des raisons hégémoniques ou politiques, ayant souvent comme substrat idéologique une intolérance primaire, l'idée de laïcité s'est diluée dans des conceptions improbables, jusque dans le domaine privé de l'accoutrement.
La problématique fait débat, dans tous les sens, depuis pas mal de temps à travers le monde, de manière quasi-hystérique dans l'hexagone. D'aucuns s'autorisent même à inventer des nouveaux termes, des stéréotypes tels de laids hochets qui surgissent subitement pour stimuler le rejet de l'autre, la défiance, etc. - ou à accoler des épithètes à la laïcité (laïcité positive, laïcité républicaine, laïcité ouverte, valeurs laïques, etc.). Bref, la laïcité serait ce que les linguistes appellent un «mot valise». En somme, un fourre tout.
A ce propos, Régis Debray (écrivain et philosophe français), au demeurant partisan de l'interdiction des signes religieux et même politiques ou autres à l'école, résume cette cacophonie ainsi : « La laïcité est (entendre devenue) une sorte de totem, de grigri que tout le monde invoque sous un mode incantatoire». Il préconise en outre l'enseignement laïque du fait religieux pour, dit-il, passer d'une ‘'laïcité d'incompétence'' à une ‘'laïcité d'intelligence''. Tout esprit sain, libéré des préjugés et sans arrières pensées vous dira que le fait d'utiliser un principe sans en respecter le sens conceptuel, manière de le corrompre, relève de l'usurpation malsaine et dangereuse. Albert Camus n'a pas cru si bien dire en affirmant que « mal nommer les choses c'est ajouter la misère au monde ». Aussi, pour bien faire la part des choses, il convient de questionner le droit. Par souci de respect de la liberté de conscience, selon ses concepteurs, la loi de séparation de 1905 ignore la question de l'habit religieux. Lors des débats sur le projet de loi, la liberté vestimentaire fut discutée suite à l'introduction par un député radical socialiste d'un amendement réclamant l'interdiction du port de la soutane (tenue portée par les ecclésiastiques).
Aristide Briand (avocat et homme politique français), rapporteur et artisan principal de la dite loi, balaya la proposition d'un revers de la main, en ces termes : « Le silence du projet de loi au sujet du costume ecclésiastique (...) n'est pas le résultat d'une omission mais bien au contraire d'une délibération mûrement réfléchie. Il a paru à la commission que ce serait encourir, pour un résultat plus que problématique, le reproche d'intolérance et même d'exposer à un danger plus grave encore, le ridicule, que de vouloir par une loi qui se donne pour but d'instaurer dans ce pays un régime de liberté au point de vue confessionnel, imposer aux ministres des cultes l'obligation de modifier la coupe de leurs vêtements». Ridicule est le mot juste lorsque la manière de s'habiller devient la problématique centrale, reléguant les libertés individuelles au domaine de l'anecdotique. A toute fin utile, je pense qu'il est nécessaire de rappeler que la loi 1905 consacre à l'expression publique des religions à peine deux articles, articles 27 et 28 du titre V relatif à «la Police des cultes»; qui traitent du régime des sonneries des cloches, des emblèmes religieux sur les édifices publics et autres manifestations religieuses (processions et cérémonies) dans l'espace public, sans la moindre allusion à l'habit religieux.
Au regard du peu de temps qui leur fut réservé au cours des débats, ces articles n'ont pas été le souci majeur des parlementaires et des sénateurs, loin s'en faut. Par ailleurs, la convention européenne des droits de l'homme, stipule dans son article 9 : « 1. Toute personne a droit à la liberté de penser, de conscience et de religion ; ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction, ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction, individuellement ou collectivement, en public ou en privé, par le culte, l'enseignement, les pratiques et l'accomplissement des rites. 2. La liberté de manifester sa religion ou ses convictions ne peut faire l'objet d'autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité publique, à la protection de l'ordre, de la santé ou de la morale publiques, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ». C'est dire que, sur le principe et conformément aux règles de droit, contrairement à ce qui est soutenu par certains au nom de la laïcité, les convictions religieuses sont bel et bien libres de s'exprimer, à travers l'habit ou tout autre signe, dans l'espace public. Autrement dit, la visibilité sociale des religions n'est pas interdite. Ce qui est exigé, rappelons-le, c'est la neutralité des autorités publiques du fait qu'elles sont au service de tous les citoyens, indépendamment de leurs opinions ou croyances. Régression qui ne dit pas son nom, depuis trois décennies, le port du voile dit islamique alimente plus que de mesure les débats, souvent polémiques, pour ne pas dire aux relents racistes. Pire encore, au nom de la laïcité, on s'autorise la malveillance et l'offense, voire l'outrance envers les français de culte musulman.
Nous reviendrons sur ce sujet dans un prochain article. Je tiens à préciser au passage qu'il n'est pas dans l'esprit du présent article de prendre position par rapport au voile proprement dit. Il n'est pas non plus dans le dessein de cette contribution d'aborder la question de savoir si le port du voile est une exigence religieuse ou relève plutôt du domaine culturel. Je n'ai ni la compétence théologique ni ne dispose d'éléments probants qui me rendent apte à aborder un tel sujet ; je ne m'y autorise point. En revanche, je m'élève énergiquement à travers ces lignes, la colère en bandoulière, contre une conception travestie des valeurs républicaines qui voudrait chasser le religieux de l'espace public, d'une manière générale jusqu'à sa portion congrue et en particulier le culte musulman jusqu'au tréfonds de l'être intérieur du croyant.
Ceci étant entendu, revenons à nos moutons. Le facteur déclencheur de la compagne antivoile en 1989 fut le renvoi par le proviseur du collège de Créteil, en banlieue parisienne, de trois jeunes filles maghrébines suite à leur refus de retirer leur foulard en classe. L'incident, largement médiatisé, était vite devenu pratiquement une affaire nationale. L'extrême droite, fidèle à ses principes, crie alors à «l'envahissement de l'hexagone par la civilisation islamique» qui, selon un des dirigeants du Front National, «s'implante de façon symbolique par le port du hidjab à l'école». Pourtant, les statistiques officielles en ce temps indiquaient que sur environ 200 000 jeunes filles appartenant à la communauté de confession musulmane, seules quelques dizaines se rendaient en foulard à leur établissement scolaire ; soit un taux de l'ordre de 0,01%.
La dramatisation d'un phénomène de poids aussi insignifiant est tout de même inexplicable, si ce n'est par un rejet endémique, offusquant, du fait religieux musulman, voire de l'islam tout court. Interpellé sur sa position lors d'une réunion de l'Assemblée nationale, le ministre de l'éducation nationale, Lionel Jospin, réplique que «l'école ne peut exclure car elle est faite pour accueillir».
Le Conseil d'Etat - sollicité par Lionel Jospin en novembre 1989 pour avis consultatif, ou traduction juridique, sur la compatibilité du port des signes religieux avec le principe de la laïcité - avait soutenu que «dans les établissements scolaires, le port par les élèves de signes par lesquels ils entendent manifester leur appartenance à une religion n'est pas par lui-même incompatible avec le principe de laïcité ». Il avait aussi souligné que : « un refus d'admission dans une école (...) ne serait justifié que par le risque d'une menace pour l'ordre dans l'établissement ou pour le fonctionnement normal du service de l'enseignement ». Il laisse toutefois une certaine liberté aux établissements scolaires de régler la question au cas par cas, via leur règlement intérieur. Avant de poursuive notre exposé, il serait utile de rappeler que l'idée de ‘'laïcisation de l'école'' en France est assez ancienne. Jules Ferry (homme d'Etat français) est à ce propos reconnu comme le père de l'école laïque. Il est notamment à l'origine des lois du 16 juin 1881 et du 28 mars 1882 qui ont rendu l'école gratuite de 6 à 13 ans, obligatoire et laïque ; en ce sens que l'enseignement religieux y est supprimé et les objets religieux retirés.
Dans le prolongement de l'œuvre de Jules Ferry, suivra la laïcisation des fonctionnaires des écoles publiques grâce à la loi Goblet du 30 octobre 1886. Notons que la question du port des signes religieux à l'école n'a pas été abordée à cette époque. Pour revenir à l'actualité, en 2002, des députés déposent des propositions de loi visant l'interdiction du voile à l'école ; relançant de plus belle le débat, mais surtout les hystéries. Finalement, les promoteurs d'une laïcité galvaudée, exploitant à dessein la complexité des lois, leur imperfection et leur flexibilité, qui autorisent certaines lectures tendancieuses, ont fini par imposer leur diktat.
C'est ainsi que la loi du 15 mars 2004 - édictée soit disant en application du principe de laïcité fut présentée comme une loi générale qui règle définitivement la question du port du voile et autres signes religieux dans les établissements scolaires. Elle stipule dans son premier article : « Dans les écoles, les collèges et les lycées publics, le port de signes ou tenues par lesquels les élèves manifestent ostensiblement une appartenance religieuse est interdit (...). Le règlement intérieur rappelle que la mise en œuvre d'une procédure disciplinaire est précédée d'un dialogue avec l'élève. ». L'interdiction cible essentiellement le voile islamique, mais aussi la Kippa (calotte portée par les juifs pratiquants) et les croix chrétiennes de «taille excessive». Les signes discrets sont tolérés. Manière subtile de dire que l'on n'interdit pas la croix; le voile et la Kippa ne pouvant en aucun cas être discrets. A souligner que très rares sont les juifs qui portent la Kippa ; devinez qui demeure sous le coup de l'interdiction.
Certains partisans de l'interdiction des signes religieux ostentatoires prétendent, et c'est là où résident l'irrationnel et l'inconséquence, que l'objectif recherché est de permettre que les cours se déroulent dans de bonnes conditions et éviter l'affrontement interreligieux. C'est comme si les dits signes avaient pouvoir de provoquer du chahut et autres agitations tapageuses qui indisposeraient ou perturberaient le maitre. Mieux encore, les gamins seraient les nouveaux guerriers opposant croisés et musulmans. La métaphore est ici sciemment surchargée pour mieux relever la balourdise, voire l'absurdité et le ridicule. L'avocat français au barreau de Paris, maître Eolas, auteur du blog Journal d'un avocat, estime, à juste titre, que la loi 2004 est «une défaite de la laïcité». Sur fond de polémique juridico-politique récurrente, d'aucuns veulent effacer totalement le voile islamique de l'espace public; il ne manque plus qu'à charger une «police de la laïcité» pour contrôler la chose à domicile. Le ministre de l'Education nationale sous Nicolas Sarkozy, Luc Chatel, avait notamment émis le 27 mars 2012 une circulaire qui stipule: «La laïcité est un principe constitutionnel de la république (...). Ces principes permettent notamment d'empêcher que les parents d'élèves ou tout autre intervenant manifestent, par leur tenue ou leurs propos, leurs convictions religieuses, politiques ou philosophiques lorsqu'ils accompagnent les élèves lors des sorties et voyages scolaires». Le Conseil d'Etat, saisi par des défenseurs des droits humains, a rendu public son avis le 23 décembre 2013, en ces termes: «Entre l'agent et l'usager, la loi et la jurisprudence n'ont pas identifié de troisième catégorie de «collaborateurs» ou «participants» qui serait soumise en tant que telle à l'obligation religieuse». Ce qui veut dire que les accompagnatrices des élèves, n'étant pas des agents auxiliaires du service public, ne sont pas soumises au principe de neutralité religieuse. Malgré cela, la circulaire Chalet resta en vigueur jusqu'en octobre 2014; date à laquelle la nouvelle ministre sous François Hollande, Najat Vallaud-Belkacem, y mit un terme. Auditionnée par l'observatoire de la laïcité, elle déclare : « L'acceptation de leur présence (mères voilées) aux sorties scolaires doit être la règle et le refus l'exception». Sur le sujet, la position de l'actuel ministre de l'Education nationale, Jean-Michel Blanquer, est, le moins qu'on puisse dire, ambigüe; il jongle avec les oui-mais. En mai 2020, il a affirmé devant le Sénat: «Il pourrait y avoir quelque chose de contre-productif en ayant une mesure législative en la matière. Je respecte totalement ceux qui pensent le contraire».
Le 13 octobre 2020, intervenant sur BFM-TV, il déclare: «Vous avez d'une part ce que dit la loi - elle n'interdit pas aux femmes voilées d'accompagner les enfants - mais, c'est certain, nous n'avons pas envie d'encourager ce phénomène.
Heureusement qu'on n'interdit pas tout par la loi.». Voilà un membre du gouvernement prêt à remettre en cause la loi pour satisfaire des envies. Bizarre est telle conception de l'Etat de droit et de la république. Incroyable est cette propension à vouloir assimiler la laïcité, ou la restreindre, au seul titre de l'interdit dès qu'il est question de culte musulman. Fort heureusement, des voix raisonnables, intellectuellement probes, s'élèvent dans plusieurs pays pour dénoncer de telles dérives. En France, la commission nationale consultative des droits de l'Homme a clairement exprimé sa désapprobation dans son rapport précédant les débats au parlement sur la loi de 2010 interdisant la dissimulation du visage dans l'espace public. Il est dit dans ce rapport : «La laïcité semble aujourd'hui faire l'objet de deux dérives contradictoires. D'une part, certains tendent à réduire le principe de laïcité à un simple principe de tolérance, justifiant le repli communautariste. D'autre part, certains semblent réclamer aujourd'hui un rejet de tout signe religieux dans l'espace public. Or, non seulement la République assure la liberté de conscience mais en outre elle garantit le libre exercice des cultes (article 1er de la loi 1905), la République respectant toutes les croyances (article 1er de la constitution). La séparation des églises et de l'Etat ne doit donc pas être comprise comme visant à l'éviction hors de l'espace public de toute manifestation d'une conviction religieuse (...)». Il est important de rappeler ici que le Conseil d'Etat, soucieux du respect du principe général de laïcité et de la convention européenne des droits de l'Homme, avait introduit la formule «l'interdiction sous toutes ses formes de la dissimulation volontaire du visage dans l'ensemble de l'espace public», au lieu d'utiliser l'expression «interdiction du port du voile intégral».
La problématique est ainsi inscrite au registre de l'ordre public pour contourner le litige religieux. Dans la forme, l'interdiction ne désigne pas précisément son objet, mais chacun sait que c'est les femmes musulmanes qui sont visées. Il s'agit en fait d'un «habillage législatif intégral». Les proportions démesurées que la polémique autour du voile islamique a prises et l'avalanche de dispositions réglementaires qu'elle a induite font croire que le problème majeur de la France réside dans un morceau de tissu, qui porterait en lui le péril islamique. Le philosophe et essayiste français Michel Onfray, qu'on ne peut soupçonner de défendre l'islam ou une cause pro domo, commente l'ineptie de telles attitudes en ces termes : «Il faut moins s'intéresser à ce qu'il y'a sur les têtes que dans les têtes. La répression contre un vêtement n'aura aucune autre incidence sur le cours des choses (dans cette guerre civile qui s'annonce) que d'augmenter l'animosité.». En effet, la laïcisation de la société à coups d'interdits favoriserait plutôt la résurgence du fait communautaire, de l'appartenance religieuse ou culturelle et autres réminiscences identitaires qui invitent au repli sur soi et au clivage social. En résumé, nonobstant l'expression violente, absolument condamnable, de l'intégrisme religieux et autres formes de radicalisme, dès que les musulmans ont cessé d'être invisibles en tant que tels, que leur culte «a quitté les caves», ils sont devenus gênants. A mon sens, la question centrale qui devrait être débattue est de savoir si des exigences de vie sociale républicaine simplement formulées par les uns, justifient la limitation des libertés fondamentales des autres, de ceux qui dérangent la galerie, dirions-nous? Si tel est le cas, il est à craindre, à déplorer, que la république du droit, des lois, devienne «la république des sentiments et des états d'âme». Situation qui appelle une autre interrogation, que je formulerais ainsi: Est-ce que Marianne (figure symbolique de la république française) est prédisposée à intégrer la dimension sociétale musulmane dans son corps républicain ?
Enfin, est-ce que la France d'aujourd'hui fait bon usage de son riche patrimoine historique en matière de démocratie, de droits de l'homme, de tolérance, et autres valeurs de ce registre ? Entendre les valeurs constitutionnalisées et théoriquement applicables sur le territoire national français. J'incline à croire, à priori, que le pays qui se revendique des «lumières» aurait tendance à se laisser vermouler par des apprentis sorciers qui s'entendent gardiens du temple républicain.
Aussi, même si certains de mes propos peuvent paraître sévères, parfois exagérés, j'en conviens mais je me donne raison de penser que les valeurs républicaines françaises sont de plus en plus mitées. Autrement dit, le ver est dans le fruit du siècle des lumières.
*Professeur - Ecole Nationale Supérieure de Technologie.


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