«Veiller à ce que cette religion respecte la République, la force et l'esprit de ses lois, l'égalité hommes-femmes, le droit à l'altérité et à la différence ». Ce sont là quelques bribes' de la charte des imams de France que l'illustre chroniqueur et remarquable écrivain K. D. endosse dans une tribune parue dans le vénérable journal Le Monde du samedi 30 janvier 2021 à travers « une formulation osée » de la réforme de l'islam que la France envisage sérieusement depuis un bon moment déjà. A l'instar du christianisme qui a connu sa grande réforme en Allemagne et non au Vatican, précise-t-il, la réforme de l'islam est possible et ne peut jaillir selon lui que de la France, terre de la Révolution et cet islam français profitera à tous les musulmans et «sera... une possibilité universelle, une solution envisageable pour nous tous». Ainsi donc, cette confession a un avenir et « l'Hexagone a tout pour inventer » cet avenir. On peut difficilement ne pas y distinguer des relents luthériens et cette histoire qui se répète dans cette lubie de voir « cette religion accorder la primauté à l'humain et non au divin ». Humanisme, laïcité, cartésianisme et quelques autres vertus cardinales de la France de Voltaire sont invoqués pour un meilleur lendemain pour l'islam qu'il faut à tout prix affranchir des « radicalités et conservatismes [qui seraient son lot] dans beaucoup de pays musulmans ». Formulation osée pour formulation osée, il y a quand même une quantité de questions qu'il faut envisager telles que la définition de la religion et/ou la confession, la compatibilité de la religion quelle qu'elle soit avec la République, l'esprit des lois et le droit à l'altérité. La religion n'est-elle pas de l'avis même de Larousse cet « ensemble déterminé de croyances et de dogmes définissant le rapport de l'homme avec le sacré » ou encore selon Le Robert, la « reconnaissance par l'être humain d'un principe supérieur de qui dépend sa destinée; attitude morale et intellectuelle qui en résulte »? La religion est-elle compatible avec l'altérité, l'esprit des lois, l'égalité hommes-femmes et bon nombre de dilemmes qui ont abouti à la Renaissance, le siècle des lumières et le monde moderne et/ou postmoderne? Faut-il dépénaliser l'adultère, rendre licites les jeux de hasard, admettre l'homosexualité, légaliser l'euthanasie, adopter le transgenre pour que la religion soit en odeur de sainteté? Dépouiller la religion de son âme en somme pour qu'elle se conforme aux grands acquis des siècles de progrès que le voile musulman semble menacer véritablement. Après le rapport Stora et le grand pardon qui ne veut pas venir, voilà l'invention de l'islam qu'on nous assène avec une signature que le postcolonial étouffe. La France a beau jeu de vouloir se doter d'un islam adaptable aux principes de la République, et elle peut le faire surtout avec ses intellectuels musulmans, mais y voir une « possibilité universelle » est vraiment une formulation osée. C'est paraît-il de bon ton de réchauffer le refrain de la laïcité pour s'opposer à la religion ou de s'égosiller à se dire athée, agnostique, déiste ou autre pour peu qu'on ait ses arguments et qu'on les assume de jour comme de nuit, mais qu'on envisage de réformer une religion qui a résisté à des siècles de tentatives de perversion par l'acculturation et la négation s'apparente au contraire du rationalisme qu'on s'évertue à défendre contre ses propres adeptes. Les musulmans devraient peut-être prendre cette éventuelle réforme très au sérieux et se conformer aux dogmes' de l'islam du mieux qu'ils peuvent tant qu'il est encore temps. Ils doivent redoubler du jeûne, fréquenter davantage les mosquées, épouser quatre femmes, pratiquer la zakat, faire le plein du Livre, enregistrer un maximum de hadiths et apprendre la Sira par cœur.