On rétablit la communication avec la population et on placarde, un peu partout, des affiches, pas du tout quelconques, annonçant l'inauguration éminente des stèles des deux illustres personnages, Matoub Lounes et Imache Amar, en l'occurrence, la veille de la célébrissime date du 20 avril. On a même droit à un temps d'antenne à la radio régionale qui convie des invités de marque pour éclairer l'opinion publique sur ce projet grandiose. Situé à l'entrée du chef-lieu de la daïra de la tristement célèbre Beni Douala, quelques pas après des logements restés vacants, en face des locaux préfabriqués restés, eux aussi, vacants, et en bas des 100 locaux qui n'ont apparemment pas trouvé preneur, le monument en question est bien fait et constitue une invitation à de meilleures découvertes. Les habitants admettent que de nouveaux lampadaires ont été effectivement placés, quoique celui qu'un chauffard avait percuté pende toujours comme l'épée de Damoclès sur la tête des collégiens qui passent à côte ainsi que les prieurs de la mosquée attenante. On a aussi inauguré deux dos-d'âne de fortune et là aussi, on a omis de les signaler avec de la peinture blanche qu'un badaud a fait à la hâte. Il y a quand même des défectuosités comme ce nouveau siège de l'APC qui attend toujours ses finitions. Non loin de là, la Bibliothèque communale a perdu ses couleurs avant même d'avoir réalisé sa vocation de lieu de lecture. Elle fait office d'annexe de l'école primaire du centre et abrite les préscolaires. Les stations de transport sont improvisées par-ci par-là et bouchonnent la bourgade un peu plus. On stationne des deux côtés de l'artère principale et les épiciers étalent leur marchandise à même le trottoir, malgré les interdictions. La route qui contourne ce qui tient lieu de ville sert toujours de marché hebdomadaire, au grand dam des usagers de cette route et des riverains. Cent fois moins importante que son nom, le berceau des événements d'avril 2001, la terre natale de Mouloud Feraoun, Rachid Alliche, Cheikh el Hasnaoui, Sami el Djazairi, Iboud Mouloud, et bien entendu Imache Amar et Matoub Lounes, Ath Douala a du mal à se hisser au niveau de ses illustres enfants qui ont pourtant hissé, chacun dans son domaine, pas uniquement la région, mais tout le pays, au firmament. Au lieu et place de projets de développement on se lance dans l'édification de stèles à coups de centaines de millions de dinars. C'est la fièvre des stèles et la tendance semble faire des émules; après la discutable stèle de Chachnaq, d'autres stèles voient le jour, ici et là. Ayant, semble-t-il, réussi à solutionner tous les problèmes des vivants, on ressuscite les morts et leur octroie des sites pour narguer les morts-vivants. Si Matoub et Imache reviennent cette semaine, ils reprendront assurément leur combat pour dénoncer cette lubie et revendiquer plutôt des projets plus profitables comme un musée d'histoire, un observatoire de musique chaâbie ou toute autre institution à même de canaliser l'énergie de la jeunesse.