Le président de la République Abdelmadjid Tebboune s'est exprimé sur le phénomène inquiétant de l'immigration clandestine (harga) qui a repris de plus belle depuis le début de l'année 2020. Il a, tout d'abord, expliqué que les sans-papiers algériens doivent être respectés par les autorités des pays dans lesquels ils se trouvent. Il estime que « toute humiliation ou violence à leur égard est inacceptable » ; « J'ai discuté personnellement avec le Premier ministre italien, je lui ai demandé d'appliquer les lois de son pays sans humilier ou violenter nos ressortissants. Je ne perds pas espoir. Je souhaite construire une Algérie où le citoyen aimera vivre dans son pays » a-t-il dit en substance. Ensuite, et pour y remédier, le président propose d'envoyer les jeunes algériens tentés par la « harga » dans certains pays européens pour une courte durée. Il se peut qu'il y ait, à l'avenir, des accords avec certains Etats [Européens] où l'on enverra nos jeunes passer une semaine ou deux, pour qu'ils se rendent compte que leur place n'est pas là bas mais bel et bien dans leur pays. Selon lui, cette expérience leur ouvrira les yeux sur les vraies conditions de vie en Europe. La vie là-bas n'est pas facile, c'est un enfer. Beaucoup d'Algériens ont décidé de s'envoler pour l'Europe, avec leurs visas et leurs papiers sans harga. Ils ont fini par revenir en Algérie, a-t-il dit. Cela suffira-t-il à dissuader nos jeunes de prendre le large ? Les chiffres révélés par le ministère de la Défense nationale donnent le vertige: il ne se passe pas une semaine sans que les services de sécurité n'enregistrent des tentatives d'émigration clandestine ! En fait, ce phénomène ne s'est jamais arrêté. Il se poursuit selon le même rythme. Il obéit surtout au climat, évolue selon des conjonctures favorables et en fonction des politiques ici ou ailleurs, explique Mohamed Saib Musette, ce sociologue spécialiste des questions migratoires. Aujourd'hui, le pays va-t-il se faire avec ou sans les jeunes même si un certain nombre d'entre eux commence à s'imposer dans les sphères économiques, culturelles, sportives et même politiques ? Pourront-ils pour autant recadrer, poliment peut-être, mais avec beaucoup de détermination, ceux qui ne veulent pas passer le témoin? Pour l'heure, ils sont légion ceux qui ne veulent plus du pays malgré « l'insistance des aînés» ! L'Etat ne peut raisonnablement les retenir en dépit de la loi qui pénalise leur acte ! Il ne peut pas également donner un local commercial à tous ces jeunes en errance, les redéployer dans les marchés ou les recruter en qualité de veilleurs de nuit ou d'agents de sécurité! Fatalement, ils continueront donc à tenter le diable ! Et partant, affronter les dents de la mer ! Ils joueront, intrépides ou insouciants qu'ils sont, leur vie en solo dans des barques désuètes, à moins que les pouvoirs publics ne leur trouvent des destinations d'immigration du style Australie ou Canada. Et même ceux qui sont porteurs de titres et diplômes supérieurs, pensent qu'après les études, leur salut est ailleurs! Rappelons-nous de ces étudiants en médecine, jeunes en majorité, qui peinaient pour faire entendre leur voix et pour le moins, faire aboutir leurs doléances ? Ils ne contestaient ni le service civil, encore moins la rémunération qui leur était allouée! Ils voulaient seulement que les autorités publiques d'alors, qui décidaient de leur affectation mettent à leur disposition les moyens adéquats pour qu'ils puissent, serment d'Hippocrate oblige, prendre en charge dans les règles de l'art les populations du Sud et des hauts plateaux. Et surtout exercer convenablement leur métier dans les déserts médicaux : un plateau technique et un logement ! Au lieu d'ouvrir un dialogue avec eux, on avait recouru à la force, avait alerté fort à propos l'occupant du « banc public » (*) ; qu'on ne se plaigne pas, avait dit ce dernier, s'ils décidaient de quitter en masse le pays ; ils vont partir, de plus en plus nombreux, en masse, en sang, en chaloupe ; la matraque, le mandarinat des rentiers de la santé, la primauté de l'administration sur la compétence vont les pousser à s'en aller. Et certains d'entre eux ont pris le large ! Ils ont été recrutés par des hôpitaux d'Outre-mer pour combattre la Covid-19 en première ligne ! Ils ont estimé que leur salut ne s'inscrivait pas dans la fuite, mais pour pouvoir, selon eux, se désaltérer, souffler et aussi se réinventer pour revenir riches d'expériences nouvelles, imprégnées de la créativité et de l'enthousiasme qui fleurissent aujourd'hui aux coins du monde, mais hélas inexistantes dans le pays qu'ils ont quitté par devers eux ! Sans langue de bois, une fois n'est pas coutume et parfois de manière triviale, en tous les cas, juste assez pour choquer les biens pensants, interpeller les consciences et casser quelques tabous, on dit à ceux parmi les jeunes qui veulent partir : Partez alors si vous voulez, revenez, repartez encore, revenez de nouveau! C'est ce que préconisent, d'ailleurs, les auteurs du livre «Barrez-vous » ! A nos jeunes, ceux qui piaffent d'envie de partir, on leur dit en paraphrasant ces derniers: L'Algérie ce n'est pas uniquement votre pays de naissance, qui est vôtre, mais le monde entier ; faites-vous violence si nécessaire, mais emparez-vous-en! N'hésitez plus, choisissez une destination où le monde est en train de se faire, là, tout de suite, que ce soit Tbilisi, où la Ministre de l'économie, la patronne de la police nationale et le seul conseiller du président sont tout juste trentenaires, ou Shanghai, Mexico ou Santiago. Mais, qu'on se mette d'accord, il ne s'agit pas ici de faire l'éloge de la harga et de la fuite de nos jeunes qui condamnerait notre pays à terme, mais les encourager à partir explorer le monde, à faire des rencontres qui changeront peut-être leurs vies ou pas ! Pour revenir au pays, riches de leur expérience et du savoir-faire ainsi acquis ! (*) Kamel Daoud