Alger abrite aujourd'hui et demain une réunion des ministres des Affaires étrangères des pays voisins à la Libye pour faire le point sur la situation qui prévaut dans ce pays et tenter de trouver des solutions urgentes aux nombreux problèmes qui le rongent afin qu'il puisse tenir ses élections le 24 décembre prochain. «La situation demande des efforts constants, persévérants, nous nous devons d'aider les parties libyennes à organiser les élections en décembre prochain, il y a à régler certaines difficultés techniques liées à la sécurité de la Libye avant, pendant et après, même si la situation est bien meilleure qu'il y a une année, il y a la sécurité des pays limitrophes, les pays voisins doivent se réunir pour examiner le départ des forces étrangères qui est une des exigences du processus de Berlin », a affirmé Ramtane Lamamra mardi dernier lors de sa conférence de presse au CICau sujet de ce rendez-vous. Pour le MAE «les pays limitrophes et le gouvernement libyen doivent en discuter, ils se doivent d'être des parties prenantes dans le règlement du problème aux côtés de la communauté internationale, oui mais avant c'est la responsabilité de la Libye et des pays voisins». Dans l'ordre du jour d'aujourd'hui, Lamamra cite « la réconciliation nationale entre les différentes parties libyennes, l'Algérie est bien placée pour en parler, son expérience en la matière est reconnue par tous comme étant un ciment pour le peuple ». Première ingérence étrangère destructrice de la Libye, faut-il le rappeler, a été en 2011 par les forces de l'OTAN sur de fortes pressions notamment de la France présidée alors par Nicolas Sarkozy qui voulait en découdre avec le colonel Maamar El Kadafi, leader de la djamaria libyenne. Depuis, la Libye ne s'est jamais remise. L'Algérie qui se démène depuis cette date pour aider à réaliser la stabilité d'un pays avec lequel elle partage près de 1000 km de frontières, reçoit aujourd'hui au centre International des Conférences Abdelatif Rahal, de Club des pins à Alger, les ministres des affaires étrangères de l'Egypte, la Tunisie, du Tchad, du Soudan et du Niger et peut-être celui du Mali. La réconciliation nationale et les élections à l'ordre du jour Il est évident que la réunion se tiendra en présence du MAE libyen, du chef de la Mission d'appui des Nations Unies en Libye, et en principe comme de coutume, des représentants de l'Union Africaine, de la Ligue des Etats arabes, ceux de l'Union Européenne et d'autres de pays puissants comme la Russie, les Etats-Unis, la France ou la Grande Bretagne. Après la première réunion du genre de 2024, celle du 8 mars 2017 et la toute dernière du 22 janvier 2020 qu'Alger a abritées, et sur la base des points cités mardi dernier par Lamamra, il s'agit pour les participants de dérouler aujourd'hui les différentes évolutions de toutes les démarches et actions qui ont été entreprises ces derniers temps. La réunion s'inscrit selon la formule consacrée «dans le cadre des efforts intenses algériens de concertation entre les pays voisins et les acteurs internationaux afin d'accompagner les Libyens dans la voie du règlement politique à travers un dialogue incluant toutes les parties, de les aider à régler leur crise loin de toute ingérence, qu'elle qu'en soit la nature ». Pour cette fois, le document de base sera celui conclu le 18 janvier 2020 par les soixante-quinze membres du Forum de dialogue politique libyen (FDPL) qui a permis aux Libyens de mettre en place « un exécutif unifié temporaire » regroupant des représentants des différentes régions libyennes (la Tripolitaine à l'Est, la Cyrénaïque à l'Ouest, et du Fezzan au Sud » et dont la mission principale est de pouvoir organiser des élections en décembre prochain. Un Exécutif qui doit avoir en main les recommandations de la Conférence internationale pour la Libye qui s'est tenue le 19 janvier 2020 à Berlin dont la plus importante, comme souligné par le MAE, est le départ de la Libye de toutes les forces militaires étrangères ainsi que tous les mercenaires russes, soudanais, syriens, tchadiens mais aussi les troupes turques qu'Ordogan a déployé l'année dernière pour se positionner comme remparts contre l'offensive que le maréchal Haftar avait lancé en avril de la même année pour la prise de Tripoli. Des rapports onusiens affirment cependant que les forces étrangères sont toujours présentes en Libye et des armes sont livrées régulièrement à des mercenaires par des pays qui ont pourtant cautionné le processus de Berlin. De Kobler, au Forum, à Genève.... En février 2020, les représentants du GNA libyen avaient d'ailleurs quitté la table des négociations à Genève de la commission militaire libyenne. «Nous annonçons la suspension de notre participation aux pourparlers militaires qui se déroulent à Genève jusqu'à ce que des positions fermes soient adoptées à l'encontre de l'agresseur et ses violations de la trêve », avait dit le GNA dans son communiqué. A la reprise des négociations à Genève quelques jours plus tard, les Libyens étaient parvenus à un accord complétant et précisant celui du forum, pour former «un gouvernement d'unité consensuelle» chargé de préparer la tenue d'élections le 24 décembre prochain. Mais durant toutes ces négociations politiques inter-libyennes, les ingérences étrangères ne se sont pas arrêtées. Nommé représentant spécial du SG de l'ONU le 16 janvier dernier, le slovaque Jan Kubis a été chargé de les mener à Genève parce que Washington a voulu que ce soit ainsi en demandant que son poste ait deux volets, le 2ème étant celui de chef de la mission onusienne à Tripoli qu'occupe le Zimbabwéen Raisedon Zenenga. Désigné en remplacement du Libanais Ghassam Salamé qui a jeté l'éponge le 2 mars 2020, Jan Kubis a depuis 2011 dirigé plusieurs missions onusiennes dans des pays qu'il a laissés embourbés dans le chaos. C'est le cas de l'Afghanistan, l'Irak et le Liban qu'il a quittés en janvier 2019. Kubis a pris le poste que détenait Stéphanie Williams par intérim depuis 2018 après la démission de Ghassan Salamé qui l'a gardé depuis le 24 juin 2017. «Durant presque trois ans, j'ai tenté de rassembler les Libyens, de restreindre les interventions étrangères et de sauvegarder l'unité du pays », avait-il tweeté pour regretter de n'avoir pas réussi. Mardi dernier, Ramtane Lamamra, n'avait pas dit moins. Interrogé à propos du rendez-vous d'aujourd'hui des MAE des pays voisins, il répond «la réunion est une étape importante dans l'assainissement de qui entrave la progression sereine du processus des élections, nous sommes conscients qu'il est plutôt difficile en l'espace de 4 mois de lever tous les obstacles mais nous devons poursuivre l'effort pour réunir un consensus des forces libyennes et des différentes parties et leurs donner les moyens pour régler leurs problèmes ». " Il est difficile de lever tous les obstacles » Lamamra a, comme l'a fait Salamé il y a plus d'un an, avoué qu' «il est clair qu'il y a des ambitions et des situations de droits acquis dont il est difficile de s'en départir dans un Etat moderne mais très à l'aise de s'y accrocher dans un Etat de confusion, avec les pays voisins nous nous devons de ne pas baisser les bras, l'Algérie se trouve à égale distance de toutes les sensibilités libyennes, nous restons tout à fait engagés, sa contribution est encouragée, son intervention attendue ». Interrogé en 2017 à propos de ce pourrait faire l'ONU devant la multitude d'agendas, d'interférences et d'intérêts étrangers, Martin Kobler le représentant onusien pour la Libye présent à Alger à la 11ème réunion ministérielle des pays voisins a déclaré que « notre rôle est d'organiser et d'assister le processus politique mais jamais de prendre des décisions à la place des Libyens, ce sont eux qui doivent décider par eux-mêmes de ce qu'ils doivent faire, ça dure un peu de temps, il faut avoir de la patience stratégique et laisser les Libyens discuter entre eux ». Le MAE libyen de l'époque, Tahar Siyala, avait dénoncé les interférences étrangères en notant «ce sont les Etats qui ont des intérêts et des visées sur la Libye qui interfèrent dans le processus politique, c'est pour ça qu'on a fait appel aux pays voisins ». Il a reconnu que « s'il n'y avait pas ces interférences étrangères dans le processus politique et le dialogue entre les Libyens, il y a longtemps que les Libyens auraient réglé leurs problèmes. » L'ancien représentant onusien, Martin Klober, était venu à l'époque à Alger avec en main «une feuille de route pour la paix» dont il a dévoilé les 6 points aux pays voisins: «l'accord politique libyen (de 2015 dont la finalité est de parvenir à une réconciliation nationale et la mise en place d'institutions fortes, crédibles, stables et justes au service de tous les Libyens), préserver le cadre d'une solution politique, il faut revigorer le processus sécuritaire et la création d'un appareil de sécurité unifié, l'économie et la situation financière du pays doivent être stabilisées, la réconciliation nationale doit être intégrée de manière décisive à tous les niveaux, les services publics, la sécurité et la gouvernance commencent à s'améliorer au niveau local, je vous invite à continuer à travailler en collaboration et à faire des efforts concertés pour ramener les acteurs politiques et militaires à la table des négociations et parvenir à un règlement politique ». Quatre ans après, Alger et ses invités se penchent aujourd'hui sur le même ordre du jour.