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Commune d'Oran: Les défis et les priorités de la nouvelle équipe municipale
Publié dans Le Quotidien d'Oran le 06 - 12 - 2021

  C'est peu dire que la nouvelle Assemblée élue qui tiendra les rênes de la commune d'Oran aura fort à faire pour remettre d'aplomb l'institution tant il est vrai que la situation dont elle héritera est difficile. Voici, à grands traits, les défis qui attendent au tournant la nouvelle équipe municipale.
Certes, les voyants du tableau de bord ne sont pas au rouge. Mais ils ne sont pas au vert non plus. Dans son ensemble, la situation laissée derrière elle par l'équipe municipale sortante est défavorable à bien des égards. En témoigne le rapport accablant de l'IGF ayant décortiqué la gestion comptable et financière de la commune sur la période 2017-2021. Les mesures d'exception prises par l'actuel wali d'Oran, dont le transfert de gestion de la collecte des déchets ménagers de la commune vers la wilaya par le biais de son EPIC ‘Oran Propreté', assortie d'une saisine de la justice sur fond de «graves irrégularités» mises à nu par l'audit-expertise de l'Agence nationale des déchets (AND), en remettent une couche et enfonçant le clou. Or, à quelque chose malheur est bon, ce sont ces mêmes «alertes» données par des instruments étatiques d'expertise et de contrôle qui devront servir de guide et, par là même, faire œuvre de feuille de route pour une sorte de plan de redressement communal. Et ce, pour peu que la nouvelle Assemblée populaire communale qui devra être installée sous peu sache les utiliser à bon escient. Encore faut-il d'abord qu'il y ait Assemblée populaire communale «stricto sensu». Une Assemblée, pas un assemblage, à la tête de cette collectivité territoriale de base de l'Etat, qui de plus est la plus grande du pays. Une instance délibérante avec un conseil exécutif, en symbiose avec l'administration communale. Le tout sous l'autorité du président de l'APC. Cet élémentaire, en vérité, n'était pas présent dans le cas de l'équipe qui vient de tirer sa révérence. Ou plutôt n'existait que sur papier. Dans la réalité, l'Assemblée générale était atomisée, désagrégée, déchirée par les conflits intestins. Les brouilles internes ont pris naissance au sein du cabinet ‘boulevard la Soummam' dès les premiers jours ayant suivi la cérémonie d'installation. Pour s'intensifier et se radicaliser au fil des cessions. Avec comme principale pomme de discorde, les distributions de rôles à l'occasion du casting des vice-présidences et des commissions permanentes et autres postes-clés.
DEFI N°1 : UNE EQUIPE SOUDEE
Au mi-mandat, la situation était déjà sur le fil du rasoir. Boycott des briefings, des réunions du conseil exécutif et même des assemblée générales, actions de débrayage, insubordination et refus de travail, refus collectif de signature de délibérations, menace de retrait de confiance au maire…on aura tout vu à la commune d'Oran version 2017-2021. Néanmoins, le maire Boukhatem pouvait toujours compter sur un « noyau dur » d'élus pour assurer le quorum lors des AG délibératives et éviter le blocage et, partant, le gel des affaires courantes de la commune. La tutelle, la wilaya en l'occurrence, pour sa part, n'est jamais tombée dans le panneau : sa réaction était toujours pondérée, sage, transcendante. Les sombres desseins de certains dissidents n'avaient aucune chance d'aboutir. C'était en tout cas sans compter sur la clairvoyance de l'Etat et la vigilance de ses services de renseignement pour espérer voir venir une décision de dissolution de l'Assemblée au motif de « graves différents » entre les membres de l'APC. Un tel scénario extrême ayant pu être évité, la machine communale ne s'est jamais arrêtée de fonctionner. Mais, clairement, elle tournait au ralenti. Et à vide parfois. La gestion quotidienne, l'administration, l'animation, l'entretien de l'environnement, le fonctionnement, le management, les programmes d'équipement-investissement, la valorisation des produis domaniaux, le recouvrement des recettes, la création de richesses, le développement économique, la communication, la promotion de l'image de la ville… rien n'était à la hauteur d'une ville censée être (ou devenir en tout cas) une métropole méditerranéenne. Bien loin de là. La désunion et les conflits d'intérêt au sein de l'Assemblée y étaient pour beaucoup dans ce sinistre tableau.
APPRENDRE DU PASSE POUR MIEUX BÂTIR L'AVENIR
A la future équipe municipale d'en tirer des leçons. Former une équipe soudée, un bloc compact, est donc le premier défi qui attend au virage les nouveaux membres élus de l'APC d'Oran, dont accouchera le scrutin du 28 novembre. Pour le reste, les nouveaux élus n'auront pas à s'essorer les méninges pour connaître là où ça marche mal et là où ça ne marche pas du tout. C'est un livre ouvert depuis le dernier audit de l'Inspection générale des Finances (IGF). Les futures gestionnaires de la ville n'auront qu'à lire le rapport d'audit. Le premier grief retenu par les auditeurs de l'IGF ayant passé au peigne fin la finance et la comptabilité de la commune d'Oran au titre du quinquennat 2017-2021 peut être résumé en un recul net des recettes par rapport à la fiche de calcul relative à la fiscalité locale ainsi que des dépenses démesurées de l'ordre de 85%. La commune recouvre peu d'argent et en dépense trop, pour faire bref. Une situation expliquée alors par l'APC par le fait que « la commune a, de tout temps, présenté un budget équilibré dont les recettes au titre des produits fiscaux (fiche de calcul n°6) constituaient 70% de ses ressources financières, et ce outre l'aide de la Caisse de solidarité et de garantie des Collectivités locales, la dotation pour la compensation de la moins-value fiscale et la subvention d'Etat pour les salaires des personnels communaux, lesquelles contributions consistaient en une moyenne de 3,7 milliards de DA par an, mais qui ont été suspendues par l'Etat dès 2016 (dans le cadre des mesures de rationalisation budgétaire, en l'occurrence) ». Touchée de plein fouet par cette décision de coupe budgétaire, et devant le fait accompli, la commune d'Oran n'a eu d'autre choix pour amortir le choc et pouvoir joindre les deux bouts que d'agir sur des leviers alternatifs -devenus impératifs- dont l'actualisation et la valorisation de ses produits patrimoniaux et la création de nouvelles ressources propres, dont un tableau exhaustif a été joint à la lettre-réponse de l'APC. Ainsi, note encore le compte-rendu explicatif de l'APC, « le total correspondant aux bons de versement transmis à la Trésorerie communale représente 60% des prévisions, soit en principe une nette amélioration dans les recettes par rapport aux années antérieures à 2016 ». Mais, sur le terrain, cela s'est avéré un dispositif à effet éphémère. L'état de santé financière de la commune ne s'est pas amélioré, en tout cas. Pire, il s'est dégradé. Peu à peu, d'année en année.
LE NERF DE GUERRE : LE PLUS GRAND DEFI
Les raisons ? « Ce qui a entraîné la décadence de la situation financière de la commune et provoqué de fait une incapacité à payer les dettes, c'est le mauvais recouvrement au niveau de la Trésorerie communale et ce qui le correspond en charges obligatoires dépassant parfois la barre des 85%, dont la masse salariale qui se taille, à elle seule, une part de 70% du fait qu'Oran est la plus grande commune du pays, avec 18 délégations communales réparties sur un territoire s'étendant sur 64 km2 ». Il faut avoir un bandeau sur les yeux pour nier le bond quantitatif et qualitatif réalisé par l'APC ayant fraîchement épuisé son mandat en matière de fructification du potentiel productif de la ville, avec à la baguette une cinquantaine de délibérations se rapportant à la valorisation de biens communaux, l'augmentation de taxes et droits, la création de nouveaux prélèvements ponctionnés en échange de services donnés et autres droits et redevances auprès des contribuables, la mise en place de nouvelles ressources financières notamment à travers le mode de concession via adjudication, etc. Cependant, les retombées sonnantes et trébuchantes de ces mesures sont restées bien loin des résultats escomptés et encore davantage du potentiel valorisable d'une grande ville et capitale régionale qu'est Oran. La commune n'est pas sortie de l'auberge : A chaque année, BP et BS ne couvrant même pas les charges obligatoires dont la faramineuse masse salariale, la commune d'Oran se retrouvait tributaire des subventions d'Etat, elles mêmes dépendantes des recettes des hydrocarbures. Autant dire qu'on se plaisait encore et toujours dans ce système rentier par excellence. En tout état de cause, l'un des plus grands chantiers, si ce n'est le plus grand chantier, pour l'APC d'Oran désormais, c'est l'amélioration de ses recettes. Pour un départ à partir d'une base solide, l'ordonnateur, le maire, doit tirer au clair les choses avec son premier comptable, le trésorier communal. Sans cela, on risque de se retrouver, tôt ou tard, dans la même situation caricaturale de deux responsables qui se rejettent la balle. Un cercle vicieux. Le dispositif de recouvrement est à revoir de fond en comble. Plusieurs tours de vis doivent être donnés au mécanisme. Il y a manifestement un sous-recouvrement à tous les étages dans tous les compartiments, aggravé par des points de fuite dans le circuit obsolète et désuet.
LE RECOUVREMENT DU RECOUVREMENT
Le système parallèle Trésorerie communale/Régie communale (au niveau des divisions dont notamment la DAE et des secteurs urbains) doit être réexaminé, pas dans le sens de l'abrogation mais dans le sens de l'amendement, le perfectionnement. Bref, le nouveau locataire du cabinet ‘boulevard de la Soummam' doit faire des changements de fond dans ce registre, mais qui soient bien étudiés sous peine de retomber dans les travers des politiques précédentes. Le deuxième défi, c'est le problème des dettes communales. L'endettement est l'un des dossiers sulfureux et non moins épineux qui rongent la commune d'Oran. 6 milliards de DA. C'est la consistance de la dette cumulée durant les exercices comptables de 2016 à 2020. L'APC sortante, qu'en a-t-elle dit? Les mêmes arguments de fond évoqués dans le point relatif à l'état des finances ont été réitérés là encore, en l'occurrence l'aide de la Caisse de solidarité et de garantie des collectivités locales, la dotation pour la compensation de la moins-value fiscale (156 milliards de centimes), la subvention d'Etat pour les salaires des personnels (152 milliards de centimes) plus une dotation pour l'entretien des écoles (27 milliards), qui ont toutes sauté dès 2016, au grand dam de la commune. Conséquence : manque de liquidités à la Trésorerie communale, ceci alors que la commune était liée par des engagements de dépenses auprès du contrôleur financier (CF) à hauteur de 80 à 85% vu la consistance du plan de fonctionnement de la commune d'Oran. Devant cet état de fait, l'APC a fait des mains et des pieds pour atténuer la forte crise de liquidités, mais sans grande réussite puisque le problème du sous-recouvrement, tant fiscal que patrimonial, est resté entier. Et ce, poursuit le compte-rendu de la commune, en dépit de la disponibilité de crédits budgétaires si bien que la Caisse de solidarité et de garantie des collectivités locales est venue au secours de l'APC, fin 2016, par une subvention sous le sceau de l'urgence d'une valeur de 67 milliards de centimes pour couvrir 4 mois de salaires impayés pour les travailleurs.
LE LOURD HERITAGE: PLUS DE 600 MILLIARDS DE DETTES
«Dans la foulée de cette crise, sur ordre du wali, une réunion entre les responsables de la wilaya et ceux de la commune a été tenue au siège de la wilaya, où instruction a été donnée au Trésorier communal de prioriser le paiement des salaires des personnels communaux sans procéder aux retenues salariales, y compris celles liées aux cotisations de la Caisse nationale des Assurances sociales. Et c'est à partir de là que les dettes ont commencé à s'accumuler outre mesure bien que la commune ait tenté de redresser la situation et limiter les dettes à partir de 2019, et ce au travers un faisceau de mesures de rationalisation drastiques tant en fonctionnement-gestion qu'en investissement-équipement au point où le taux de consommation budgétaire de la commune est passé de 90 à 70% de 2020 à 2021». Dossier sous-jacent du gros dossier des dettes, les créances réclamées à la commune d'Oran par les établissements publics de wilaya (en l'occurrence les EPIC Oran propreté, Oran Vert, Ermes Oran et CET Oran). Dans le fond, c'est tout le dossier des contrats-programmes APC- EPIC de wilaya qui doit être réexaminé en profondeur par la commune. Idem pour certaines dettes concernant les sociétés publiques Sonelgaz et Seor, dont les valeurs excèdent les montants des marchés annuels respectifs signés avec l'APC. Autre dossier à traiter en priorité, voire même en urgence : les dettes communales auprès de la CNAS, plus précisément celles concernant les cotisations des travailleurs saisonniers avant leur régularisation en 2020, d'un montant global de 60 milliards de centimes. Le dossier des contrats-programmes est également l'un des points importants à inscrire sur l'agenda de la prochaine équipe communale d'Oran.
CONTRATS-PROGRAMMES APC-EPIC : UN PARTENARIAT À REVOIR
En effet, les auditeurs de l'IGF ont, dans le cadre de leur mission de contrôle et de vérification de la gestion financière et comptable au sein de la municipalité d'Oran, passé sous la loupe le dossier ayant trait aux subventions octroyées par cette commune aux établissements publics de wilaya. La réponse des gestionnaires communaux était nette et concise: «Effectivement, la commune octroyait des subventions financières aux établissements de wilaya, en l'occurrence Oran Ermes, Oran Propreté, Oran Vert et Oran CET, tout en concluant des contrats-programmes avec celles-ci en vertu de quoi elles prêtaient ses services à la commune. Ces contrats n'étaient pas signés par l'APC de son plein chef mais étaient imposés par la tutelle, représentée par la wilaya, tout comme les subventions dont il est question, lesquelles devaient sur ordre de la wilaya également être obligatoirement budgétisés dans le budget communal, outre certains travaux hors programme (non couverts financièrement par le contrat-programme APC-EPIC) qu'effectuaient ces opérateurs publics au profit de la commune, mais qu'ils comptabilisaient en tant que créances sur services faits». Une «entorse à la loi», selon l'APC d'Oran, qui a poussé l'IGF à intervenir pour rétablir la loi en corrigeant, tout d'abord, le montant des dettes et en invitant, ensuite, l'APC et ses contractants de la wilaya à «légaliser» leur partenariat en passant par la seule voie légale du code de marchés publics. Ce à quoi se sont conformés les concernés dès 2022, suivant les dispositions du décret exécutif n° 247/15 du 16 mars 2015 et les directives de l'IGF.


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