La décision de délocaliser la délivrance du passeport et de la carte d'identité biométriques par les APC est une volonté prêtée au ministre de l'Intérieur pour renforcer le service public, appuyer et soutenir, davantage, l'institution communale. Une révolution ! Ce qui, a priori, est de nature à plaire à tous les édiles d'Algérie, mais aussi aux formations politiques, de l'opposition notamment celles qui n'ont eu de cesse de réclamer « plus de pouvoirs » aux élus locaux. Il l'a justifié en disant : « Nous avons dans notre vision d'amendement du code de la commune, le souci de renforcer le rôle de cette dernière et de confirmer ses missions de principal producteur de service public; le passeport et la carte d'identité biométriques ainsi que la carte d'immatriculation des véhicules sont des preuves tangibles de notre bonne volonté ». Que va-t-il advenir conséquemment des daïras ? Dépouillées de tout ce qui constituait l'essentiel de leurs activités, le passeport, la carte d'identité, le permis de conduire et la carte grise, les attributions des daïras se sont réduites comme peau de chagrin ! Autrefois, espaces de commandement appréciables, elles sont devenues des échelons administratifs de plus en plus inconsistants, encombrants même. Contestées par la population qui, pour un oui ou un non, déverse sa colère sur elles en les « cadenassant », les supprimer contribuerait quelque part à alléger le millefeuille administratif, selon certains. Même en termes d'attractivité économique et d'investissement, elles ne servent pas à grand-chose, puisque c'est aux maires et autres walis, qu'échoit la mission d'attirer les investisseurs et les commerces. Grâce au foncier, qui relève désormais des prérogatives des chefs d'exécutif de wilaya ! 1. Quelle place vont-elles occuper à l'avenir ? 2. Sont-elles devenues des institutions archaïques comme l'a prétendu le RCD qui avait plaidé pour leur dissolution, car selon lui, elles n'ont plus d'autre sens que celui de préserver des employés sous-employés ? Et il s'en est expliqué : « Il s'agit de dissoudre les daïras, inutilement budgétivores en transférant leurs personnels et leurs budgets au profit des communes; tous les élus locaux savent que ces entités sont le goulot qui empêche toute intercommunalité au profit d'un contrôle drastique de l'action des élus ». 3. Quid alors des chefs de daïra qui, faut-il l'admettre, ne seront pas très occupés à l'avenir ? Ces derniers, faut-il déjà le rappeler, n'ont pas les mêmes fonctions que les walis ! Ni les mêmes pouvoirs ! Le contrôle de légalité des comptes et des budgets des communes n'est pas, n'a jamais été de leur ressort, par exemple. Rappelons, pour la bonne compréhension, que les chefs de daïra sont à la tête d'institutions qui n'ont ni budget, ni instance de délibération et de validation des décisions de dépenses, et sont donc démunies de tout instrument de réalisation de leur politique ! 545 daïras : état des lieux Dans les petites daïras rurales, l'effectif ne dépasse pas parfois les 9 à 10 fonctionnaires. Chef de daïra compris ! Dans d'autres, l'absence du titulaire du poste, pendant de longues périodes, ouvre la voie à toutes les spéculations : serions-nous dans cette façon de gérer, dans l'hypothèse de suppression de la daïra ? En la laissant sans chef ? Que dire aussi des daïras qui cohabitent à moins de 15 km les unes des autres ? Et aussi de tous ces bâtiments vides où quelques agents, une dizaine ou un petit peu plus, occupent 1.000 m2 ? Là, certainement, il y a des économies à faire et de quoi, pour le moins, simplifier le millefeuille administratif ! Autrement dit, les services qui peuvent être rendus aux citoyens par les daïras, en 2023, seront, disons-le insignifiants. Il est vrai qu'aucun ministre de l'Intérieur n'a osé toucher, de façon frontale, à la carte des daïras depuis 1990 ! Pourtant, l'Etat en ces temps de rationalisation des dépenses publiques, pourrait escompter, avec leur suppression partielle ou totale, une économie facilement chiffrable et en tous les cas, bienvenue en ces temps de crises. Difficile à croire pour l'instant, même si l'heure est à la réduction des dépenses publiques et à leur rationalisation, ce qui apparaît comme un impératif absolu ! A contrario pourtant, ils sont nombreux ceux qui estiment que les chefs de daïra sont des rouages essentiels de l'Etat, les relais, partout sur le territoire, des politiques de l'Etat, des questions de sécurité, à celles de l'aménagement en passant par leur rôle d'arbitrage en matière de développement local principalement. Certes, la population se plaint du chef de daïra dans certains territoires, mais ceux qui râlent le plus, seront les premiers à contester la suppression de leur daïra. Y compris dans les rangs des formations politiques, RCD y compris ! Que faut-il faire dès lors qu'il semble vital de préserver le lien entre la population et les daïras ? C'est une question de cohésion sociale, dit-on ! On l'aura compris, autour des daïras se greffent beaucoup de services de proximité et d'antennes des différentes administrations. Sans compter des fonctionnaires de haute qualité ! De ce qui précède, faut-il attendre des décisions en la matière, ou pour le moins, espérer l'ouverture d'une réflexion en ayant à l'esprit que : 1. La suppression des daïras en l'état porterait un coup grave à l'aménagement du territoire. 2. La transformation de quelques-unes d'entre-elles en « antennes communales » serait, a priori, judicieuse. 3. Le maintien des daïras en zone très urbaine, là où les administrés peuvent aller rapidement à la wilaya en transport en commun, voire à pied, ne participe pas de la rationalité encore moins de la logique et donc leur dissolution serait envisageable. 4. La suppression des 47 daïras des chefs-lieux de wilayas, une aberration en quelque sorte, et dans ce cas particulier, on ne peut être que d'accord, ces daïras-là, ont perdu leur utilité ! 5. La fusion entre une ou deux petites daïras distantes de 10 à 15 km peut être expérimentée. Avec un seul chef de daïra aux commandes et autant d'économies à faire. 6. Le maintien des daïras en milieu rural semble indiscutable, car on est loin de tout. En revanche, il faudrait travailler pour rassembler plus de services dans un même lieu. Une sorte de « maison de l'Etat ». 7. La consolidation, voire la multiplication des daïras dans le Grand Sud est indiscutable. Que va faire pour sa part Brahim Merad, le ministre de l'Intérieur, des Collectivités locales et de l'Aménagement du territoire ? Notre souhait, a-t-il souvent rappelé, est que nos partenaires nous accompagnent dans cette mission de «modernisation et d'informatisation» de l'administration publique. 1. Va-t-il pour autant mener une réforme territoriale qui porterait son nom ? 2. Ou maintenir sa politique de modernisation de l'action de l'Etat et poursuivre sa réforme jusqu'à réorganiser ces daïras dont l'existence n'apparaît plus comme indispensable ? 3. Ou alors, ménager la population qui reste très attachée aux symboles et surtout aux acquis ? Des millions d'Algériens nourrissent encore l'espoir de voir leur daïra accéder au statut de wilaya, pour bénéficier du « ruissellement financier » qui en découlerait en termes de projets et autres infrastructures absentes dans « les zones d'ombre » où ils survivent ! Le gouvernement sait que les arbitrages politiques, et surtout locaux, seront essentiels pour la mise en place d'une éventuelle réorganisation territoriale. En revanche, s'agissant de la réforme des finances et de la fiscalité locale, tout le monde est d'accord pour la faire, même si au niveau du ministère de l'Intérieur, c'est l'Arlésienne ! En conclusion, peut-on dire que les communes, à terme, vont supplanter les daïras ? C'est une probabilité qui n'est pas à écarter, dès lors que la Constitution voulue par le président de la République confère déjà à un certain nombre d'entre elles, qui y sont éligibles, « un statut particulier pour ne pas dire exceptionnel » ! Il y a aussi les dispositions du nouveau code de la commune qui, dit-on, vont permettre aux maires de booster l'économie locale ! On croit savoir que cela touchera essentiellement, voire exclusivement, le domaine économique. Abdelmadjid Tebboune a souvent évoqué l'importance à accorder au rôle économique des communes à l'effet de permettre l'émergence d'une «véritable» économie locale qui constitue un «des fondements du développement et de la croissance économique de notre pays». Les élus auront dans ce sens une large manœuvre pour participer au développement local à travers notamment « la création des zones d'activité et le lancement de projets créateurs d'emplois et de richesse ». D'ailleurs, c'est autour de cette thématique que le gouvernement et les walis réunis en conclave ce jeudi, auront à s'exprimer et défendre leurs propositions. Sur le plan législatif, les maires n'auront plus à se plaindre de blocages administratifs. Il leur appartiendra d'innover en la matière pour améliorer les conditions de vie des citoyens de leurs localités, mais certainement «sous l'œil» de l'administration, qui veillera sur le respect des procédures réglementaires. La libération des initiatives est évidente si on parle de la révision des textes régissant les collectivités locales, mais la décentralisation absolue du pouvoir de décision attendra encore. Toutefois, certains experts estiment que les communes en Algérie n'ont pas les mêmes vertus «créatrices de valeurs» des entreprises, dès lors que ce ne sont pas les mêmes règles commerciales, comptables et juridiques qui les régissent ! Elles ne disposent également ni de l'expertise ni du professionnalisme des entreprises et de leurs gestionnaires. Et donc la vision prospective d'un maire gérant sa commune comme une entreprise économique apparaît comme utopique au regard des difficultés listées supra, ce qui nous amène à croire que la suppression des daïras n'est pas pour demain !