Le remaniement opéré début janvier au poste de commande de l'EPIC de gestion du marché de gros de la wilaya d'Oran a sonné le glas d'un mode de gestion archaïque et budgétivore digne de l'ère des ex-galeries algériennes. Héritant d'un tableau de bord alarmant, le nouveau manager de l'entreprise a déjà déclenché un processus de mise à niveau. La réalité était diamétralement opposée à l'image « vendue » : l'EPIC dépensait bien plus qu'elle n'en gagnait. Inverser la tendance et aller vers un budget excédentaire, c'est désormais l'objectif principal. Jusqu'alors, le marché ne voyait pas plus loin que le bout de son nez : il louait ses hangars au prix forfaitaire et imposait une petite taxe d'entrée au portail. Avec, par-dessus le marché, un système de recouvrement qui faisait du social et un circuit de perception très perméable. Dans tous les compartiments, les charges d'exploitation excédaient les produits. Y compris lorsqu'on a voulu innover un peu pour se mettre dans l'air du temps : la micro unité-pilote de compost consommait annuellement 570 millions de cts pour une recette de 62 millions de cts, soit un déficit de 89%. Avec la délocalisation, en 2012, de l'activité des anciennes halles centrales de Cité Petit vers El-Kerma, le marché s'est offert certes un nouvel espace, une infrastructure neuve et appropriée. Mais la gestion a très peu évolué. On a changé de murs, mais pas de mœurs. Le déménagement qui devait laisser derrière lui, et pour de bon, l'anarchisme et le dysfonctionnement, n'a fait malheureusement que transplanter ceux-ci. Un nouveau cadre, mais le même fond, un nouvel emballage, mais le même contenu. Début 2023, l'établissement sous la diligence de son nouveau directeur général, Bensafi Smaïn Abdelkader, est entré dans une nouvelle ère, celle de la gestion d'entreprise, la vraie. Avec, comme signes probants de cette métamorphose, la mise en place d'un plan de management, un plan d'affaires, un plan d'exploitation, un plan de gestion des ressources humaines ainsi qu'un plan financier, cet élément-clé du plan d'exploitation pour la bonne raison que l'élaboration de prévisions financières portant sur les produits et les charges, les mouvements de trésorerie et la situation financière de l'entreprise oblige à examiner toutes les autres grandes composantes du plan. Les retombées sonnantes et trébuchantes de la nouvelle politique d'entreprise mise en œuvre dès janvier 2023 par l'EPIC de gestion du marché de gros sont là : les recettes sont en nette progression, malgré ce court intervalle, mais cela augure, dors et déjà, d'un bond du chiffre d'affaires en fin d'exercice. NOUVEAU DIRECTEUR: NOUVEAU DEMARRAGE Au-delà de cette performance dans le produit de vente des services, c'est le busines-plan de l'EPIC, qui prévoit son développement en interne et en externe, qui est à mettre en gras. Dans la pratique, parmi les leviers sur lesquels la nouvelle direction du marché a agi pour la mise à niveau de la situation financière, le recouvrement (des créances détenues par les mandataires et autres concessionnaires de locaux annexes). Un service à part entière dédié à ce segment a été mis en place, avec une mission à accomplir et des objectifs à atteindre à court terme. Entre autres anomalies fort préjudiciables pour la trésorerie de l'EPIC mises à l'index par le nouveau gestionnaire, le paiement des factures d'électricité et d'eau concernant les 216 box et autres chambres froides exploités par les mandataires était sur le dos de l'EPIC, soit des sommes pharamineuses débitées à tort, depuis plus de 10 ans, du compte de l'entreprise. Presque une dilapidation - à plus forte raison qu'on a toujours fait dans un tarif de location plutôt « social »- à laquelle le nouveau directeur a mis un terme par l'installation, avec le concours des services de Sonelgaz, de compteurs d'électricité individuels, charge à chaque utilisateur de régler sa propre facture. Le même procédé est en cours s'agissant des compteurs d'eau. Autre perte sèche pour l'entreprise laissée telle quelle depuis bien des années : cinq chambres froides en panne. Là aussi, l'intervention du nouveau premier responsable du marché a été prompte : les cinq chambres froides ont été réparées et attribuées par voie d'adjudication, soit de nouvelles entrées de l'ordre de 45,5 millions de cts par an pour l'EPIC. UN LOURD HERITAGE: DES TARES QUI COÛTENT DES MILLIARDS Dans le même chapitre de rationalisation des dépenses-charges d'exploitation et actualisation-amélioration des produits-recettes, l'entreprise vient de mettre en concession son marché à bétail pour un montant de 53 millions de DA, au lieu et à la place de l'ancien prix de 42 MDA. Une plus-value de 1,1 MDA/an donc vient d'être réalisée pour cette ressource qui était jusqu'alors sous-évaluée, et donc sous-exploitée, et qui a fait l'objet d'une réévaluation en valeur financière. Le service de la perception, le maillon principal du cash-flow du marché, a été bien évidement au cœur du plan de redressement opéré par la nouvelle direction. A la faveur d'un ensemble de mesures prises, la recette générée par la perception au titre de la taxe d'entrée (imposée aux fournisseurs et aux clients qui s'approvisionnent du marché) a, elle aussi, enregistré un taux d'amélioration significatif. Par ailleurs, dans le cadre du plan de renforcement et d'extension de ses prestations, l'entreprise gestionnaire compte mettre en service de nouveaux espaces commerciaux dédiés à la vente en gros de fruits et légumes, principal segment d'activité de cette EPIC, mais également tous les produits agroalimentaires. Il en est ainsi du projet d'unité de vente de viandes rouges qui sera mise en place dans la structure destinée initialement au marché de poissons et de fruits de mer, qui dispose d'une capacité de stockage frigorifique de 7.000 tonnes. Actuellement, M. Bensafi Smaïn est en phase de prospection-concertation avec des opérateurs locaux et nationaux spécialisés dans la filière viande rouge en vue de lancer cette unité, dont la proximité avec les abattoirs en voie d'achèvement est un élément favorable pour son avènement et son développement, à moyen terme. VERS UN PATENARIAT EPIC-INVESTISSEUR PRIVE POUR LE COMPOST Ne voulant plus, selon le discours de la direction de l'époque, se renfermer sur elle-même et ne contentant plus d'une gestion dans un rayon de 100 m, l'EPIC de gestion du marché de gros de la wilaya d'Oran a voulu « voir grand et loin ». C'est ainsi qu'elle s'est lancée en 2016-2017, avec les directives de la wilaya et sous ses ordres, dans l'option de la gestion « à distance » ou « déléguée » des marchés dits de proximité, dont les communes sont intéressées par un transfert de gestion, via une convention entre elles, en tant que propriétaires, et l'EPIC en qualité d'exploitant gestionnaire. A fort renfort publicitaire, on parlait alors d'un appel à manifestation d'intérêt et une campagne « agressive » de porte-à-porte qui allaient être combinés afin de convaincre le maximum des 26 municipalités à signer des conventions avec l'EGMGWO. Mais, en fin de compte, une très petite récolte pour une grosse campagne de matraquage médiatique. C'est la montagne qui accouche d'une souris : seulement deux marchés couverts, ceux de Haï Es Sabbah (Yasmine 2) et d'El-Kerma, via des conventions avec les APC de Sidi Chahmi et d'El-Kerma, qui répondront présent'. Encore qu'il ne s'agisse pas, dans un cas comme dans l'autre, forcément d'une bonne affaire pour l'EGMGWO : le nouveau directeur de cette EPIC a trouvé dès son installation des créances impayées de l'ordre de 1,4 milliard de cts détenues auprès des concessionnaires de stands. Là, encore une fois, il a dû mettre en branle la machine pour récupérer l'argent de l'EPIC. L'unité de production de compost, mise en place en 2017, dans l'espace dédié, dans un premier temps, au marché de voitures, un autre projet mort-né, n'est pas en reste. Alors que le « budget » de fonctionnement de cette sous-structure s'élève à 570 millions de cts, les recettes générées par la vente des sacs de compost portant le sigle de l'EGMGWO ne dépassent guère les 62 millions de centimes. Un gain dérisoire et extraordinairement disproportionné avec l'hauteur de cet investissement. Un état de fait qui a poussé la nouvelle direction de l'entreprise gestionnaire à revoir ce projet dans le sens du pragmatisme et, surtout, de la manière professionnelle de faire les choses. Pour M. Bensafi Smaïl, qui plaide, haut et fort, pour l'opportunité et la pertinence d'un tel projet en mettant l'accent sur la forte demande aussi bien locale que nationale sur ces engrais organiques, « il faut se mettre sur les normes et les standards internationaux si l'on veut réussir vraiment dans cette expérience-pilote, très intéressante à tous les égards. Nous sommes en pleine phase de discussion et d'échange avec un opérateur algérien résidant en Angleterre. Nous avons reçu une offre de cet investisseur en vue d'un partenariat gagnant-gagnant que nous sommes en train d'étudier avant de la soumettre prochainement au conseil d'administration ».