L'Espagne comptait certainement beaucoup sur le soutien de Bruxelles pour amortir le choc économique provoqué par la crise diplomatique avec l'Algérie, née au lendemain de l'alignement du gouvernement espagnol sur la position du Maroc dans le conflit du Sahara occidental, mais au fil du temps, on s'est assuré que ce soutien n'a pas eu d'effet positif. La dernière visite du haut représentant de l'UE pour les Affaires étrangères et la politique de sécurité et vice-président de la Commission européenne, Josep Borrell, à Alger, le 12 mars dernier, n'a en rien changé la donne. Et l'Espagne commence à faire les premiers bilans de cette crise. Les pertes économiques que l'Espagne a subies du fait de l'arrêt de ses exportations vers l'Algérie depuis juin dernier, affectant plus de 129.000 entreprises, des relations commerciales suspendues et une balance commerciale historiquement déficitaire en faveur de l'Algérie de plus de 6,5 milliards d'euros. Selon des données récentes de l'Institut espagnol du commerce extérieur «ICEX», les ventes de l'Espagne à l'Algérie ont chuté d'environ 93% en décembre dernier, indiquant que le taux d'exportation par mois entre juin et décembre ne s'élevait qu'à 10,8 millions d'euros, contre un taux de 169 millions d'euros entre janvier et mai 2022. Contrairement à cette forte baisse des exportations espagnoles, les importations madrilènes en provenance d'Algérie ont augmenté, selon les données de la même autorité, publiées par le journal «ABTH», de 59%, tirées par la hausse du prix de l'énergie. Comme on le sait, l'Algérie est le premier fournisseur de gaz du marché espagnol, en plus d'une augmentation remarquable des ventes de pétrole algérien à Madrid depuis l'année dernière, même si elle n'avait jusqu'à récemment pas retenu l'attention, et elle se classait au huitième rang en termes d'approvisionnement de ce pays en or noir en février dernier, avec une part de marché de près de 6%. Dans une indication de l'énormité des pertes subies par la partie espagnole, à la suite d'une mesure unilatérale de son Premier ministre Pedro Sanchez pour soutenir la proposition marocaine d'autonomie comme solution à la question du Sahara occidental, les données de l'Institut espagnol du commerce extérieur indiquent qu'un total de 129.573 entreprises espagnoles ont cessé de conclure des relations commerciales avec l'Algérie, contre 222.603 entreprises qui ont conclu des accords commerciaux avec l'Algérie en 2021. Parmi les conséquences de la position du Premier ministre Sanchez, 8.934 exportateurs espagnols ont arrêté définitivement leurs activités en Algérie en l'an 2022, selon les données du même institut, indiquant que ces exportateurs avaient «une activité régulière en Algérie». Inquiétude des milieux financiers et d'affaires en Espagne Les entreprises touchées par cette situation recherchent des moyens d'obtenir un soutien financier du gouvernement, notant que la Compagnie espagnole d'assurance à l'exportation (CESCE) a prévu une ligne spéciale de soutien aux porteurs de projets, « y compris les entreprises dont le bilan a été négativement affecté par le conflit » avec l'Algérie, qui bénéficiera d'un traitement particulier en termes de priorité pour son étude. D'autre part, l'ICEX travaille sur des plans détaillés pour chacune des entreprises gravement touchées par le conflit avec l'Algérie, pouvant s'étendre jusqu'à la demande d'une aide à la Commission européenne, à condition qu'elle ne soit pas considérée comme une aide gouvernementale. Un guide préparé par l'Institut ICEX pour les entreprises espagnoles présentes en Algérie comprend un schéma détaillé des secteurs, très nombreux, dans lesquels elles sont actives et qui pourraient être touchés par la crise, qui sont, en particulier, les services intégrés d'ingénierie énergétique, la construction aéronautique, le tourisme et services connexes, installation, maintenance et distribution de produits pétroliers et gaziers et d'alliages d'acier, en plus des services, construction, travaux publics, finances, communications, conseils juridiques, machines et équipements pour l'industrie pétrolière, infrastructures hydrauliques, trains, céramiques, parfums, boissons non alcoolisées, promotion immobilière et autres secteurs. La brouille entre Alger et Madrid inquiète également les milieux financiers et d'affaires en Espagne, qui craignent que la crise actuelle n'ait non seulement un impact économique et commercial, mais qu'il y ait aussi le problème de perdre une part du marché algérien au profit d'autres pays, qui tendent à la remplacer.