La suspension par l'Algérie du Traité la liant à l'Espagne est prioritairement une affaire entre deux Etats indépendants. Les causes de cette rupture des relations commerciales, à l'exception du ravitaillement en gaz, ne relèvent pas du mystère. Madrid et Bruxelles savent que la décision unilatérale du Premier ministre espagnol de prendre fait et cause pour le Maroc dans le conflit qui l'oppose à la République sahraouie constitue le seul motif, d'ailleurs assumé par Alger, de la décision de rompre les relations avec l'Espagne. En cela, le recours précipité du gouvernement espagnol à l'UE ne peut être considéré comme une démarche sensée. Cette tendance «d'internationaliser» un différend entre deux nations ne réglera pas le problème. En tout cas, l'Algérie aurait pu écouter les arguments espagnols. Le gouvernement Sanchez avait et a toujours la possibilité de se rapprocher d'Alger et tenter de trouver une issue à la crise. Aller pleurnicher à Bruxelles ne rime à rien. En quoi l'Union européenne est-elle regardante dans un traité cosigné par deux pays, quand bien même l'un des signataires serait membre de l'UE? La procédure engagée par Madrid ne repose en réalité sur aucun principe sérieux. Le gouvernement de Sanchez pense intimider l'Algérie en brandissant le «glaive» de l'organisation européenne. Celle-ci, par les voix du haut représentant de l'UE pour les Affaires étrangères, Josep Borrell, et le vice-président de la Commission européenne, Valdis Dombrovskis, a aussi péché par précipitation. Les deux hauts fonctionnaires de l'UE n'ont pas écouté tous les sons de cloche. Se contentant de la seule version du gouvernement espagnol, ils ont remis en cause les «actions algériennes, y compris l'instruction donnée aux institutions financières d'arrêter les transactions entre les deux pays», au motif que les décisions d'Alger «semblent d'emblée être en violation de l'accord d'association UE-Algérie, en particulier dans le domaine du commerce et l'investissement». Une grande légèreté dans l'approche d'une question, dont ils n'ont même pas pris le temps de l'étude. Emboîtant le pas à Sanchez, Borrell et Dombrovskis ont usé du même stratagème: l'intimidation. Une pratique d'un usage «normalisé» par l'Occident, mais qui n'a pas sa place avec l'Algérie. La réponse d'Alger n'a pas tardé. Par l'entremise de la commission de l'Algérie auprès de l'Union européenne, l'Etat algérien note l'absence de consistance de l'attitude de l'UE et «déplore la précipitation avec laquelle la Commission européenne a réagi sans consultation préalable, ni vérification aucune, auprès du gouvernement algérien, à la suspension par l'Algérie d'un Traité politique bilatéral avec un partenaire européen, en l'occurrence l'Espagne». La décision algérienne n'a rien à voir avec l'Accord d'association. Le Traité étant bilatéral, l'UE n'a pas droit de regard. Le contraire serait une ingérence. Le communiqué de l'ambassade d'Algérie à Bruxelles souligne, en effet, que l'UE n'a pas pris la peine de «s'assurer que cette mesure n'affecte ni directement ni indirectement ses engagements contenus dans l'Accord d'association Algérie-Union européenne». De fait, l'improvisation de Borrell et Dombrovskis est démasquée. Ainsi que les accusations un peu trop vite lancées sur la prétendue mesure d'arrêt par le gouvernement des transactions courantes avec un partenaire européen. «Elle n'existe en fait que dans l'esprit de ceux qui la revendiquent et de ceux qui se sont empressés de la stigmatiser», indique le communiqué de la représentation diplomatique algérienne à Bruxelles. Cette mise au point faite, l'ambassade d'Algérie en Belgique note, concernant les livraisons de gaz à l'Espagne, que «l'Algérie a déjà fait savoir par la voix la plus autorisée, celle de Monsieur le président de la République, qu'elle continuera à honorer tous ses engagements pris dans ce contexte, à charge pour les entreprises commerciales concernées d'assumer l'ensemble de leurs engagements contractuels». Il reste que cette assurance sur les livraisons ne peut refléter que l'attachement de l'Algérie aux contrats signés avec ses partenaires. Il n'y a aucune espèce de louvoiement dans l'attitude d'Alger qui, quoi qu'il advienne ne cédera jamais aux pressions de l'UE. Des expressions du genre: «L'UE est prête à s'opposer à tout type de mesures coercitives appliquées à un Etat membre de l'Union européenne», prononcées par Borrell et Dombrovskis n'ont aucun effet.