Fait inédit dans l'histoire de la Ligue arabe, la 32ème session du Sommet de ses Etats membres s'est tenus, hier, en présence du président de l'Ukraine embourbé depuis 2022, dans une guerre avec la Russie mais en l'absence de nombreux dirigeants arabes avec à leur tête le Président Abdelmadjid Tebboune. Donnée en premier par des échos de coulisses, à Djeddah, la non participation du Président Tebboune, à la 32ème session ordinaire du Conseil de la Ligue arabe a été confirmée, jeudi par un communiqué de la présidence de la République. Tebboune a donc chargé son Premier ministre, Aïmene Benabderrahmane, de le représenter aux travaux de Djeddah en Arabie Saoudite. L'on ne saura pas les raisons de cette défection du chef de l'Etat d'un Sommet dont il était pourtant président en exercice, avant de céder la place au prince héritier saoudien, Mohamed Ben Salmen, hier, dès l'ouverture des travaux. D'autres absences arabes sont signalées, celle du président de l'Etat des Emirats arabes, Cheikh Mohamed Ben Zaeid, le Sultan d'Oman, Cheikh Haythem Ben Tarek, l'Emir du Koweit, Cheikh Nawaf Al Ahmad, le président des Comores, Azali Assoumani, le roi du Maroc Mohamed VI ainsi que le président du Conseil de Souveraineté de transition au Soudan, le général Abdelfattah Al Burhan. Zelenski «l'invité d'honneur» à Djeddah Véritable coup de Trafalgar, MBS, le prince héritier de l'Arabie Saoudite, a en effet, pris de court de nombreux chefs d'Etat arabes en invitant le président ukrainien Volodymir Zelenski, au conclave de Djeddah, devant pourtant être strictement arabe puisqu'il marquait la 32ème session du Sommet ordinaire du Conseil de la Ligue arabe. Zelenski est arrivé vendredi à Djeddah à bord d'un avion battant pavillon français. «Je prendrai la parole au sommet de la Ligue arabe. Je rencontrerai le prince héritier Mohammed ben Salmane et j'aurai d'autres entretiens bilatéraux», a-t-il indiqué sur son compte Telegram. Peu importe si MBS l'a prise d'une manière unilatérale ou l'a fait cautionner par ses pairs du Conseil de Coopération du Golfe (CCG) et par l'Egypte, la Jordanie et à un moindre degré, l'Irak, cette initiative semble vraiment de mauvais goût. Qu'elle soit ainsi par ces derniers dans le but de rassurer et Washington et Tel Aviv et Paris, de leur constante servilité même après la signature par Ryad d'un accord historique avec Téhéran ou fomentée par Israël dont Zelenski est loin d'en être étranger ou alors sur demande de Washington qui a réussi à faire adopter, en un temps record, par son congrès une résolution interdisant tout échange avec Damas, au risque de sanctions, cette invitation peut aussi être un jeu de donnant-donnant dans un contexte où les questions de leadership sur la région du Golfe et le Moyen-Orient, dans son ensemble, continuent de susciter des velléités de traîtrise telles que celles qui ont jalonné l'histoire des monarchies et de certaines «républiques» arabes. D'autant que MBS est donné pour être «intelligent, rusé et qu'il ne fait rien à l'improviste et veut ainsi que l'Arabie Saoudite mène une médiation auprès de la Russie et l'Ukraine, en échange de «bons procédés» de pressions diplomatiques pour arrêter le massacre des Palestiniens et revenir à l'initiative de paix de Beyrouth que son grand-père avait initiée. Les dirigeants arabes entre compromissions et divisions L'on rappelle toutefois, que la Ligue arabe a décidé, il y a un peu plus d'une année, de constituer un groupe de contact interarabe au niveau ministériel présidé par l'Algérie, pour mener à bien ce porte à porte diplomatique de médiation entre Poutine et Zelenski ainsi que l'ensemble de «la Communauté internationale». Cependant, un Zelenski à Djeddah pourrait bouleverser toutes les donnes à ce sujet pour en créer d'autres , bonnes ou mauvaises, elles restent à démontrer. En attendant, faut-il rappeler que les compromissions arabes avec leurs pires ennemis sont légion. La toute dernière, celle entreprise en 2022, par la signature par un nombre important de pays arabes des fameux «accords d'Abraham» dont le nom trompeur fait honte à l'Islam. Et que les victoires comme celles de 73 où ils ont attaqué Israël et se sont entendus pour fermer les vannes de pétrole à l'Occident, sont rares et constituent une tranche de l'histoire qui ne pourra se répéter en de telles conjonctures de diversion, de dispersion et de division des rangs arabes comme celle grandeur nature de Djeddah. Ceci étant, bien que les supputations sur la présence de Zelenski au Sommet arabe, abrité hier par l'Arabie Saoudite, peuvent être multiples il en restera toujours des zones d'ombre qu'un jour, peut-être, l'histoire dévoilera. Mais ce qui est sûr, c'est que quelles qu'en soient les raisons, les objectifs, les tenants et les aboutissants de cette intrusion occidentalo-israélienne dans un conclave arabe, il est très mal venu de l'avoir décidée alors que «la Communauté internationale» ignore les Arabes qui vivent les pires humiliations à travers le génocide du peuple palestinien orchestré par l'entité sioniste sans qu'aucun pays occidental ne s'en émeuve. Elle pouvait avoir lieu avant ou après le Sommet pour éviter la prise en otage d'une Ligue arabe qui fonctionne déjà depuis toujours sur la base d'un consensus contraignant voire abrutissant. Les projecteurs se braquent sur Zelenski et ignorent Al Assad MBS a d'ailleurs réussi à détourner toute attention aussi infime soit-elle sur ces massacres, en faisant braquer les projecteurs sur la présence de Zelenski à Djeddah. Pareil pour le retour de la Syrie au sein de la Ligue arabe après 12 longues années d'exclusion. L'arrivée jeudi soir du Président Bachar Al assad n'a pas autant retenu le regard que celle de Zelinski. Au diable la Cause palestinienne, la guerre au Yémen, la déstabilisation du Liban, la guerre fratricide au Soudan, en Libye, l'éclatement de l'Irak, de la Syrie, des rangs arabes dans leur ensemble, même si tous ces points figurent dans l'ordre du jour du Sommet. Mais alors quid de l'accord Ryad-Téhéran qui ne devrait en principe pas s'accommoder de telles situations désolantes. D'autant que l'on s'attend à des feuilles de route bien ficelées par les Etats-Unis et ses acolytes à l'intention des dirigeants arabes, comme annoncé dans l'édition du 15 mai dernier. A moins que l'on se place dans le donnant-donnant et qu'il faille s'attendre à d'autres concessions, de part et d'autrs, pour un repositionnement qui prend en compte tous les intérêts des antagonistes dans la région. Au-delà de ce marasme, hier à Djeddah, les présents ont, dans leur majorité, loué les efforts de l'Algérie et de son président avant, pendant et après son organisation de la 31ème session du Sommet arabe, le 1er Novembre dernier. Le Premier ministre Benabderrahmane en a rappelé les points forts à l'ouverture du Sommet avant d'en remettre «les clés» à MBS.