On n'est plus dans un statut juridique, il s'agit d'une approche présentielle. Un constat d'une matérialité physique, peu importe le titre officiel. Un court séjour dans ce pays qui était beau dans le temps vous donnera une sensation de ne plus être dedans. Il semble se voir plusieurs pays dans un seul territoire. Les identités ne partagent plus les mêmes bus, ni les mêmes espaces de logis. De la place Vendôme ou des jardins de Neuilly au Val d'argent ou au marché de Bobigny, la différence n'est pas dans le bâti, mais dans la nuance et la résonance prénominale. Il ne reste somme toute de la France que sa campagne, ses édifices, que des morceaux rongés par le tout-néo, les flux migratoires disons-le et la séparation des communautés. Elle n'est plus celle au ton lyrique de la bohème. Il n'y a plus de lilas, que quelques bistrots, plus de poêles, moins de poètes et de vers. Il n'y a plus de gais rossignols ni de merles moqueurs. Le temps des cerises n'est qu'une ode violée par des têtes éperdues, de grossièreté et de la fièvre de la transhumance. Même l'hiver est devenu un été pourri qui casse tout, qui éventre les vitrines et ne fait plus ses sincères bonjour et adorables merci. Le nouveau «français» est cette main qui enlasse un gobelet de café t qui se fixe à longueur de journée à la rambarde de chaque carrefour populeux. C'est celui qui écoule sous cape une cigarette d'importation clandestine à chaque quai de gare. Des bureaux de tabac en poche. C'est ce grilloir en caddie qui brûle le maïs au lieu de mûrir les châtaignes et chauffer les marrons. Il est aussi sous la peau frustrée d'un exil volontaire qu'il refuse de se l'avouer. Le nouveau français se multiple à toutes les géographies. Il ignore la syntaxe et la concordance des temps, parfois même il n'articule rien, que des syllabes, gesticule et au besoin gueule. Tout le monde paraît être français au moment où presque personne ne l'est. Même Jean-Jacques, Lucien ou Bernard ne sont plus français comme ceux d'antan. Bien au contraire, le français est maintenant Brahim, Zemour, Kohen, Paolo, Kappour, Xzou, Mamadou et toute sa tribu. Parfois, même ceux-ci se font doublés, pour la devanture, de Ninou, Fifou, Momo. En fait le nouveau «français» est celui qui aspire à détenir les symboles de la Mariane sans croire s'astreindre à sa devise. C'est celui aussi qui pense l'être sans omettre son empreinte matricielle. Un fourre-tout. Il tire sa sève de toutes les racines du monde. Il n'est ni gaulois, ni celte, ni latin. Le nouveau «français» ne s'habille pas en Tweed ou en velours râpé, ni ne porte des godasses à lacets bien cirés, il s'accoutre de joggings ou jeans déchiquetés, de robe-tuniques, de saris et affiche en son front ou son cou sa foi et ses croyances. Sa tête ne se coiffe plus d'un béret basque ou d'un chapeau melon. Il râpe, il râle, il ne chante pas. Rien n'est plus chiant pour un certain âge de voir ses illusions se perdre dans les affres d'un présent trop prenant. Rien n'est plus comme avant. L'on n'est pas, dans ce propos dans l'histoire douloureuse des empires et des colonies. C'est une simple image dépassionnée d'une vadrouille francilienne captée et qui se compare à une image juvénile disparue.