Aucun prénom n'est neutre dans ce qu'il indique, dans ce qu'il suggère et dans ce qu'il détermine. Un prénom est porteur d'une charge historique symbolique et culturelle. Ceux qui sont une évocation des personnages d'histoire ou de la chaîne parentale et familiale sont en fait des hommages qui leur sont rendus. Une forme de reconnaissance à l'œuvre accomplie. Pour exemple, le prénom Koceila est une évocation et un hommage rendu au prince berbère du VIe siècle. Celui d'Okba est donné en hommage au conquérant arabe de la même époque. Certains prénoms sont à eux seuls une formulation et parfois une phrase douées de sens. Ainsi Amokrane et Abdelkader sont deux mots nominaux qui signifient respectivement "le grand" et le "fort" etc. Il y a aussi des prénoms qui sont construits sur des bases et tablettes linguistiques. Cette initiative, louable par ailleurs, permet d'embellir et d'agrandir l'éventail de la prénomination. D'autres renvoient à une prénomination universelle en raison des intenses échanges entres les peuples comme Nadia, Rosa, Lila etc. De toute évidence la nouvelle ambiance internationale se joue sur l'interconnexion des cultures de ce qui paraît positif. Chez nous, nous n'avons pas une liberté totale pour prénommer. Que d'enfants nés sont encore en instance de recevoir officiellement un prénom sous accord judiciaire, souvent incertain, surtout pour ceux de consonance berbère. S'il est légitime qu'un pays s'engage dans la voie de la réappropriation et de la préservation de ses valeurs culturelles, identitaires et historiques, il doit le faire pour l'ensemble des composantes de celles-ci. L'histoire ne se charcute pas. Elle ne s'ampute d'aucune de ses franges. Elle s'assume entièrement tout en restant ouverte sur les nouveaux besoins et perspectives. Cette obstruction faite aux prénoms berbères est la marque des pesanteurs hostiles qui tardent encore, hélas, à disparaître, lorsqu'elles ne sont pas tout simplement encore plus imposantes que jamais. Pour remédier à l'opposition systématique faite aux prénoms berbères, notons que le Haut commissariat à l'amazighité (HCA) vient de déposer auprès des services du ministère de l'Intérieur une liste additive à celle existante. Cela étant, rien ne justifie une telle censure d'autant que des prénoms totalement étranges et étrangers sont (et pourquoi pas dirions-nous) normalement enregistrés au niveau des états civils des APC. Nous pensons que Maurice Audin, Fernand Yveton, Frantz Fanon, qui ont sacrifié leur vie pour cette Algérie combattante qu'ils ont adoptée comme étant aussi leur pays, devraient, eux aussi, avoir tous les droits et mérites d'être ressuscités par ce genre d'hommages par la prénomination. Oui, l'histoire ne se charcute vraiment pas. A. A. [email protected]