La nuit venue, Ma Aïcha faisait entrer dans la maisonnette sa chèvre et sa petite chatte pour partager avec elles sa bonne soupe, sa galette, son lait et ses fruits. «Enfants, il faut toujours prendre soin des animaux nos amis !» Minette et Chevrette tenaient chaud à leur maîtresse qui ne tardait pas à s?endormir paisiblement. Seul le feu de l?âtre crépitait toute la nuit. Un matin, alors que Ma Aïcha était à peine réveillée, elle entendit non pas le vent dans les arbres ni le chant des oiseaux, non ! elle entendit de grosses voix d?hommes. Affolée, elle regarda par la fenêtre : c?étaient des bûcherons. Ils venaient couper les arbres de la forêt pour aller vendre le bois en ville. A leur passage, les arbres cachaient leurs fruits, soulevaient plus haut leurs branches, entassaient des feuilles mortes sur tous les chemins ! Il leur arrivait même de se serrer les uns contre les autres afin d?empêcher désespérément ces intrus de pénétrer dans la forêt. Mais c?était compter sans leurs haches coupantes et luisantes ! Ces bourreaux se frayaient quand même un chemin et abattaient çà et là quelques arbres. Leur besogne terminée, ils rentraient aussitôt. Alors, les grands arbres se baissaient pour caresser leurs frères blessés ou abattus. «Il n?y a rien de plus triste au monde, mes enfants, qu?un arbre, maître des cieux allongé par terre !». Les écureuils, les merles, les chouettes... tout un petit monde tournoyait : qui cherchait son petit, qui son nid, qui son butin. Les pauvres animaux étaient les nouveaux sans-abri de la forêt. «Mes enfants, il faut toujours avoir pitié de nos frères abandonnés et sans refuge !» C?est pourquoi Ma Aïcha émietta une grosse galette, remplit son tablier de noisettes et châtaignes et déposa ses offrandes au pied de l?arbre abattu. Pour la remercier, l?écureuil remua sa grande queue touffue et lui fit une large révérence. La chouette daigna cligner des yeux et, les merles ? Ils sautillèrent et sifflèrent autour d?elle joyeusement. Ma Aïcha allait s?en retourner quand elle aperçut quelque chose qui brillait dans l?herbe. Elle se baissa et ramassa une pièce de cinquante centimes. Elle hésita un instant, puis la glissa dans sa poche en pensant : «Elle doit appartenir, sans doute à l?un des bûcherons.» Alors Ma Aïcha se mit à rêver à voix haute : «Avec ces cinquante centimes, j?achèterais bien un peu de viande ? Mais l?os pèserait si lourd... Alors j?achèterais plutôt un petit poulet, mais que de plumes je devrais enlever !..; Je me payerai des bonbons ! Si bon ! Mais il faudrait que je jette tant de papiers non, non ce serait du gaspillage. Je vais acheter des dattes ou encore des olives, mais leurs noyaux pèseraient si lourd ! J?achèterais donc des fèves ou des bananes ! Mais je serais obligée de sacrifier leur peau... Ah ! non ! Et si j?achetais des cacahuètes ou des noix. Il y a si longtemps que j?en rêve, mais leurs coques aussi seraient à jeter ! (à suivre...)