Qui d'entre nous n'a pas eu des pertes de mémoire de temps à autre ? Ce n'est pas pour autant qu'il pourrait s'agir de la maladie d'Alzheimer, cette maladie qui fait légitimement et profondément peur car réputée, à juste titre, comme n'ayant aucun traitement efficace, greffée malheureusement d'une évolution inévitable par l'aggravation très lente et progressive vers la détérioration mentale et dont généralement ce signe en est le 1er symptôme ! De nombreuses familles souffrent de voir un être cher perdre ce qu'il a été durant toute une vie touchée par une maladie n'ayant pas de traitement spécifique. Elle représente aussi 50 à 80% des cas de démence très souvent graves. Quand ces «petits oublis» bénins et assez courants dans la vie de tous les jours, oublier ses clés alors qu'elles sont dans sa poche, ses lunettes alors qu'elles sont sur sa tête, le prénom d'un de ses petits-fils ou petite-fille, le numéro de téléphone d'un proche, entrer dans une pièce et oublier ce que nous cherchions, et qu'il devient possible de s'en rappeler quelques minutes après, et ils sont le plus souvent observés chez le sujet âgé, n'ont aucune incidence sur la vie de tous les jours; il ne faut pas trop s'en inquiéter mais se rappeler que le cerveau est comme un muscle qu'il faut entretenir régulièrement par un sport, un « sport cérébral » tels les mots croisés, fléchés, Sudoku ou autres activités cérébrales..., comme cela se fait pour les muscles. Ne dit-on pas que tout organe qui ne fonctionne pas s'atrophie et le cerveau ne doit pas s'arrêter de fonctionner. Pour cela, il faut l'entretenir régulièrement et adopter une hygiène de vie adaptée. Dans d'autres cas, les trous de mémoire s'aggravent, deviennent inquiétants et commencent à perturber les activités quotidiennes. A titre d'exemple, demander la même chose à plusieurs reprises, oublier d'éteindre la cuisinière, oublier l'adresse de son lieu de résidence ou une conversation qui vient juste de s'achever, des évènements et dates importantes, alors que les patients en minimisent l'importance et refusent même de consulter quand leurs proches le leur proposent ! La maladie d'Alzheimer est une pathologie neurodégénérative complexe, responsable d'un dysfonctionnement des connexions entre les neurones, due à une destruction progressive et lente du tissu nerveux par la présence entre les neurones de «plaques amyloïdes» constituées par une accumulation de la protéine ß-amyloïde, et d'enchevêtrements neurofibrillaires intracellulaires dans le neurone causé par la protéine Tau anormalement agrégée, réalisant de véritables «courts-circuits» entre eux. Très fréquente chez le sujet âgé car l'allongement de la durée de vie moyenne due à l'amélioration des conditions de vie est en partie une des raisons qui expliquent l'augmentation du nombre de personnes concernées par cette pathologie. Aujourd'hui, le chiffre avancé en Algérie est de 100.000 personnes atteintes en 2015, mais aucune actualisation n'a été publiée à ce jour et 35 millions de malades dans le monde. Alors que sa survenue avant 65 ans est rare (0,5%), sa fréquence est de 2 à 4% une fois passé cet âge. Ensuite, elle augmente proportionnellement avec celui-ci, pour dépasser 15% à 80 ans. Cette maladie touche de plus en plus de femmes (1 femme sur 4 et 1 homme sur 5 après 85 ans). Les formes héréditaires dites «familiales» de la maladie d'Alzheimer sont très rares et représentent moins de 1% des cas. Même les régimes alimentaires auraient une incidence sur la maladie; les régimes occidentaux augmentent les niveaux d'inflammation alors que les régimes méditerranéens riches en vitamines, anti-oxydants et anti-inflammatoires améliorent la mémoire et les fonctions cognitives et augmentent le volume de la matière grise et réduisent le risque de démence. Historique La maladie d'Alzheimer tient son nom du psychiatre et neurologue allemand Aloïs Alzheimer (1864-1915) qui, en 1906, associa les symptômes, déclin progressif des fonctions cognitives, à des lésions cérébrales spécifiques, les plaques amyloïdes et les dégénérescences neurofibrillaires. Par la suite, d'autres chercheurs viendront confirmer ses découvertes, et un deuxième cas identique en 1911 viendra valider sa théorie. Pendant plus d'un demi-siècle, l'étude de la maladie d'Alzheimer est restée en suspens jusque dans les années 1990, où les progrès en génétique ont permis d'identifier plusieurs gènes liés à l'apparition de la maladie. Aspects cliniques Ils sont divers, la perte de mémoire est souvent le premier symptôme qui permet d'orienter le diagnostic. Ensuite, surviennent des troubles des fonctions supérieures, l'orientation temporo-spatiale, les troubles du langage, de l'écriture, des mouvements, du comportement, des troubles de l'humeur tels que l'anxiété, la dépression ou une irritabilité. Le fait que le patient ne soit pas conscient de ces troubles mais que ce soit les proches qui les rapportent est déjà en soi un critère de diagnostic. Il lui en est décrit 07 stades : Stade 1 : Aucune déficience. Stade 2: Déficit cognitif très léger. Stade 3: Déficit cognitif léger. Stade 4: Déficit cognitif modéré Stade 5: Déficit cognitif modérément sévère. Stade 6: Déficit cognitif sévère. Stade 7: Déficit cognitif très sévère. Traitements La prise en charge de la maladie d'Alzheimer a, aujourd'hui, uniquement pour but de ralentir la progression de la maladie et permettre au patient et à son entourage de s'adapter aux handicaps. La prise en charge est pluridisciplinaire. Il n'existe malheureusement, pas encore, de traitement qui s'attaque directement aux causes et aux mécanismes à l'origine de la maladie. C'est pour cela que l'espoir se porte désormais vers les nouveaux traitements qui viennent d'être découverts récemment après 40 ans de recherche, depuis la découverte de la protéine bêta amyloïde en 1984, à l'origine des plaques amyloïdes. Il s'agit des prises en charge dites non pharmacologiques qui sont destinées à stimuler et entretenir les capacités cognitives et motrices du malade en réduisant la fréquence et l'intensité des troubles psycho-comportementaux et donc d'éviter le recours à la prise de psychotropes. Cette prise en charge est personnalisée et menée par des professionnels, elle permettra : d'atténuer le fardeau de l'aidant, de ralentir la perte d'autonomie du malade et de différer l'entrée en institution. Au cours de la dernière décennie, de nombreux essais thérapeutiques ciblant l'amyloïde n'avaient pas montré de ralentissement appréciable de la progression clinique de la maladie, jusqu'à la découverte des anti-corps monoclonaux tels que l'Aducanumab, le Lecanemab et le Donanemab qui ont récemment montré une élimination prometteuse de la plaque amyloïde, potentiellement bénéfique pour les patients. Le Lecanemab, conçu par une société américaine «Biogen» et japonaise «Eisai» commercialisé sous le nom Leqembi vient d'être approuvé le 06/07/2023 par la FDA (Adminstration américaine du médicament) pour sa commercialisation complète; il est administré toutes les 02 semaines sous la forme de solution intraveineuse et ralentirait de 27% le déclin cognitif sur une période de 18 mois ; quelques effets secondaires dans moins de 02% furent observés, c'est certes une avancée prometteuse, néanmoins, il coûterait environ 26.500 USD par an. Un second médicament, un autre anticorps monoclonal anti-amyloïde, le Donanemab, développé par le laboratoire américain «Eli Lilly», aussi prometteur, dont les résultats viennent d'être publiés le 17/07/2023 dans le JAMA (Journal of American Medical Association) éliminerait les plaques amyloïdes dans le cerveau de 80% des patients et ralentirait de 40% le déclin des fonctions supérieures en 18 mois, vient d'être candidat à la FDA pour obtenir une autorisation de commercialisation aux USA d'ici la fin de l'année 2023. Il est administré toutes les 04 semaines par voie intraveineuse et coûterait environ 25.000 à 30.000 USD par an. Conclusion En 2023, 02 traitements réellement efficaces en ciblant les mécanismes proprement dits de la maladie d'Alzheimer sont venus enrichir la palette des armes thérapeutiques existantes actuellement ; en tant que scientifique, tout en prenant en considération la balance avantages-risques de ces deux molécules ne peuvent être que prometteuses pour le devenir de ces patients ; même si elles ne guérissent pas définitivement, comme cela est pour le diabète jusqu'à aujourd'hui et les diabétiques vivement quasi normalement, ils sont très prometteurs pour les patients atteints et représentent un véritable espoir pour toutes les familles qui en souffrent, car les malades eux-mêmes ne s'en rendent pas compte. *Professeur - Ex-Médecin-chef de service de neurochirurgie CHUO Oran Sources : 1- Ce que vous mangez peut-il ralentir la progression d'Alzheimer ? Magalie Regnier Doctissimo 09/05/2023 2- Donanemab in Early Symptomatic Alzheimer Disease John R. Sims, MD1 and all JAMA. 2023; 330(6): 512-527. 3- Pertes de mémoire : est-ce une maladie d'Alzheimer à ses débuts ? Dr Jean de Présilly. Mis à jour le 22/09/2022 à 11h00