La grève des huit jours constitue une des étapes les plus importantes dans l'histoire de l'évolution du mouvement révolutionnaire algérien, puisqu'elle est intimement liée au développement de la question algérienne auprès des Nations Unies. Sur le plan intérieur, la grève a prouvé, à travers la large adhésion populaire de toutes les catégories (étudiants, travailleurs, paysans et artisans). C'est d'ailleurs dans ce contexte qu'a émergé le rôle de l'Union Générale des Travailleurs Algériens, de l'Union Générale des Etudiants Musulmans Algériens et de l'Union des commerçants .Ce qui démontre la prise en charge de la Révolution par le peuple et partant, son attachement à sa revendication fondamentale, à savoir le recouvrement, sous la direction du Front et de l'Armée Nationale Populaire, des droits dont il a été spolié. Dans l'appel à la grève, le Front de Libération Nationale a précisé les causes ainsi que les objectifs visés à travers cette grève. Situation de la Révolution avant la grève Multiplication des opérations de répression de la part du gouvernement français de gauche présidé par Guy Mollet, notamment après que les pleins pouvoirs lui aient été conférés par l'Assemblée Nationale Française. L'acharnement de la France à mettre un terme à la Révolution s'est notamment accru après que le Congrès de la Soummam ait défini les différentes bases organisationnelles et structurelles qui ont permis à la Révolution de susciter l'adhésion populaire. La politique française s'est concrétisée à travers l'intensification des opérations militaires, l'augmentation du nombre de soldats, l'appel aux forces de l'OTAN, la création de zones interdites, de camps de concentration et le recours à la piraterie aérienne par le détournement de l'avion des cinq leaders en octobre, pensant ainsi mettre fin à la Révolution. Les succès diplomatiques réalisés par la question algérienne auprès des instances internationales parmi lesquels le Congrès de Bandoeng en avril 1955 qui a approuvé une motion de soutien au droit du peuple algérien à l'autodétermination. Le deuxième succès a été enregistré lorsque la diplomatie algérienne est parvenue, à la fin de l'année 1956, à inscrire la question algérienne à l'ordre du jour des travaux de l'assemblée générale de l'ONU, au cours de sa dixième session. Décision de faire la grève et préparatifs En application des décisions du Congrès de la Soummam visant à une recrudescence de l'action révolutionnaire et politique et l'implication de toutes les couches du peuple algérien dans la Révolution, une réunion fut tenue le 22 janvier 1957 à Alger par les membres du Comité de Coordination et d'Exécution. Après avoir étudié plusieurs propositions, Abane Ramdane, Larbi Ben M'hidi et Benyoucef Benkhedda arrêtèrent la date du 28 janvier 1957 pour entamer la grève et ce, avant l'examen du dossier de la question algérienne à New York. La préparation de la grève fut confiée aux six wilayate. Plusieurs commissions furent constituées au sein des services et entreprises avec pour missions la sensibilisation et l'orientation de la population qui fut par ailleurs appelée à constituer des réserves de denrées durant les journées de grève. Elles devaient également définir des formes d'aide aux familles démunies et distribuer les tracts appelant à la grève. En outre, des commissions extérieures furent également mises en place au niveau des regroupements d'Algériens à l'étranger. Entre autres décisions du CCE, figure la mission dévolue aux unités de l'Armée de Libération Nationale d'intensifier les attaques, monter des embuscades et multiplier les actes de sabotage au niveau des installations militaires et économiques françaises. Objectifs visés par la grève 1- La grève est un référendum national et global à travers lequel le peuple a exprimé sa confiance absolue en l'Armée et le Front de Libération Nationale. 2- Opérer la rupture définitive entre le système colonial et chacun des éléments du peuple algérien. 3- Mobiliser le peuple algérien dans sa totalité pour participer au combat collectif et démontrer au monde qu'il est déterminé à poursuivre la lutte pour le recouvrement de son indépendance et a unifié ses rangs derrière le Front et l'Armée Nationale de Libération. 4- Informer les délégations internationales présentes à New York de la situation prévalant en Algérie afin de soutenir les efforts fournis par la délégation du Front de Libération Nationale, chargée de suivre la question algérienne aux Nations Unies, à travers lesquels la délégation espère parvenir à faire approuver par l'Assemblée Générale des Nations Unies une résolution reconnaissant à l'Algérie son droit à l'indépendance. 5- Détruire les allégations du colonialisme prétendant que les révolutionnaires sont des éléments n'ayant aucune relation avec le peuple. 6- Mettre les autorités coloniales en Algérie dans une position telle qu'elles réaliseront de façon définitive qu'elles sont confrontées à une révolution populaire et que quels que soient les moyens de répression et de destruction employés par elles, elles ne pourront pas lui barrer la route vers le recouvrement de la souveraineté nationale spoliée. Réactions françaises La grève débuta à l'heure prévue et engloba, dès le premier jour, toutes les régions du pays. En réponse à l'appel du Front de Libération Nationale, les Algériens sont restés chez eux et dans les villes, les différentes activités furent paralysées, à tel point que celles-ci ressemblaient à des villes mortes après que les locaux commerciaux furent fermés et désertés par les propriétaires. A propos du premier jour de grève à Alger, voici ce que rapporte un journaliste: « De ma vie, je n'ai jamais vu une ville sur laquelle plane le spectre de la mort en plein jour, comme c'est le cas pour la Casbah par la rareté des passants et l'horreur du calme profond qui pèse sur ses maisons comme si les habitants étaient plongés dans un profond sommeil. » (Agence américaine Associated Press) Concernant la proportion d'adhésion populaire au mouvement de grève, la presse étrangère et même française contemporaine de l'événement, dont l'Observateur, avance le chiffre de « 90% aussi bien dans les administrations que les services publics officiels tels que les services de la Poste, les chemins de fer ou les différents moyens de communication ainsi que les marchés publics centraux ou de vente au détail » Le colonialisme français a réagi en mobilisant d'importants moyens matériels et militaires et en recourant à tous les moyens les plus vils et les plus barbares pour faire échouer la grève. Ainsi l'administration coloniale commença par créer une fausse radio clandestine ayant pour nom « la voix de l'Algérie libre en lutte » pour contrefaire la radio « la voix de l'Algérie libre combattante ». Sur les ondes de cette radio, étaient diffusés des communiqués, des ordres et des contre-ordres fallacieux destinés à contrecarrer les ordres de l'Armée et du Front de Libération Nationale et à travers ses émissions, il était assuré que la grève n'était qu'un complot colonialiste qu'il fallait faire échouer. Parmi les mesures prises également par les autorités françaises, la distribution de faux tracts sur lesquels figurait l'image du drapeau algérien, en plus la diffusion de communiqués officiels menaçant les grévistes des pires sanctions. Outre ces mesures prises par l'administration coloniale, des milliers d'agents de l'ordre français patrouillaient continuellement dans les rues d'Alger et des autres villes du pays. Le quartier de la Casbah fut isolé des autres quartiers de la ville et des chars bloquèrent toutes les routes à l'extérieur de la ville. Par ailleurs, les avions jetaient des tracts invitant les habitants d'Alger à ne pas répondre à la grève et disant que ceux qui incitaient les gens à faire grève seront arrêtés. En dépit de ces menaces, mises en garde, actions de répression et malgré le siège, la grève avait néanmoins atteint les objectifs que s'était fixés le Front de Libération Nationale à travers son déclenchement. Résultats de la grève La grève de huit jours a atteint plusieurs objectifs parmi lesquels nous citerons : 1- L'adoption de façon unanime par le peuple et les masses urbaines en particulier de la revendication d'indépendance, ce qui constitue un coup dur porté à l'affirmation que l'Algérie est française, confirmant ainsi le principe d'une rupture définitive entre le système colonial français et les différentes catégories du peuple algérien. 2- La grève a constitué en quelque sorte un référendum à travers lequel le peuple a exprimé son attachement et sa confiance dans le Front et l'Armée de Libération Nationale en tant qu'unique représentant légitime, renforçant ainsi la position et l'audience du Front de Libération aussi bien au plan interne qu'externe. 3- La victoire politique sur le plan international visée par notre Révolution à travers un débat sur la question algérienne qui dura plus de dix jours et des recommandations démontrant que le problème algérien était l'un de ceux auxquels s'appliquent les principes de la Charte des Nations Unies relatifs au droit à l'autodétermination et demandant à la France de suivre cette direction pour sa solution.