Cent trois martyrs et des centaines de blessés seront dénombrés parmi les manifestants sauvagement réprimés par les forces coloniales. Un événement majeur, un tournant décisif de la guerre de Libération nationale. Preuve de leur impact considérable, les manifestations populaires du 11 Décembre 1960, imposantes et étendues à plusieurs régions d'Algérie (Alger, Oran, Constantine, Annaba, Sidi Bel Abbès, Chlef, Blida, Béjaïa, Tipasa…) ont, une semaine après, convaincu l'Assemblée générale des Nations unies de voter la fameuse résolution reconnaissant au peuple algérien son droit «à la libre détermination et à l'indépendance». Intervenant au lendemain de la visite du général de Gaulle en Algérie, dans un climat quasi insurrectionnel (grève générale et manifestation pro-Algérie française) entretenu, notamment par le Front de l'Algérie française (FAF), les manifestants pacifiques algériens avaient fermement rejeté le credo de «Algérie française» et scandaient : «Vive l'Algérie» ; «Algérie algérienne» ; «Algérie musulmane» ; «Vive Ferhat Abbas». Cent trois martyrs et des centaines de blessés seront dénombrés parmi les manifestants, sauvagement réprimés par les forces coloniales. Couverts par toute la presse internationale, les événements du 11 Décembre 1960 ont eu un écho considérable et constituent, d'après Daho Djerbal, historien et directeur de la revue Naqd, un «tournant historique» pour l'Algérie et confirmaient la crédibilité du FLN et de l'ALN comme uniques «représentants» légitimes de la nation et du peuple algérien. L'explosion populaire, spontanée à ses débuts avant qu'elle ne soit encadrée par le FLN, a aussi contribué au sauvetage de la Révolution minée par les divisions, asphyxiée par la politique du général de Gaulle, prônant d'un côté la «paix des braves» et de l'autre l'intensification des grandes opérations militaires dans les maquis. Une bouffée d'oxygène pour le mouvement de résistance algérien qui vivait, en ces temps-là, ses heures les plus incertaines et les plus sombres. «Sur le plan intérieur, les troupes françaises étaient partout, particulièrement dans les montagnes, emplacement de l'Armée de libération nationale affaiblie par le plan Challe (série de grandes opérations menées par l'armée française de 1959 à 1961, ndlr). L'armée française avait donc repris le contrôle des maquis et avait une position dominante. Les manifestations ont obligé l'état-major français à décider de contrôler les villes, devenues une menace. Ce qui a redonné vie à l'ALN et lui a redonné des forces» (interview de Daho Djerbal in El Watan Week-end du 10 décembre 2010). Presque deux mois après cette prodigieuse mobilisation des masses algériennes, le 8 février 1961, tombe le verdict du référendum pour l'autodétermination, largement en faveur de l'option d'indépendance portée de bout en bout par un «seul héros, le peuple».