Comme ses compatriotes, le massacre des dizaines de milliers d'Algériens le jour même de la victoire sur le nazisme, fut pour lui une tragédie. Dès 1946, Mohamed Boudiaf choisit la lutte clandestine pour la libération de son pays. Héros de la longue lutte du peuple algérien pour son indépendance, Mohamed Boudiaf est né en 1919 à M'sila, capitale du Hodna. Il était issu d'une famille de " grande tente " appauvrie par la colonisation, comme de nombreuses autres communautés nomades spécialisées dans l'élevage des moutons dans cette région des Hauts-Plateaux. Enrôlé dans l'armée française, il obtint le grade d'adjudant au cours de la deuxième Guerre mondiale. Comme de nombreux Algériens de sa génération, il a été nourri par le foisonnement des idées nationalistes écloses dans son pays à partir des années trente. Les massacres du 8 Mai 1945, perpétrés par l'administration coloniale le jour même de la victoire sur le nazisme où 45 000 Algériens périrent, furent pour lui, comme pour ses compatriotes, une tragédie. Dès 1946, il entra dans la clandestinité avec des compagnons comme Aït Ahmed, Ben Bella et Didouche Mourad. Il participa à la création de l'Organisation spéciale (OS), la branche armée du Parti du peuple algérien (PPA, interdit, issu lui-même du Mouvement pour le triomphe des libertés démocratiques, MTLD). Condamné par contumace en 1950, il retourne en France trois ans plus tard, où il deviendra l'un des responsables de la Fédération de France du MTLD). Au printemps 1954, de retour dans son pays, il fut l'un des fondateurs du Comité révolutionnaire d'unité et d'action (CRUA). Regroupant des militants du MTLD et du PPA, ce comité mit en route la préparation de la révolution. Durant l'été de cette année-là, les rencontres clandestines se multiplièrent. Fin juin, le déclenchement dans les plus brefs délais de la révolution algérienne fut décidé. Le 23 octobre 1954, à la Pointe-Pescade, non loin d'Alger, furent constitués le Front de libération nationale (FLN) et l'Armée de libération nationale (ALN). La guerre de Libération du peuple algérien fut déclenchée dans la nuit du 31 octobre au 1er novembre, avec pour objectif unique "la restauration de l'Etat algérien démocratique et social dans le cadre des préceptes islamiques". Le 22 octobre 1956, alors qu'il se trouvait à bord d'un avion en provenance du Maroc et devant se rendre à Tunis, Mohamed Boudiaf et quatre de ses compagnons, dont Ahmed Ben Bella et Hocine Aït Ahmed, furent victimes du premier acte de piraterie d'Etat de l'époque moderne. L'appareil fut détourné par la chasse française dans l'espace aérien international et contraint d'atterrir à Alger. Comme ses compagnons, Mohamed Boudiaf fut emprisonné en France. En septembre 1958, il est nommé par le FLN ministre d'Etat du gouvernement provisoire de la République algérienne, dont il devint le vice-président du Conseil en août 1961. Pour le FLN, il s'agissait, à l'époque, de manifester par cette décision que les détenus avaient tout pouvoir de négociation avec le gouvernement français et devaient, en conséquence, être libérés. Mais, comme ses quatre compagnons, il ne fut libéré qu'au printemps 1962, au lendemain du cessez-le-feu proclamé le 19 mars. Dès le lendemain de l'indépendance, des divergences politiques l'opposèrent à Ahmed Ben Bella devenu chef du nouvel Etat. Boudiaf réclamait alors la dissolution du FLN dont, la tâche s'est achevée avec la libération du pays. Il fonda son propre parti, le Parti de la révolution socialiste (PRS) et fut arrêté en juin 1963. Libéré en novembre de la même année, il s'exila au Maroc et anima à partir de ce pays le "secrétariat du collectif du PRS". Propriétaire dans ce pays d'une petite briqueterie dans la ville de Kenitra, il abandonne la direction du PRS en 1979 au lendemain de la mort du président Boumediene. Profondément inquiet de la montée du fanatisme islamiste, il accepta de revenir à Alger, le 16 janvier 1992 pour y assumer les fonctions de président du Haut comité d'Etat (HCE).