Au cours des dernières années, décrocher un emploi, retirer un document, fixer un rendez-vous dans un hôpital public ou s'accorder une audience auprès d'un responsable, est étroitement tributaire à l'étendue des connaissances qu'on peut avoir directement ou indirectement. « El-maârifa » (connaissance), est le terme le plus usité par la société pour définir ce phénomène. « El-maârifa », c'est connaître des personnes influentes, occupant des postes de responsabilité dans divers secteurs en passant du simple chef de service à l'état civil jusqu' au ministre. Dès le début des années 80, elle est devenue la clé de réussite qui ouvrira les portes du bonheur et des privilèges. Elle a déclassé toutes les normes morales tels le diplôme, la qualification, la compétence, l'ordre de mérite, la nécessité et même l'urgence. Comme elle a rendu des personnes, souvent anonymes, célèbres et bien placées dans la nomenklatura sociale, « El-maârifa » a détruit les rêves de beaucoup de personnes qui aspiraient à un rang social équivalent à leur talent, compétences et diplômes. Par conséquent, choisir de faire la lumière sur ce phénomène rétrograde coïncide avec la batterie des récentes mesures annoncées par l'Etat au profit des citoyens en général et la jeunesse en particulier. Ces mêmes mesures, censées atténuer un malaise profond qui couvait dans la société, a ouvert les portes à la ruée vers « El-maârifa ». Quel paradoxe ! Le rush vers les différentes administrations pour retirer un document ou déposer un dossier complique la vie à pas mal de gens qui préfèrent la voie aisée, celle de chercher «une connaissance » quelque part ou payer une commission sous la table. Beaucoup d'observateurs estiment que le phénomène est dangereux pour la société dans la mesure où il contribue au démantèlement des valeurs sociales à travers l'émergence d'une nouvelle classe de gens qui essaient de tout contrôler, surtout si elles n'ont pas les qualifications et les compétences opérationnelles. L'inquiétant, est la banalisation du phénomène à tel point que les intellectuels ; la sève de la société censée être à l'avant-garde du combat contre ces fléaux destructeurs ; recourent sans gêne à « El-maârifa » pour avoir un droit, sans tenir compte des conséquences graves qui en résultent. Il s'agit là d'une crise d'une société qui poursuit le modèle du gain facile et surtout rapide, parfois au détriment de la justice, de la solidarité ou même des valeurs éthiques les plus fondamentales. En observant notre société, on s'aperçoit que les valeurs telles la discipline, l'honnêteté, la rigueur, l'application et l'accomplissement du devoir sont de moins en moins honorées, tandis que l'égoïsme, le gain facile et le mépris de l'autre apparaissent au premier plan. Alors, une société sans mémoire, sans racines et sans valeurs n'a pas d'avenir quelles que soient les richesses qu'elle détient.