Outre le recours à l'intermédiation bancaire et la collecte des ressources à travers l'appel à l'épargne sous forme d'emprunt obligataire, la souscription de nouvelles actions constitue un canal privilégié pour les sociétés de capitaux en quête d'équilibre financier ou tendant vers une croissance externe. Ce dernier procédé connu communément sous l'appellation de finance directe présente l'avantage de la souplesse et de la rapidité d'obtention des ressources nécessaires et parfois indispensables. En fait, l'orthodoxie financière préconisée par certaines banques par le biais de la gestion rigoureuse du risque – crédit, les fait se retrancher assez souvent derrière les "remparts" des règles prudentielles en conditionnant l'emprunt à des gages/hypothèques dépassant parfois le patrimoine de la société et de tous les associés réunis. En alternative, les dirigeants en place font appel aux opérateurs qui recèlent une épargne excédentaire à l'effet de souscrire au capital de leur corporation. Néanmoins, ces premiers doivent accepter de sacrifier une partie de leur souveraineté et de leur influence qui profitera aux nouveaux souscripteurs dont la consistance des apports déterminera la nouvelle configuration du capital social. Sous une autre optique, en l'occurrence celle des épargnants, le choix du placement de leurs deniers dans des obligations ou des actions est défini par l'évaluation du risque et la perspective de gains futurs. En effet, la souscription d'obligations n'intègre pas les souscripteurs dans le cercle de la propriété et de la décision mais leur garantit le remboursement de leurs mises et le payement d'intérêts en fonction de la période de placement. En revanche, l'attribution de nouvelles actions confère aux nouveaux actionnaires toutes les prérogatives dues aux "anciens". De ce fait, ils gagent leurs mises sans assurance de remboursement mais avec une probabilité plus étendue de voir leurs apports prendre de la valeur à terme. Sachant que la valeur de l'action occupe une place centrale dans le mécanisme de fonctionnement de la société de capitaux, nous allons tenter de faire "l'inventaire" des différentes approches autour de cette valeur via une démarche fondamentalement pédagogique d'autant que certains actionnaires n'ont pas toujours une vision transparente de ce que vaut leur participation qui pourtant peut faire leur richesse ou au contraire précipiter leur infortune. L'action est donc le titre représentatif d'une fraction du capital des sociétés par actions et des sociétés en commandite par actions. Dans les sociétés de personnes (SNC, Société en commandite simple) et les sociétés hybrides (Sarl et Eurl), on s'exprime en termes de parts sociales. L'obligation faite aux actionnaires de modifier les statuts de leurs sociétés suivant la forme authentique est dictée par le principe de fixité du capital, celui-ci incarnant la garantie envers les tiers. La valeur de l'action est donc censée être stable. Toutefois, plusieurs évènements et faits économiques peuvent entraîner la variation de la valeur nominale de l'action appelée également valeur faciale pour des raisons historiques (le montant de l'action était inscrit sur le document qui la matérialisait autrefois). A présent, passons en revue les autres valeurs. La valeur comptable : appelée aussi valeur bilancielle ou encore valeur mathématique, celle-ci s'obtient très facilement, comme son nom le laisse entendre, à partir du bilan de la société à une date donnée. Les éléments du patrimoine sont donc figés (ne dit-on pas à ce propos que le bilan représente une photographie de l'entreprise ?) pour distinguer ce qui appartient en propre aux actionnaires d'une part et les fonds étrangers (ou passif exigible) d'autre part. La valeur comptable est alors le quotient des fonds propres (ou de l'actif total diminué des dettes et de l'actif fictif) par le nombre d'actions détenues tel que défini par les statuts. Il est utile de souligner que les fonds propres sont également obtenus par la sommation du capital social, des primes d'émission, de toutes sortes de réserves, des provisions, des écarts de réévaluation et des résultas n'ayant reçu aucune affectation définitive à la date de l'évaluation. La valeur intrinsèque : Le même raisonnement doit être suivi pour déterminer la valeur intrinsèque de l'action. Toutefois au lieu et place des valeurs comptables de l'actif, il convient de retenir les valeurs réelles ou approchées en retenant les prix du marché ou la valeur actualisée par exemple. La prise en considération de valeurs autres que celles puisées du bilan conduit à la rectification de l'actif net et entraîne par voie de conséquence (partie double oblige !) l'inscription des plus-values et des moins-values latentes dégagées dans la classe des fonds propres. Il est souligné au passage que la réévaluation des éléments de l'actif porte essentiellement sur les immobilisations corporelles (lire sur ce thème les articles publiés par Ali Hadj Ali durant les mois de septembre et octobre passés sur les colonnes de ce même journal). S'agissant des valeurs de l'actif circulant, celles-ci peuvent être appréhendées par l'ajustement des provisions lorsque celles enregistrées en comptabilité s'avèrent insuffisantes. Enfin, il est fait remarquer que le système comptable d'entreprise (SCE) qui vient d'être adopté et qui devra tenir lieu de nouveau plan comptable à partir de 2009 apporte une amélioration qualitative en la matière puisqu'il introduit en plus de la valeur historique, reconnue au demeurant comme la règle générale, d'autres concepts en l'occurrence la valeur vénale, la valeur actuelle et la valeur actualisée ; notions consacrées, il est vrai, par le principe de prééminence de la réalité économique sur l'apparence juridique. La valeur financière : Peu utilisée, cette valeur repose sur le principe de la détermination du " prix potentiel " de l'action qui à un taux de capitalisation donné (généralement un peu plus élevé que le taux applicable aux obligations), procurerait à un épargnant un revenu égal au dividende attendu. Elle s'obtient en divisant le dividende en question par le taux de capitalisation fixé au préalable. Ce calcul permet d'orienter le choix d'un épargnant d'acquérir des actions d'une société donnée. Lorsqu'on rajoute au dividende le montant probable afférent aux bénéfices non distribués, (donc les réserves), la valeur de l'action est dite de rendement. La valeur boursière : Réservée aux sociétés cotées, cette valeur constitue plus un indicateur financier q'une valeur reflétant la réalité comptable. Elle est pourtant largement utilisée sur les places boursières. En effet, incluant des phénomènes subjectifs tels que les facteurs psychologiques et les prévisions, la valeur boursière s'écarte souvent de la valeur d'émission de l'action et c'est pourtant "à hauteur" de cette première que les titres sont échangés sur les marchés boursiers. Ainsi, Philip Kotler nous donne l'exemple de la firme America Online (AOL) dont la capitalisation boursière valait en 1999, trente-trois (33) fois la valeur de son actif net. Cette survaleur exceptionnelle est due à l'image de marque de la société, à son savoir-faire et à sa capacité d'engranger des profits. Elle est prise en charge sur le plan comptable au moyen d'un agrégat assez récent dans notre vocabulaire financier : le goodwill dont la détermination est énoncée par la norme IFRS 3 de 2004 relative aux regroupements d'entreprises. Par ailleurs, pour déterminer la valeur boursière, les analystes recourent à la technique des indices boursiers dont le plus connu est l'indice PER (Price Earning Ratio) qui consiste à déterminer le quotient du prix de marché du titre par le bénéfice d'une action ; ce qui revient schématiquement à dire qu'une action vaut n fois son bénéfice annuel. Conclusion A la lumière des éclaircissements développés sur ce propos, il apparaît que la connaissance, voire la maîtrise des mécanismes régissant la technique d'évaluation des actions est primordiale à la fois pour le dirigeant, le comptable et le financier ; notamment à l'occasion de certains évènements majeurs qui peuvent intervenir dans la vie de la société tels que l'augmentation de capital, la cession de tout ou partie du capital ainsi que les opérations de fusion ou d'absorption. Notons enfin que les deux premières valeurs abordées sont du domaine de compétence des comptables tandis que les deux dernières concernent beaucoup plus les financiers qui doivent examiner, analyser et extrapoler la valeur de l'entreprise à même de lui assurer une parfaite tenue de route et de lui éviter de malencontreux dérapages. [email protected] L'auteur est Ancien élève de l'INF de Koléa Tipaza Bibliographie : Pierre MEVELLEC et Guy ROCHERY, 1990 Eléments fondamentaux de comptabilité. Librairie Vuibert, Paris Elie COHEN, 1996 Dictionnaire de gestion- Publications Universitaires de France. Gérard MELYON et Bernard REBOUH, 2002 Comptabilité des sociétés commerciales. Editions Bréal, Paris Philip KOTLER, 2003 Les clefs du Marketing, Pearson Education France, Paris Ali Hadj Ali, 2007 El Watan Economie du 17 et 24 septembre et du 1er et 8 octobre.