Le processus de réforme politique fortement débattu a commencé dans la capitale la semaine dernière, où plusieurs leaders politiques ont rencontré le président du sénat, président de la commission des réformes Abdelkader Bensalah pour lui soumettre leurs idées. Seulement depuis le début de ses consultations, un sujet important n'a toujours pas été abordé ouvertement : le rôle de l'armée après les réformes démocratiques promises par le chef de l'Etat. Certes, officiellement, l'armée est retournée dans les casernes depuis longtemps. Le président Bouteflika lui même l'a affirmé à des officiels au cours d'entretiens à Alger.Dans le cadre de la commission sur les réformes politiques, un militaire, le général major Mohamed Touati a été désigné pour seconder Abdelkader Bensalah aux côtés d'un proche conseiller du président de la République. Même si le général Touati n'est plus tout à fait proche du commandement actuel de l'armée, sa désignation illustre la volonté du président Bouteflika d'associer même symboliquement la hiérarchie militaire au processus de réformes annoncées. « Ils (les militaires, ndlr) ne pourront pas dire qu'ils n'étaient pas au courant. Ils peuvent faire passer leurs messages durant les consultations ou émettre des réserves sur des propositions qui sont formulées », expliquait un spécialiste.Autre signe de la volonté du président Bouteflika d'impliquer les militaires : jeudi, Farouk Ksentini, président de la Commission nationale consultative de promotion et protection des droits de l'Homme (CNCPPDH), a proposé que l'ANP soit désignée « gardienne » de la future Constitution, dont le garant restera toujours le président de la République. Cette proposition, a déjà été formulée en 1996, avant la révision de la Constitution. Mais elle a été rejetée par l'armée, sans doute soucieuse de garder l'image d'une institution officiellement éloignée de la politique.Mais, comme le souligne Mohamed Chafik Mesbah, politologue et bon connaisseur de l'armée, « le contexte national et international a évolué. Il n'est pas impossible que le Chef de l'Etat, lui même, ait fait évoluer sa position pour prévenir une irruption inconsidérée de l'armée sur la scène politique en associant ses chefs au processus de réformes qu'il annonce ». D'autant que, précise-t-il, « le modèle turc, déjà adoubé par les USA, jouit d'une image positive dans les opinions publiques arabes ». Or, la perspective d'une transition démocratique sérieuse en Algérie peut difficilement être envisagée sans associer les islamistes, y compris probablement ceux de l'ex FIS dans le cadre d'un projet d'amnistie générale souhaitée par le chef de l'Etat. Pour éviter de rééditer un scénario semblable à celui de 1991, l'armée pourrait être malgré elle être contrainte à revenir officiellement et publiquement dans la politique, avec le statut de « garante » de la Constitution. Reste à savoir, ce que ce statut va contenir. Les partis de l'opposition qui boycottent les négociations Les partis de l'opposition qualifient ce processus de "cirque politique". Ce processus a été marqué par la controverse, avec des partis de l'opposition qui boycottent ces négociations tandis que d'autres dénoncent l'exclusion des représentants syndicaux et des militants de la société civile. "Ce qui est demandé aujourd'hui, ce n'est pas d'agir dans la précipitation pour résorber la colère de la rue, mais d'œuvrer pour trouver des solutions radicales aux exigences du peuple, au lieu d'aller vers des solutions de replâtrage", a déclaré Mohamed Saïd, ancien candidat malheureux à la présidence. Ces consultations incluent un certain nombre d'anciennes hautes personnalités politiques, comme l'ancien Président Chadli Benjedid, l'ancien président du Haut comité d'Etat Ali Kafi, l'ancien ministre de la Défense Khaled Nezzar, et les anciens Premiers ministres Mouloud Hamrouche, Ali Benflis, Sid Ahmed Ghozali, Mokdad Sifi et Smail Hamdani. Certains partis de l'opposition ont qualifié ce processus de manoeuvre politique destinée à apaiser les tensions sociales. L'ancien Premier ministre Sid Ahmed Ghozali, qui a rencontré la commission des réformes samedi 22 mai, a déclaré soupçonner le gouvernement de vouloir "priver les Algériens de leurs droits de manière légale, après l'avoir fait de manière illégale depuis quelque temps" a-t-il expliqué aux journalistes. Le Front des forces socialistes (FFS) a qualifié pour sa part ces discussions de "cirque politique". "Il est impératif de nettoyer le paysage politique de ces gens, venus dans un contexte d'état d'urgence et de violence", a déclaré Karim Tabou lors d'une réunion publique dans la banlieue algéroise d'El Harrach. "Toute participation à ces élucubrations serait synonyme de complicité du remaniement et du détournement de la volonté du peuple", a expliqué un communiqué du Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD) de Said Saidi. Les partis membre de la coalition présidentielle se sont quant à eux exprimés en faveur de ce processus. "Notre parti a mis en place trois groupes de travail pour plancher sur des propositions politiques que nous soumettrons à cette commission", a déclaré Miloud Chorfi, le porte-parole du Rassemblement national démocratique (RND).