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La douloureuse histoire des Algériens de Nouvelle-Calédonie
Publié dans Réflexion le 30 - 11 - 2011

L'histoire de la communauté algérienne de Nouvelle-Calédonie demeure méconnue. Ils sont pourtant nombreux, ces Algériens déportés dans le Pacifique à la fin du 19e siècle sur cette terre lointaine qu'ils nommaient "Caledoun". Dans le cadre de l'année des Outre-mer en France, l'exposition « Caledoun, Arabes et Berbères de Nouvelle-Calédonie d'hier à aujourd'hui » leur rend hommage pendant trois jours à l'Institut du monde arabe (IMA) de Paris (du 29 novembre au 1er décembre). L'occasion de revenir sur une épopée trop mal enseignée, voire taboue.
Qui se souvient en effet de l'histoire de ces déportés qui ont pris racine sur ce "Caillou", à plus de 20 000 kilomètres de leur pays natal ? A partir de 1873, deux mille Nord-Africains seront déportés en Nouvelle-Calédonie. Certains avaient participé à l'insurrection initiée en 1871 en Kabylie par Mohamed El Mokrani, tombé au champ d'honneur à Oued Soufflat. Ils s'insurgeaient alors contre le remplacement de l'autorité militaire par des civils et l'obtention par les Juifs algériens de la nationalité française. Beaucoup périrent durant leur déportation, aux côtés de Communards parisiens qui subirent le même sort. La relégation sur le Caillou fut une façon, pour les autorités coloniales de l'époque, de vider l'Algérie des "fauteurs de troubles". Une manière, aussi, d'asseoir leur présence dans le Pacifique, sur cette île proclamée territoire français en septembre 1853 par l'amiral Febvrier Despointes. La très puissante administration pénitentiaire française de Calédonie a ainsi attribué des terres à ces Algériens en fin de peine et à ceux bénéficiant de l'amnistie de 1895, en vue de maintenir leur présence et de leur assurer une descendance. Mais les bagnards arabes et berbères n'avaient pas eu le droit de faire venir leur famille. Les autorités françaises ont fait le tour des prisons de femmes de métropole en leur proposant d'épouser des prisonniers calédoniens en échange d'une remise de peine. Ainsi furent scellées des centaines d'unions métisses. Plus tard, les descendants ont tenté de préserver ce qui restait de leur culture en se mariant entre eux.
La reconnaissance
d'un destin commun
L'Association des Arabes et amis des Arabes de Nouvelle-Calédonie est créée en 1969. La grande majorité réside aujourd'hui dans la vallée de Nessadiou et à Bourail, une petite ville proche de cette vallée, région où se trouve le cimetière musulman, symbole de l'implantation arabe et lieu de mémoire. Et ce n'est qu'en 1984 que l'historien algérien Seddik Touati découvre leur histoire et organise, deux ans plus tard, le premier voyage de leurs descendants en Algérie. Parmi eux, Taïeb Aïfa, aujourd'hui maire de Bourail. En visite en Algérie la semaine dernière pour la sixième fois, il participera cette semaine à une conférence débat en marge de l'exposition de l'IMA. « J'ai eu la chance d'avoir un poste politique et d'être connu, ce qui m'a facilité la tâche. Grâce à cela j'ai eu des relations épistolaires avec un petit-neveu. Je l'avais retrouvé en 1983, suite à un article de presse sur moi diffusé en Algérie », explique t il au quotidien Les Nouvelles Calédoniennes. Taïeb Aïfa a gardé des liens très forts avec son pays d'origine, notamment à travers les terres de son père dont la famille est toujours propriétaire. L'exposition de l'IMA représente pour lui « la reconnaissance d'un destin commun ». Rappelant que la communauté arabe et berbère est aujourd'hui bien intégrée en Nouvelle-Calédonie, il salue la proposition de la Kanake Déwé Gorodey, à l'initiative de l'exposition parisienne. Un destin commun soudé autour des conditions de vie difficiles, vécues de la même façon par les Arabes et les Berbères : « En Nouvelle-Calédonie, nous n'avons jamais voulu faire de différence entre Arabes et Berbères, car nous avons subi le même sort, alors qu'en Algérie il y a toujours des oppositions. Nous avons tous connu la misère et nous avons dû nous battre, peut-être plus que les autres, parce que nous portions des noms nord-africains », souligne t il. Petit à petit, les Algériens du Pacifique et leurs descendants se sont réapproprié leur histoire. La télévision algérienne s'est même rendue en Nouvelle-Calédonie en 2000 pour y tourner une série de reportages diffusés en prime time. Un succès, couronné par l'envoi de milliers de lettres d'Algériens à leurs cousins du Caillou.


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