C'est hier, après la prière du asr que le défunt cheikh Dehah Abdelkader a été inhumé à Kharrouba, siège de la zaouïa, en présence des autorités locales, du président de l'association des zaouïas d'Algérie, le Dr Mahmoud Chaâlal et du maître incontesté de l'apprentissage moderne du saint Coran, le professeur Mekki Hadj Salah. Depuis 1966, le cheikh Hadj Abdelkader Dehah s'est vu confier, à la mort de son père, la direction de la zaouïa Bouzidia, sise à l'Est de Mostaganem et précisément à la cité Kharrouba. Le Cheikh n'avait alors que 18 ans. Et depuis la zaouïa a fait du chemin pour devenir une école coranique moderne et des plus prisées du pays. Reconnaissant envers la bénédiction d'Allah et envers les donateurs, le cheikh n'a jamais cherché après les ressources qui font que sa zaouïa soit gérée de façon à satisfaire aussi bien celui qui ne fait que transiter que celui qui y demeurait pour apprendre le saint Coran. Sa plus grande préoccupation n'était autre que le livre saint et le dhikr. Patriote convaincu, il ne cessa de dénoncer sa vie durant l'emprise de la pensée occidentale sur les jeunes et moins jeunes dont certains qui se disent de son bord, soit les cheikhs zaouïas qui furent un rempart au colonialisme. Et pourtant, le Cheikh était pour la modernité. Une modernité raisonnée. Ainsi, il pouvait s'adresser à ses ouailles aussi bien dans un arabe « haut de gamme » dans une mosquée que dans la langue de Molière autour d'une crème glacée avec des jeunes à telle enseigne qu'il convertit à l'Islam, par un jour d'été 2007, une cinquantenaire venue de Suède, pour se délecter de mer et de soleil, par la simple équation de la répartition divine des âmes dans les corps de ces faibles humains. « L'incident » laissa ébahi le couple accompagnateur et particulièrement sur le choix de la dame à s'adresser à l'imposant Cheikh, qu'elle n'a jamais vu auparavant, parmi tant de gens qui déambulaient dans la fraîcheur de cette nuit d'été. Chez le Cheikh, l'encyclopédique érudit, passent dans son discours aussi bien les théologiens musulmans que Marx, Voltaire, la franc-maçonnerie ou de la Pachamama. Mais aussi, il s'enquiert de ceux qu'il aime dont les Hararta de Zemmora qu'il voulait voir rayonner comme le furent leurs aînés. L'amour qu'il portait à autrui lui était si bien rendu. Le cheikh s'est éteint, avant-hier dans la nuit de samedi à dimanche, à l'âge de 64 ans alors qu'il avait tant à donner. Le défunt a laissé derrière lui une œuvre capitale sous le titre attrayant de « Edhaya' ellamiâ fi taârif menbaâ ennour essatiâ » qui est reconnue comme une réponse à la pensée rétrograde.