Ça y est ! C'est cuit pour Sidna Ramdhane, on vient d'entamer la seconde mi-temps ! Au souk, plus personne ne pleure des prix qui ont flambé, ni des commerçants qui volent. La foule ne s'agglutine plus autour des étals des fruits et des légumes. On ne s'occupe plus du marchand d'épices et de cumin. L'heure profite plutôt à celui du vêtement. Partout, les agressions ont explosé. Les pickpockets travaillent d'arrache-pied, en attendant de redoubler d'efforts d'ici l'aïd. Ramdhane vient, va, et revient. Les mœurs s'improvisent, se propagent, et s'ancrent dans la culture ramadhanesque. Le constat est national : Quand Ramdhane est, ni la mesure ni la démesure n'y sont. C'est acquis et le refrain a été appris : Ramdhane s'énonce toujours par une flambée généralisée des prix, avec une fièvre des emplettes du ventre d'abord, de l'habit, et enfin du gâteau. A l'occasion, le vizir du mercantilisme a étalé à la Une de l'Unique de son Etat son meilleur plan d'attaque contre les folies de Ramdhane, et les coupures de Sonelgaz aux boulangers. Il a promis les pois chiches que les méchants spéculateurs attendent de pied ferme, stocks clandestins grand-ouverts. Comme promis, tous les Benbada locaux ont été lâchés à l'assaut du marché, nous a-t-on dit. Tout comme a été actionné la manette des appendices corporatifs de protection du consommateur. Fidèles, ils ont sensibilisé les intestins afin d'ingurgiter moins. Ils ont appelé à ne pas acheter la viande qui brûle, mais qui les a écouté ? Les boyaux ont fait comme si de rien n'était. Ramadhan oblige, on achète, on bouffe et on dépense tous azimuts. Au marché, tout a marché, bien et par excès ! Non seulement tout marche, mais aussi, tout et tous volent, avec ou sans ailes, tous vendent et revendent, achètent, rachètent, et pourquoi pas, rackettent, tous marchandent et arnaquent, et épluchent leurs frères, avec ou sans l'intention ou le dessein, tout et tous agressent, avec l'œil, si ce n'est avec l'arme blanche. A l'instar des autres, on squatte un morceau de trottoir, un bout de chaussée, ou la fenêtre d'une rue commerçante. On y expose quelque chose et on demande son prix. Il y aura toujours preneur. Même pour le vent. Comestible, toxique, fade, nocif, juteux, laxatif, taré en poids, cancérigène à long terme, périmé, immature, pourri, volé ou maraudé, beau, frais, fardé, chauffé ou réchauffé, congelé à l'air libre, fané, frelaté, importé ou made in chez-nous, contrefait, vous n'êtes pas Maman l'Etat. Donc, vous n'avez pas à contrôler, ni le produit, ni son vendeur. Vous avez vos yeux, vous pouvez apprécier avec, vous palpez si vous voulez, et vous achetez ou laissez. Il y aura toujours quelqu'un qui tendra le cou. Et le monde, aveuglement mû par son ventre, achète et rachète, en serinant que les prix sont insupportables. Sans cesse, on consomme, déguste, approuve, réprouve ou jette à la poubelle. Excrète ou va encombrer les urgences, en injuriant l'Etat, si ce n'est Bouteflika, qui ne contrôle rien au souk. ‘'Ils ne volent pas, et ils ne demandent pas la charité. Ils commercent, et le commerce est halal ! N'est-ce pas meilleure occupation que d'aller voler ?'', vous diront ceux qui profitent de l'Etat absent et de la débandade nationale. Dans son élan fou, l'instinct de la bouffe oculaire, emporte tout sur son passage. Demain, ou l'an prochain, le sinistre spectacle national de scènes de famine, s'offrira de nouveau. Vous savez pourquoi.