La commune de Mers El-Kébir est en proie à une prolifération, sans précédent, de constructions illicites et au détournement des terres agricoles de leur vocation à des fins personnelles, donnant lieu à un phénomène d'urbanisation des plus sauvages. Autant dire que la bidonvilisation est en train de gangrener le tissu de cette localité, devant un silence pour le moins déconcertant des autorités locales qui ne daignent pas lever le petit doigt pour arrêter ce massacre grandeur nature. Chaque année, voire chaque mois, les camps de baraquements dévorent des pans entiers du foncier, donnant lieu à une clochardisation sauvage de la ville, au sens propre du terme. Même le foncier agricole - du moins ce qui est enregistré, en tant que tel, sur les registres cadastraux - n'a pas échappé à cette expansion effrénée des constructions «sans papiers». L'exemple le plus édifiant en est l'ancienne ferme communément appelée «Boudjrada», située à cheval entre les cités de Haï Ezohour (ex-Roseville) et Hansali (ex-Long Champs), à un vol d'oiseau du jadis quartier résidentiel huppé de Sainte Clotilde. Il y a quelques jours, en retournant sur les lieux, près de quarante ans plus tard, un groupe de pieds noirs, dont une famille qui habitait dans le voisinage immédiat de cette ferme, n'ont pas cru leurs yeux et ont décidé de s'en aller aussitôt, déçus, chagrinés par le piteux état du site. Du paysage paradisiaque dominé, de part en part par des jardins potagers verdoyants, à perte de vue, ornés, ça et là, d'une sympathique mosaïque de maisons végétales et d'allées ombrées par les lignes de cyprès et de chênes de ces terres-là où il faisait bon s'allonger sur l'herbe, un livre à la main, il ne reste plus rien, sinon que des vestiges, que des souvenirs... Or, l'état des lieux ne se limite pas au sentiment de nostalgie, au regret de la chose révolue. Le mal est bien pire. Peu à peu, inexorablement, le site est en train de se métamorphoser en un bidonville tentaculaire, une toile d'araignée de sordides maisons de fortune, en zinc et parpaing. Un «trou noir» qui engloutit chaque jour un mètre carré de son entourage vacant. Des conduites d'eaux usées déversant dans la nature, des fosses septiques à ciel ouvert, des bergeries grossièrement construites avec des tas de ferrailles et des troncs d'arbres pillés de la forêt bordant la route menant au Fort de Santa Cruz, des remises et autres hangars bricolés pour l'élevage et l'abattage clandestins des poulets... Bref, le paysage donne des haut-le-cœur. Tolérance outre mesure de la part de l'APC aidant, le cantonnement ne cesse de grandir dans les quatre points cardinaux, au grand dam des riverains qui en subissent tous les désagréments que l'on puisse imaginer. Les pétitions de ceux-ci, leurs lettres de dénonciation adressées aux autorités locales restent sans échos jusqu'ici. Pis, alors que la population locale s'attendait à une vive réaction des autorités à coups d'arrêtés de démolition, nombre parmi les indus occupants du site ont réussi à obtenir par des voies machiavéliques, la régularisation de leur bâti illicite.