La directrice générale du Fonds monétaire international, Christine Lagarde, s'est présentée jeudi à Paris devant la Cour de justice de la République pour une audition cruciale sur son rôle dans un arbitrage litigieux, qui pourrait lui valoir une mise en examen (inculpation). L'arbitrage de 2008 pour lequel elle a été convoquée avait permis à l'homme d'affaires Bernard Tapie d'empocher 400 millions d'euros lors du règlement d'un différend entre ce dernier et une banque publique française. Une inculpation fragiliserait considérablement la position de celle qui a succédé en juillet 2011 à la tête du FMI à son compatriote Dominique Strauss-Kahn, contraint à la démission après une accusation de viol à New York. Christine Lagarde ne serait toutefois pas légalement tenue de démissionner de son poste. Elle est convoquée par la justice en tant qu'ex-ministre française et non en qualité de patronne du FMI. Depuis mars, le FMI se refuse à tout commentaire. Dans un communiqué, il avait alors indiqué que son conseil d'administration, qui représente les 188 membres, réitérait sa confiance dans les capacités de Mme Lagarde, première femme à occuper le poste, à assumer efficacement ses fonctions. Pour le gouvernement socialiste français, la Justice doit faire son oeuvre. Pour le moment, il y a un soutien à Mme Lagarde dans la responsabilité actuelle qu'elle a au FMI, a déclaré jeudi à Radio France Internationale le ministre aux Affaires européennes, Thierry Repentin. Ministre de l'économie de 2007 à 2011 sous la présidence de Nicolas Sarkozy, Christine Lagarde est la cible d'une enquête pour complicité de faux et de détournement de fonds publics, visant son choix de recourir à cette époque à un arbitrage privé pour solder un vieux contentieux entre l'ex-banque publique Crédit lyonnais et Bernard Tapie sur le rachat d'Adidas. Lors de son audition, qui pourrait durer deux jours, elle doit expliquer ses choix à la Cour de justice de la République (CJR), juridiction compétente pour juger les infractions commises par les ministres dans l'exercice de leurs fonctions. Mme Lagarde aura ainsi enfin l'occasion d'apporter pour la première fois à la Commission (d'instruction de la CJR) les explications et précisions qui l'exonèrent de toute responsabilité pénale, estimait récemment son avocat, Yves Repiquet. En septembre 2008, Christine Lagarde s'était déjà longuement expliquée sur le recours à un tribunal arbitral qui a condamné le Consortium de réalisation (CDR), structure publique gérant le passif du Crédit lyonnais après sa quasi-faillite des années 1990, à verser à M. Tapie 285 millions d'euros d'indemnités (400 millions avec les intérêts). L'ancienne ministre a toujours justifié l'arbitrage par la volonté de mettre fin à une procédure, selon elle longue et coûteuse. Elle avait démenti avoir agi sur ordre de Nicolas Sarkozy, qui aurait voulu ainsi obtenir le soutien de Bernard Tapie, ex-ministre de gauche dans les années 1990 et ex-président du club de football de Marseille (sud), champion d'Europe en 1993. Fin janvier, la directrice du FMI avait réaffirmé que ce choix était la meilleure solution à l'époque. Pourtant il a été largement contesté et au printemps 2011 le procureur général de la Cour de cassation, Jean-Louis Nadal, n'avait pas épargné Mme Lagarde lors de la saisie de la CJR. Il lui reprochait notamment d'avoir recouru à un arbitrage privé alors qu'il s'agissait de deniers publics, d'avoir eu connaissance de la partialité de certains juges arbitres et d'avoir fait modifier le protocole initial pour y intégrer la notion de préjudice moral, ce qui avait permis aux époux Tapie de toucher 45 millions d'euros. La Commission des requêtes de la Cour de justice de la République, en décidant de l'ouverture d'une enquête en août 2011, avait elle-même évoqué un processus comportant de nombreuses anomalies et irrégularités.