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Lettre ouverte au secrétaire général de l'UGTA
Publié dans Réflexion le 09 - 06 - 2013

En ce XXIème siècle, la règle des 49/51% généralisable à tous les secteurs privilégies non l'efficacité économique mais des idéologies utopiques dépassées.
Le Secrétaire général de l'organisation syndicale algérienne l'UGTA, appendice du système rentier, en déclin, se substituant au gouvernement vient de déclarer fin mai 2013 que la règle des 49/51% pour tous les secteurs stratégiques et non stratégiques est irréversible, alors que toute situation implique adaptation. Comment ne pas rappeler que la Chine et la Russie fondateurs du communisme, très pragmatiques, vont vers une économie de marché maîtrisée, alors que l'Algérie, est en transition depuis 1986, n'étant ni une économie étatisée, ni une économie de marché productive, expliquant les difficultés de régulations économique, sociale et politique. Or, nous sommes dans un monde en perpétuel mouvement et l 'erreur de la mentalité bureaucratique est à la fois de pondre une loi pour essayer vainement de résoudre chaque problème et de croire que l'Algérie vit dans un désert.
1.-L'Algérie de 2013 : une économie sous perfusion de la rente
Après plus de 50 années d'indépendance politique, l'Algérie, en ce mois de juin 2O13, n' a pas d'économie productive dominante, excepté quelques rares individualités. Rappelons que cette règle avait été adoptée au moment de la crise financière mondiale d'octobre 2008 et que cela n'a ni permis de dynamiser la valeur ajoutée interne, ni d'attirer des investisseurs hors hydrocarbures, ni de diminuer les importations et encore moins de freiner la corruption. totalement rentière, tertiaire (83% du tissu économique consiste en commerce et petits services selon l'ONS). Plus de 90% du tissu industriel est constitué de PMI/PME organisées sur des structures familiales. On peut démontrer facilement que le taux de croissance officiel hors hydrocarbures de 5/6% a été permis pour 80% par la dépense publique via les hydrocarbures. En 2013, Sonatrach c'est l'Algérie et l'Algérie c'est Sonatrach. La société réalise 98% d'exportation d'hydrocarbures état brut et semi brut (gaz et pétrole) et importe 70-75% des besoins des ménages et des entreprises publiques et privées. Sonatrach a engrangé selon ses bilans financiers de 2000 à juin 2012, 560 milliards de dollars et va vers les 600 milliards de dollars fin 2012. Cela a permis d'augmenter les réserves de change estimées à 56 milliards de dollars en 2005 à 188 milliards de dollars fin 2011, 200 milliards de dollars fin 2012 selon le FMI non inclus les 173 tonnes d'or. Cette richesse virtuelle alimente une dépense publique sans précédent depuis l'indépendance politique. . Pour la période récente de 2000 à 2014, la prévision était de elle est passée de 200 milliards de dollars. Il n'existe pas de proportionnalité entre cette importante dépense publique et les impacts économiques, le taux de croissance 2000/2011 n'ayant pas dépassé en moyenne 3% alors qu'il aurait dû être de plus de 10%. La rente, toujours la rente avec la hantise de l'épuisement.
2.-La règle des 49/51% correspond-elle à une logique économique ?
La nouvelle loi des hydrocarbures maintient la règle des 51-49% attribue à l'entreprise nationale Sonatrach le droit exclusif en matière de transport d'hydrocarbures par canalisations et lui garantit la majorité dans les partenariats, aussi bien dans la production que dans la transformation des hydrocarbures. Seule nouveauté de la loi, la modification de la taxation des superprofits au-delà de 30 dollars dans l'actuelle loi qui ne répondait plus à la situation actuelle du marché où le cours dépasse les 90/100 dollars depuis plus de deux années. L'annonce d'un assouplissement fiscal était nécessaire, l'Algérie n'étant pas seule sur le marché mondial face aux importantes mutations énergétiques qui s'annoncent, mais face à des concurrents qui veulent attirer les compagnies. Ces dégrèvements de taxes ne s'appliquant qu'aux nouveaux gisements et non aux exploitations actuelles, posent d'ailleurs le problème du dualisme fiscal, potentiellement décourageant pour ceux qui opèrent déjà Si pour l'amont gazier et pétrolier pour les grands gisements la règle des 49/51% peut être applicable, pour les gisements marginaux, cette règle risque de n'attirer que peu d'investisseurs sérieux. La non soumission des grandes compagnies ces dernières années, Sonatrach supportant toute seule dorénavant les surcoûts notamment au niveau des canalisations dont le taux de profit est inférieur à 30% environ par rapport à l'amont, , doit être méditée. Egalement, il ne faut pas s'attendre à un flux d'investissement étranger avec la règle des 49/51% pour la prospection dans l'offshore et surtout le gaz non conventionnel qui requiert des techniques de pointe à travers le forage horizontal maîtrisé par quelques firmes. D' ailleurs, en Algérie un débat national s'impose du fait des risques de pollution des nappes phréatiques au Sud du pays, un milliard de mètres cubes gazeux nécessitant 1 million de mètres cubes d'eau douce, sans compter la durée courte de la vie de ces gisements environ 5 années dont 20% de récupération contre 85% pour le gaz conventionnel , plusieurs centaines de puits moyens pour un milliard de mètres cubes gazeux et les confits avec des pays riverains se partageant cette nappe dont le Maroc, la Libye et la Tunisie. La règle des 49/51% pose problème pour l'investissement dans la pétrochimie dont la commercialisation est contrôlée par quelques firmes au niveau mondial. Cette règle juridique de la dominance de Sonatrach dans le capital social est inopérante. Sans risque de me tromper, l'investissement sera limité pour ne pas dire nul avec cette règle. Cette filière nécessite pour sa rentabilité de grandes capacités, sans compter que les pays du Golfe ont déjà amorti les installations, l'Algérie partant avec un handicap de coûts d'amortissement élevés et d'un marché forcément limité. Elle concerne également les énergies renouvelables dont le programme vise à produire, à l'horizon 2030, 40% de l'électricité à partir des énergies renouvelables pur un investissement de 100 milliards de dollars devant se traduire par l'installation d'une puissance de 36000 mégawatts. Ajouté au prix de cession du kWh qui couvre à peine les frais de production, expliquant en partie le déficit de Sonelgaz, aucun investisseur étranger ne viendra, en attendant la promulgation de textes de la part du CREG pour voir si le prix de cession attirera des investisseurs potentiels avec la règle des 49/51% Sinon la loi sur le gaz et les canalisations serait caduque.

3. Eviter des idéologies dépassées, nuisibles au développement de l'Algérie
La règle des 49/51% ne concerne pas seulement Sonatrach mais aussi l'ensemble des autres secteurs. Les lois de finance complémentaires 2009/2010 ont profondément modifié le cadre juridique régissant l'investissement, surtout étranger. Concernant l'encadrement de l'investissement étranger dans les services, BTP et industries, y compris les hydrocarbures, le privé étranger doit avoir au maximum 49% et le local 51%. Lors du Conseil des Ministres du 25 août 2010, ces mesures ont été étendues aux banques étrangères complétant l'ordonnance n° 03-11 du 26 août 2003, relative à la monnaie et au crédit. Si ces mesures permettaient de relancer l'outil de production, cela serait une bonne chose mais dans un environnement concurrentiel. Mais n'est-ce pas une utopie néfaste ? Au cours de conférences internationales, mes contacts avec bon nombre d'opérateurs étrangers (USA-Europe, Asie, monde arabe notamment) montrent que dans la majorité des cas les investisseurs sérieux sont réticents à venir en Algérie avec cette règle restrictive qui répond plus à de l'idéologie qu'à de la logique économique. À moins que l'Algérie ne supporte les surcoûts pour des investissements de prestige non rentables économiquement, comme elle a supporté plus de 60 milliards de dollars d'assainissement des entreprises publiques entre 1971 et 2013 dont 70% sont revenues à la case départ. Il semble bien que la règle du gouvernement algérien des 49/51% a pour fondement l'idéologie et non l'efficacité économique. Et l'erreur est d'avoir codifié cette règle dans une loi ne laissant plus de marges de manœuvre et créant des polémiques inutiles au niveau international, nuisibles à l'image de l'Algérie. L'Etat algérien étant souverain, une décision au conseil des ministres aurait suffi pour distinguer les projets où l'on pourrait appliquer la règle des 49/51% des autres projets non stratégiques avec une adaptation fonction des situations spécifiques tant internes que mondiales. Ne serait-il pas souhaitable d'avoir d'autres critères : balance devises excédentaire au profit de l'Algérie, l'apport technologique et managérial et un partage des risques ? Dès lors comment réaliser la transition d'une économie de rente à une économie hors hydrocarbures au sein de la mondialisation ? Or cette règle selon mon point de vue, généralisée à tous les secteurs, est un obstacle majeur aux investisseurs soucieux de s'implanter à moyen terme et de contribuer à la croissance réelle et donc de s'adapter à cette transition cruciale pour le devenir du pays. Pour l'UGTA qui défend des intérêts de rente d'une minorité, ayant un budget via les hydrocarbures à sa disposition, elle ne représente pas le monde du travail. Comme le montre clairement l'ébullition sociale actuelle où elle est absente, incapable de servir d'intermédiation sociale, laissant les fores de sécurité en confrontation directe avec la population. L'erreur du gouvernement est d'ignorer l'évolution sociale du pays en s'obstinant à avoir comme seul interlocuteur social, un syndicat non représentatif, assistant donc à un monologue et non à un véritable dialogue. Cela est contre-productif pour l'avenir de l'Etat algérien lui-même.
4. Quelles perspectives ?
L'avenir du pays implique, de dépasser les intérêts étroits de la rente, l'idéologie néfaste et d'voir en vue le couple efficacité économique et justice sociale. Toute Nation fiable, soucieuse des générations futures, ne peut distribuer à la fin de l'année que ce qu'elle a préalablement produite. Distribuer des revenus sans contreparties productives anesthésie le corps social, dévalorisant le travail et l'intelligence et conduit le pays droit au suicide collectif en favorisant la corruption socialisée. Il s'agit avant tout de lutter contre la corruption. Certes, la corruption existe de par le monde et depuis l'indépendance politique. Mais ces dernières années, elle est devenu sport national, ayant atteint un niveau intolérable qui menace la sécurité nationale et le fondement de l'Etat algérien. Le défi majeur de l'Algérie entre 2014/2020 est le rétablissement de la morale, libérer toutes les énergies créatrices impliquant, l'instauration de l'Etat de Droit et la démocratie qui sont les seuls mécanismes efficaces de lutte contre ce fléau. Le réalisme impliquera le dépassement d'une vision chauviniste nationaliste étroite d'un autre âge, l'urgence de nouveaux réseaux plus crédibles collant avec les nouvelles mutations sociales et économiques. Sinon le rôle de la Cour des Comptes ou comme de toutes les autres institutions, aura un impact très limité. Et ce au moment où, dans moins de 10 ans, l'Algérie sera sans pétrole et 20 ans sans gaz conventionnel, tenant compte de la forte consommation intérieure avec une population de 50 millions. Cela pose la problématique de la sécurité énergétique de l'Algérie devant s'insérer dans le cadre d'une transition d'une économie de rente à une économie hors hydrocarbures. Le réalisme impliquera le dépassement d'une vision chauviniste nationaliste étroite d'un autre âge, l'objectif stratégique étant la réduction du chômage et de la pauvreté, véritable bombe sociale en dynamisant des filières structurantes tenant compte des nouvelles mutations mondiales et ce au sein de grands ensembles. Certains en lisant cette contribution tant les ultra droitistes que les ultra gauchistes, se révolteront en me taxant de porte-parole de l'étranger mais personne n'a le monopole du nationalisme, car nous aimons tous l'Algérie, d'où la vertu du dialogue , et de la confrontation d'idées productives contradictoires, Le véritable nationalisme c'est la contribution à la valeur ajoutée interne permettant de lutter contre le chômage en créant des emplois utiles. Dans son dernier rapport sur le travail dans le monde, l'organisation internationale du travail (OIT) le chiffre des sans-emplois dans la sous-région Afrique du Nord passera de 7,6 millions en 2013 à 8 millions en 2015, soit une hausse de 4,3 % sur deux années. D' où l'urgence de l'intégration du Maghreb, pont entre l'Europe et l'Afrique, continent à enjeux multiples qui tirera la croissance de l'économie mondiale horizon 2030, sous réserve d'une gouvernance rénovée, au sein d'un monde qui sera en plein bouleversement avec d‘importantes recompositions géostratégiques, thème que j'aborderai lors d'une rencontre internationale à l'assemblée nationale française le vendredi 23 juin 2O13 à l'invitation de l'Institut Maghrébin d'Etudes et de Prospectives sur le thème« le Maghreb, pont entre l'Europe et l'Afrique, face aux enjeux géostratégiques (1). Aussi, Monsieur le secrétaire général de l'UGTA, avec tout le respect que je dois à votre personne, en ce XXIème siècle, l'Algérie doit privilégier l'efficacité économique couplée avec l'équité et non vendre des idéologies utopiques qui ne feront qu'accroitre la crise multidimensionnelle que vit dramatiquement l'immense majorité de la population algérienne.
En résumé : Le premier bilan dressé à partir d'une balance devises positive pour l'Algérie , critère déterminant tester de l'efficacité, montre clairement que les impacts sont mitigés, l'Algérie supportant le risque et les surcoûts, n'existant pas de management stratégique de suivi des projets renvoyant à la faiblesse de la gouvernance et de la ressource humaine, la période 2000/2013 étant caractérisée par l'unique dépense monétaire , dépenser sans compter
* (1)- Cet axe sera abordé par le professeur Abderrahmane Mebtoul lors de la conférence qu'il donnera sur le thème : « le Maghreb, pont entre l'Europe et l'Afrique, face aux enjeux géostratégiques le vendredi le 21 Juin 2013 à l'Assemblée Nationale française dans le cadre de l'invitation de l'Institut Maghrébin d'Etudes et de Prospectives, qui organise un séminaire international sur « la construction du Grand Maghreb et la Mondialisation ». Ce sera l'occasion de présenter l'ouvrage collectif que le Pr Abderrahmane MEBTOUL et le Docteur Camille SARI-expert international financier - enseignant à la Sorbonne ont coordonné sur« l'intégration économique maghrébine face aux enjeux de la mondialisation » et qui compte 32 experts maghrébins et européens qui paraîtra en septembre 2013.
A propos de l'auteur
Abderrahmane MEBTOUL - Professeur des Universités, Expert international – Docteur d'Etat en gestion (1974) - Directeur d'Etudes Ministère Energie/Sonatrach 1974/1979-1990/1995-2000/2006- ancien magistrat- premier conseiller à la Cour des comptes (1980/1983) président du Conseil algérien des privatisations -rang Ministre Délégué- (1996/1999) –Directeur d'Etudes au cabinet de la sûreté nationale- DGSN - (1997/1998) et Expert à la présidence de la république 2007/2008.


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