Agraire dans ses fondements, paysanne durant la guerre de l'indépendance, l'Algérie d'aujourd'hui se veut résolument urbaine. Car la ville est le lieu du pouvoir, des équipements, de l'industrie, du savoir, de l'innovation en un mot le lieu de la modernité. Mais l'urbanisation a acquis des proportions qui semblent avoir pris de cours les autorités, tant par leur ampleur que par leur aspect désordonné. Si aujourd'hui plus des 2/3 des espaces sont urbanisés, les vieilles médinas (partie ancienne de la ville, et historique) se trouvent noyées dans cette marée urbaine. La montée démographique a provoqué l'appauvrissement des fellahs, à la suite d'une amorce d'un exode vers les villes. Ce qui implique que ce n'est point le fait du hasard, que les bidonvilles ont poussé comme des champignons. Même sans exode rural, les villes vont continuer de connaitre de remarquables croissances. Le rythme de cette croissance urbaine ne va pas sans conséquences, il implique qu'en effet une large partie des habitants de la ville sont des néo-citadins. 50 à 70% des citadins sont nés hors de la ville.. Parfois la migration s'est faite par étapes, avec le relais de petits centres facilitant l'adaptation. Les migrations aboutissent d'abord dans les médinas, et par la suite s'orientent vers les marges de la ville, où elles sont à l'origine des périphéries urbaines, faites de bidonvilles et même d'une sorte d'auto construction. L'urbanisation ségrégative dans laquelle le désordre apparent masque les logiques socio-spaciales toujours réelles, le caractère très composite de la ville actuelle traduisant tout à la fois les différents apports historiques et les différentes strates ‘' couches sociales''. L'urbanisation insolite parce que comportant un profil inverse de celui de la plupart des villes des pays développés. L'urbanisation foisonnante qui fait que le parc construit durant ces dernières années, est largement supérieure au parc antérieur. L'explosion des tissus urbains s'est révélée préjudiciable au bon fonctionnement des agglomérations, comme au respect des terres agricoles. L'urbanisation a pris de vitesse les aménagements internes, les voieries, et autres réseaux, alors que la circulation se congestionne davantage. Les programmes d'habitat continuent de se réaliser sur des sites vierges. L'extension démesurée des déplacements urbains, ne fait qu'accroitre la consommation des terres agricoles. L'urbanisation spontanée et l'urbanisme de zoning (morcellement de zone) n'ont fait qu'éclaté la ville. Si lors de la colonisation l'urbanisation était avant tout littorale, l'urbanisation actuelle se manifeste à travers l'ensemble du territoire du pays, d'une manière générale si les populations des villes littorales ont doublé, celles de l'intérieur se sont multipliées par trois ou quatre, cette évolution se traduit par une uniformisation du modèle urbain. Si les villes coloniales avaient un certain charme, aujourd'hui les banlieues récentes de toutes les agglomérations dressent leurs grands ensembles stéréotypés, qui masquent les vieux centres et banalisent la ville. A l'instar des pays du tiers monde, l'Algérie ne cesse de se lancer dans l'aventure de l'urbanisation sous la double poussée des pouvoirs publics et d'un grand mouvement spontané de la population. Phénomène quasi inévitable, mais qui, présente une ampleur et rapidité spectaculaires. Cette grande explosion urbaine a fait que des milliers d'habitants ont été arrachés à leurs racines rurales et pourquoi pas ancestrales. Si l'Algérie a engagé un développement économique impressionnant, et que les régions les plus éloignées ont connu des changements, et que quoi que de grands efforts ont été entrepris dans l'amélioration des conditions de vie du citoyen, aujourd'hui des retards flagrants qui constituent des goulots d'étranglements se manifestent au grand jour : le retard dans la réalisation de logements, et l'agriculture avec une timide production. Cinq décennies de fonctionnement révèlent encore des distorsions au sein du développement adopté. De nos jours, si la politique économique n'arrive pas à suffire, des aspirations sociales et autres préoccupations culturelles ne sont encore que d'actualité. Elles suscitent moult interrogations : Vers quoi tend l'Algérie de demain ? Quel homme, quelle société, quel espace bâtir ? La crise d'identité ne cesse de se manifester. Crise qui se traduit par la continuité dans le courant islamiste, la persistance dans le régionalisme, le malaise de la jeunesse, la multiplicité des émeutes, et surtout la violence gratuite qui ne cesse de prendre de l'ampleur. Carrefour géographique très envié, creuset de populations, l'Algérie a au cours de l'histoire été un lieu de convergences, de rencontres, de courants divers. Aujourd'hui, elle a simultanément de visages multiples. Imprégnée fortement des valeurs de la culture arabo-islamique se trouve malgré elle fascinée par la technique et le mode de vie occidentaux. Quoique la crise d'identité est commune à bien des pays du tiers monde, elle apparait particulièrement aigüe en Algérie. N'a-t-elle pas ses origines dans le fait que ces modèles culturels, qui lui sont proposés et qui la traversent, sont quelque peu extérieurs à elle : L'occidentalisation, l'arabisme lui-même vécu à travers une langue différente de la langue maternelle ? L'économie ne peut a elle seule réaliser l'accomplissement d'un peuple. N'est-il pas dit que le sous-développement, c'est d'abord l'extraordinaire processus de déculturation engendré par l'occident ? Le sous-développement s'institue d'abord dans l'imaginaire par la dépossession de la connaissance de la réalité... L'invasion culturelle prive les sociétés du tiers monde de leur histoire, de la mémoire collective. Dans ce contexte, si l'on considère que le sous-développement est un phénomène structurel et global, la croissance économique ne fait pas le développement. IL est beaucoup plus exigeant que cela. Le développement est le passage d'un état de déséquilibre à un nouvel équilibre, de niveau supérieur à celui de l'état initial. C'est cette démarche qui permet de retrouver une cohérence profonde entre la société, son économie, son espace, sa culture. L'avenir de l''Algérie passe par la récupération d'elle-même, de son espace, de son identité, les racines sont encore vivantes. La crise d'identité a sa propre dimension sociale. Le sentiment de malaise et d'insatisfaction, très général dans la population, s'explique en effet pour une large part, par le fait que son cadre de vie, donc son rapport à l'espace, ne cesse de se dégrader. Comme l'ont dit de certaines personnes qu'elles sont « mal dans leur peau » aujourd'hui on peut dire que les Algériens sont « mal dans leur espace ». Aujourd'hui, on peut dire schématiquement que le mode d'appropriation foncière est le fil directeur qui mène les stratégies des différentes catégories sociales. Le logement en Algérie un des plus grand sujet de conversation et d'insatisfaction. Les pouvoirs publics tentent de suivre le rythme de la demande. La rupture avec la condition paysanne et le reniement de l'esprit paysan sont l'aboutissement d'un processus purement négatif qui entraine l'abandon de la terre, pour la fuite vers la ville, aujourd'hui les compagnes sont en crise manifeste. Peu de pays ont connu autant de bouleversements de leurs propres structures territoriales que l'Algérie : mutation dans les objectifs, les dénominations, les tailles, les limites, les attributions. Ces transformations, continuent de rendre peu ou moins aléatoires les analyses statistiques sur de longues périodes. Le problème des équilibres régionaux et de l'organisation du territoire reste encore mis en cause, il est posé par l'histoire, la croissance réalisée au détriment des zones marginales se heurte encore à des distorsions grandissante. Bref ce problème est posé par toute la recherche d'une société qui voudrait recouvrer l'ensemble de son territoire pour s'identifier à lui. Le déséquilibre spacial entre le littoral et l'intérieur reste à ce jour apparent. Pour renouer avec son long et riche passé historique, l'Algérie doit se réapproprier son espace profond pour retrouver son ‘' authenticité algérienne''. La bande littorale se congestionne davantage, les densités doublent, la terre agricole se contracte de plus en plus, le rivage se bétonne, de ce fait le pays doit s'engager davantage et résolument vers un large redéploiement des activités et des hommes à travers la surface du territoire, en encourageant un mouvement vers le sud. Aujourd'hui, la réconciliation de l'Algérie avec son espace est irréfutable, et la réappropriation de cet espace n'est que la pierre angulaire de la nouvelle cohérence de bâtir. Aujourd'hui le pays est confronté entre la continuelle fuite en avant que représente le modèle occidental, et le retour intégral au passé que constitue le modèle traditionaliste, la voie est étroite, mais elle semble pouvoir permettre aux générations de savoir se situer face à ce monde et à elles-mêmes.