Hier, c'était férié. La ville dormait à poings fermés. La grasse matinée est de rigueur en ce mois de ramadan. Et pourtant… Une petite dame brune au sourire radieux comme ce doux soleil de septembre qui annonce l'automne, s'active et s'empresse parmi un personnel qui aussi n'a point l'air de caresser la moindre lassitude. La petite dame dirige son état-major de main de maître. Fawzia, Houria, Hamidou, Meriem sont le staff le plus proche de Mamy. Mamy ne sait pas ce qu'est le repos. Repos, c'est un légume, un fruit ou un vêtement ? Eh oui, il y a des gens comme ça ! Le souci de Mamy est de satisfaire d'autres. Mamy est connue dans la wilaya de Mostaganem pour être la mère des pauvres. Les nécessiteux, les démunis, les gueux, les abandonnés, les faibles, les misérables et les besogneux n'ont qu'à lever le petit doigt pour trouver la petite fée à leur chevet. En réalité, rien ne destinait Mamy à faire la fée. Mamy ne dirigeait qu'un groupe de connaissances. Un groupe de mousquetaires qui se voulaient les défenseurs de nos filles et nos sœurs dans le désarroi. Et puis… L'Association de la Promotion de la Jeune Fille devint une grande dame. Elle devint une institution que nulle ne peut faire semblant d'ignorer. Et Mamy ne tarit pas d'éloges aux bonne gens qu'elle a toujours à ses côtés. Et parmi elles, elle cite le directeur du journal Réflexion. Un bon point pour notre canard. C'est à bâtons rompus que Mamy aborde les maux sociaux. De la pauvreté et la vente d'organes, elle passe aux agressions sexuelles, l'inceste, les mères célibataires, les femmes battues, les familles abandonnées et la cellule familiale qui fiche le camp. « C'est une citoyenne digne que devrait être la femme algérienne, selon Mamy. Il faut d'abord assurer l'intégrité physique avant de parler de nourriture. » Et Mamy sait de quoi, elle parle. Des jeunes filles séquestrées, violées, surexploitées font légion. Et Hamidou, un jeune commerçant bénévole dans l'Association de renchérir : «Où sont ces parents démissionnaires qui nous font voir des vertes et des pas mûres avec leurs filles qui au lieu d'être dans les amphithéâtres de nos universités se retrouvent dans des maternités via des lieux de débauche ? » Et Hamidou, rêveur, se demande si l'état ne pourrait pas créer des écoles pour futurs parents ! Avant de contracter mariage, les futurs époux y étudieraient les devoirs des parents pour faire de leurs enfants de bons citoyens. L'Association de la Promotion de la Jeune Fille dont le siège se trouve en plein centre-ville à Mostaganem, dirigée de main de maître par Mamy essaie de remédier tant qu'elle peut aux maux sociaux, malgré les contraintes matérielles et psychologiques. Son état-major, composée de jeunes filles dynamiques essaie d'occuper et de former celles auxquelles, il a bien fait sécher les larmes et montré une lueur d'espoir. C'est ainsi qu'au siège, des jeunes filles étudient la couture, l'informatique et la coiffure. Le staff de Mamy compte même une jeune demoiselle chargée du volet sportif. Dans la foulée d'une circoncision collective et une soirée musicale, Mamy s'est réveillée sur une liste d'enfants à circoncire lors dans la nuit du vingt-sept de ce mois béni de ramadan, soit la mi-septembre. La soirée d'avant-hier, animée par le chanteur chaâbi Belhenda a couronné un geste royal qui a fait la joie des parents et les cris d'enfants heureux. Trente-sept enfants ont été circoncis à Aïn Tadeles. Et le chaâbi a résonné son madih au profit de ces familles heureuses, des bénévoles et surtout des braves chirurgiens de l'hôpital d'Aïn Tadeles auxquels le personnel, la direction et les patients n'ont jamais manqué d'éloges. D'ailleurs, selon Mamy, gentillesse du directeur de cette institution hospitalière est légendaire. M. Hammou, analyste aux laboratoires prend en charge lui-même les problèmes des nécessiteux envoyés par l'association, afin de faciliter la tâche aux chirurgiens. C'est loin du stresse de la soirée que Mamy a abordé la qualité du ftour qui précéda la soirée. Manquaient les dattes et Mamy se voit confuse. Elle promet qu'elle n'omettra pas ce fruit béni la prochaine fois. Le poulet tendre aux olives et la hrira, marqués par une salade variée et du kalbellouz, appelée harissa à Mostaganem, ont mis en valeur les mains expertes de je ne sais quelle inconnue parmi toutes celles qui s'affairaient dans les cuisines. Et puis hier, sans le moindre signe de fatigue ou de stress, sans le moindre cerne, c'est une Mamie fraîche comme un bouton d'or au printemps qui promet les cents dinars pour qu'elle puisse se rendre à l'hôpital d'Aïn Tadeles à des fins d'analyses médicales, à une nécessiteuse à laquelle elle a demandé la photocopie de la carte nationale d'identité, une photo de l'enfant et son extrait de naissance. A la demande, si la Mère des Pauvres, pouvait répondre à une forte demande, disons quatre cents enfants à circoncire, elle répondit avec un large sourire : « Tout est possible, tant qu'il y a vous tous, mes anges ! » Et si Hadj, le directeur du marché de gros de fruits et légumes de Souk Ellil se déplace pour s'enquérir des besoins de Mamy, c'est qu'il y a beaucoup à gagner. Il y a à gagner les cœurs et la confiance de celles et de ceux qui ont perdu espoir. Et pendant qu'elle gesticulait pour faire marcher ses mille et une choses, la petite dame courageuse, réfléchissait à cette soirée de don de sang qui aura lieu le 21 ramadan sur la place de la mairie de Mostaganem. « Certains ne savent pas ce qu'est avoir faim, répète la fée. » C'est confuse, qu'elle communiqua son compte bancaire. Elle dit être soutenue par les petits. Les tous petits. Ceux qui ressentent ce qu'endurent les faibles et les nécessiteux. Son compte bancaire BNA 200024283/97. L'association n'est pas riche, mais on se nourrit d'espoir. « L'enfer, c'est la perte de l'espoir, dit-elle en mot de la fin. »