La première des choses qui impressionne en France et en Europe en général, c'est la possibilité donnée à tous d'accéder à la culture. L'oxygène de la civilisation se respire aisément. Qui veut peut embrasser les savoirs du monde. Les bibliothèques municipales, les centres culturels, les médiathèques sans parler du centre Pompidou ou de la villette, toutes ces Byzance de la culture et surtout de la connaissance, trésors de savoir s'offrent è vous. Loi d'airain bien connue : on n'apprécie vraiment ses acquis que lorsqu'ils disparaissent. Ils sont considérés jusqu'alors comme naturels et ...invisibles. On s'habitue à tout, même au meilleur ! Que de lectures, de découvertes, de plaisirs ai je pris dans ces environnements ! Tous ces lieux m'ont donné le goût de lire, d'écrire, d'explorer. Ils m'ont nourri, formé, façonné et construit. Ils m'ont projeté dans les fracas du monde, moi qui n'avais rien encore vécu, tout frais débarqué de mon Algérie à peine sortie de sa lutte de libération et qui donnait tant d'espoir. Ce que j'ai appris et ce que je crois : pas de démocratie réelle et durable, pas de progrès humain et véritable sans accès à la culture et à la connaissance pour tous. De ce point de vue, l'Algérie, notre pays, et plus particulièrement ma Daïra et ma Wilaya ressemblent à un désert à l'exception de quelques oasis. Au fil des années, les cinémas s'y sont évanouis, les librairies évanouies, les salles de spectacles évaporées, tous remplacés par des akl khafif (fast food locaux sans charme) ou des friperies aussi moches que tape à l'œil sans parler des salles tel que le ciné luxe de Tigditt qui croule, livré aux rats et autres bestiaux en attendant l'opération immobilière de choc. Comme si l'on cherchait à réduire les Algériens à des tubes digestifs sur pattes ou à des « bêtes » de (con) somme ahuries. Des militants engagés résistent cependant et font vivre nolens volens des lieux de culture comme autant d'entailles profondes dans la chair de l'ignorance ambiante. Ceux qui portent à bout de bras les cinémathèques ou les quelques maisons d'éditions sont ils des héros et à quel prix, sacrifices, menaces, obstacle administratifs et financiers ou tout simplement splendide isolement et indifférence générale malgré tous les discours... officiels. Conséquence : au fur et à mesure que l'accès à la culture et à la connaissance se restreint, l'accès aux mosquées, lui, s'élargit... Il faut bien la chercher quelque part cette satanée transcendance ! Rien de mal en cela, si ce n'est l'emprise croissante d'un « islamisme », (- qui est à l'islam ce que la télé réalité est à ARTE, chaine de culture -) , qui voit la culture séculaire sous toutes ses formes comme un adversaire à abattre. Pour satisfaire sa faim de sens et de beau, le choix de l'Algérien se trouve ainsi de plus en plus réduit à deux nourritures potentielles : celle de la société de consommation et celle de l'islamisme. Toutes deux, hélas assez frelatées, plus proche du Mc Do que de l'étoilé Michelin. Les obscurantistes religieux et les talibans de la marchandise ont en effet un point commun : nous empêcher de réfléchir, de nous émanciper, pour mieux nous faire tourner en rond, pour mieux nous contrôler. Par la peur de Dieu et l'oubli de soi pour les premiers ; par la tentation de l'avoir et de l'accumulation pour les seconds... L'isl-amie de la connaissance. Pour autant, il serait absurde d'opposer l'islam à la connaissance, à la culture, à l'émancipation. C'est même l'une des grandes défaites idéologiques des progressistes arabes que de s'être résignés à accepter et même parfois à défendre – paradoxalement comme les islamistes- l'opposition de la raison à la religion, de la science à la foi, de la connaissance à la transcendance. Alors que le prophète Muhammed (SSAL) l'affirmait déjà en son temps avec force : « Le savoir est lumière, l'ignorance est ténèbres » et recommandait « d'aller chercher le savoir jusqu'en Chine » ? Alors que la première université du monde a été fondée à Fès, par une femme, au 9° siècle, au sein de la grande mosquée Al Quaraouiyine? Alors qu'au royaume musulman de Grenade, 1232-1492, on revendiquait fièrement que « toute maison en Andalousie doit avoir une bibliothèque même si son propriétaire est aveugle » ? Pourquoi ce qui était envisageable il y a des siècles serait désormais irréaliste ? Qui plus est, au moment où la culture Algérienne n'a jamais autant rayonné dans le monde ? L'auto flagellation demeure un sport national, alors que l'Algérie produit des écrivains comme Assia Djebar, membre de l'académie française, ou Yasmina Khadra sans parler des Mammeri, mouloud Ferraoun, Djaout... Des chanteurs de renommée internationale exportent la musique algérienne et font honneur à la culture Algérienne dans le monde. De même des scientifiques Algériens dirigent des instituts que ça soit en Europe ou aux états unis et apportent leur pierre au développement de la science. Parmi les choses que j'ai apprises et qui construit mon Algérianité, celle-ci : L'islam n'est pas l'ennemi du savoir. Au contraire cette religion en a été historiquement un ardent véhicule et diffuseur Même Obama le met en avant à son défendant ! « C'est de l'innovation au sein des communautés musulmanes que nous viennent l'algèbre, les compas et les outils de navigation, notre maitrise de l'écriture, et de l'imprimerie, notre compréhension des mécanismes de propagation des maladies et des moyens de les guérir. » On peut être un pays musulmans et en même temps faire de l'accès à la connaissance et à la culture une cause nationale. Cela devrait aller de soi compte tenu des prétextes de l'islam et de son enseignement La construction des maisons de la culture, et dans chaque quartier, doivent être un impératif. Ce n'est pas seulement des murs qu'il faut mais surtout des moyens matériels et humains capables d'accompagner la jeunesse dans la construction de leur personnalité et le développement du sens critique dans leurs activités quotidiennes. Pour une nouvelle ambition culturelle, c'est une volonte politique qu'il faut! Une priorité d'un gouvernement démocratique ( et musulman de surcroit ) serait ainsi d'investir dans les lieux de culture, de savoir, d'expression : maisons de la culture, librairies, cinémas, bibliothèques, médiathèques, théâtres, salles de spectacles et espaces de rencontres, lieux de développement du lien et du sens, armes de la construction de la citoyenneté. Si tu ne viens pas à la culture, la culture viendra à toi ! Il est temps d'inverser le chemin actuel. Le budget de la culture représente moins de 1% du budget global de l'état et ÷cela depuis plusieurs années. La construction de la grande mosquée d'Alger est gigantesque avec le plus grand minaret du monde nécessite un budget colossal. Rien de grave ni de mauvais, évidemment, dans le fait de construire des mosquées, au contraire. L'homme n'est pas sur terre juste pour produire, consommer et payer des impôts. La spiritualité, la transcendance, la quête d'absolu- qui se traduisent notamment dans la religion sont essentielles. Nier cela, c'est nier ce qui nous fait »homme », ce qui nous différencie des animaux. Mais pourquoi cette démesure ? Et pourquoi « l'espace de la culture » est si réduit ? Sommes nous vraiment en pénurie de mosquée ? A titre d'exemple , à SIDI Ali ,sur une distance de cinq cent à six cent mètres , il y a deux mosquées, une Zaouia et un lieu de prière et aucun un espace culturel ni une librairie, ni un centre de loisirs ? Et on en construit encore, chacun veut avoir sa mosquée dans sa rue, mais personne ne se soucie du développement culturel de ses enfants, source de leur construction d'hommes de demain. Où est l'urgence première pour améliorer aujourd'hui la vie quotidienne des Algériens qui sont encore nombreux à manquer de l'essentiel ? Cela répond il à un vrai besoin, au delà d'instrumentaliser la glorification de Dieu pour satisfaire la vanité et l'égo de quelques-uns ? La quête de l'égo et ce qu'elle cache, maintenir les Algériens dans une situation d'incultes et d'horizon bouché, n'a-t-elle pas remplacé ici la quête du « Haut ». Quitte à bâtir des mosquées et surtout la troisième plus grande du monde, pourquoi pas mais pourquoi il n'y a pas de prolongement au prêche de l'imam en la création des espaces pour la diffusion de la culture et de l'éducation populaire, arme de l'émancipation., Un constat alarmant, dés que le fidèle quitte la mosquée, il oublie tout ce qu'a dit l'mam ,car rien n'est prévu pour faire le lien hormis les discutions futiles des cafés et des colportages et rumeurs, tout pour perpétuer l'ignorance. Pas d'obstacle technique ou de moyens. Ce qui fait défaut, c'est la volonté politique, ressource, il est vrai, beaucoup moins disponible au bled que le pétrole. Bien que d'éducation laïque, je me suis passionné pour les questions religieuses, à la fois sur le fond et la forme. Aujourd'hui, je ne renie rien à mon expérience très enrichissante, mais en ai retiré une certitude : l'islam, (comme toutes les autres religions du livre), est exigeant et difficile à pratiquer de manière juste et véritable. Il est très dur d'être un « bon musulman ». Trop de gens pratiquent en effet la religion comme on monte un meuble Ikéa. Ils suivent à la lettre des procédures précises avec comme unique objectif le produit final, une belle bibliothèque dont on ignore le contenu. Seule l'apparence compte. La forme du culte l'emport sur le fond et une idée tordue s'installe : faire à la lettre vos prières quotidiennes vous dédouane de vous comporter comme une bonne personne et excuse vos pires comportements. Pour certains : aller embrasser le sol et sortir pour le paraître ! On est bien loin de l'essence de l'ISLAM... Pour connaître de prés des musulmans dignes de ce nom, je sais que l'islam est, au fond, tout autre. Ces musulmans imposent le respect et l'admiration : par leur grandeur d'âme, leur honnêteté, leur sens de la justice, leur bienveillance... Le fait de disposer d'une nouvelle mosquée, immense et redondante, dans chaque quartier et même s'il y a plusieurs dans une rue, ne va pas forcément nous rendre meilleurs musulmans. Le fait d'avoir accès à la culture et à la connaissance une ouverture d'esprit fera de nous de meilleurs personnes utiles pour nous mêmes et pour les autres.