L'ex-ministre de l'agriculture tunisien, dans le gouvernement de 1956 , Mustapha Filali , aujourd'hui âgé de 92 ans, qui a également occupé le poste de premier secrétaire général de l'Union du Maghreb Arabe (UMA) en 1989 , pressenti pour occuper le poste de chef du gouvernement de la Tunisie dans le cadre du dialogue national en décembre 2013, avant de se désister de l'offre, pleure aujourd'hui, il pleure le destin funeste de l'Union du Maghreb Arabe. Invité, samedi dernier, par la fondation tunisienne Al Majd comme conférencier à l'occasion du 25ème anniversaire de l'Union du Maghreb Arabe, Mustapha Filali a eu tout le temps de puiser dans une mémoire séculaire, qui a, durant le 20e siècle, retenu les principaux épisodes de l'histoire moderne du Maghreb. Car, en créant, en 1989, le poste de premier secrétaire général de l'Union du Maghreb Arabe (UMA),un poste qui le positionne parmi les fins connaisseuses de l'UMA, de ses atouts, mais aussi de ses rêves avortés. Bien qu'il ne préfère pas « l'expression imagée de mort-née » que politologues et historiens n'ont de cesse de coller à l'union de la Tunisie, de l'Algérie, du Maroc, de la Mauritanie et de la Libye, Mustapha Filali ne se leurre pas. « C'est l'absence de volonté politique qui a entravé l'intégration maghrébine, les chefs des pays du Maghreb ne s'étant jamais réunis depuis 1994 », a ainsi affirmé l'ancien secrétaire général de l'UMA. D'ailleurs, selon lui, il ne reste de l'UMA que le secrétariat général réduit aujourd'hui à une entité incapable de participer à la décision, ni de donner corps aux 34 protocoles et résolutions maghrébins, restés jusqu'ici lettre morte. Pourtant l'Union Maghrébine, aux yeux de Mustapha Filali, elle a tous les atouts pour être effective, sinon des plus performantes dans cette ère des coalitions et des conglomérats interétatiques. Il y a d'abord la continuité du relief qui fait du Maghreb une entité homogène. Riche tant de ses richesses naturelles minières, gazières et pétrolières que de son espace terrestre et maritime, avec une position stratégique au centre du bassin méditerranéen, une longue façade atlantique et une proximité avec le détroit de Gibraltar et le canal de Sicile, le Maghreb dispose de toutes les matières premières à un essor économique qui, ajoutées aux milliers de cerveaux et compétences désertant la région, auraient fait de l'UMA une alliance qui n'aurait rien à envier à l'Union européenne, ni aux pays de l'ALENA (Accord de libre-échange nord-américain). Mais cette projection dans un futur prospère s'est très tôt pliée face à la réalité, quand Mustapha Filali a évoqué, non sans regret, le problème du Sahara occidental, qui tel une épine au pied au pied du Maroc empêche l'intégration maghrébine. Les annales de l'histoire retiennent encore les incidents diplomatiques qui s'en suivirent et qui aboutirent au retrait du Maroc de l'Organisation de l'Unité Africaine (OUA), -ancêtre de l'actuelle Union Africaine, qui avait, en 1982, admis la République arabe sahraouie démocratique (RASD) comme membre à part entière-, la compartimentation de l'organisation panafricaine en deux blocs : les anti-RASD d'une part, les amis de la RASD d'autre part. L'Algérie a en effet toujours soutenu les Sahraouis durant la longue guerre qui les a opposés de 1975 à 1991 au Maroc et à la Mauritanie. Et même après le cessez-le-feu de 1991, les Algériens ont maintenu leur appui au mouvement politique Polisario qui revendique toujours l'indépendance du Sahara occidental. Algériens et Marocains entretiennent, depuis, des relations froides, réchauffées de temps en temps par des litiges sporadiques et des échanges de déclarations tendus. Les invectives et les attaques, jadis reprises seulement par les médias, ont récemment commencé à investir les arènes des réseaux sociaux. Les appels à la réconciliation, et donc à l'unité maghrébine, ne sont pourtant pas inaudibles. Mais ils semblent perdus sur les 266 000 km2 de dunes sahraouies. Par Riad