Parmi les associations de musique andalouse que la ville de Mostaganem s'enorgueillit d'abriter , l'Association El Fen Oua Nachat y tient , sans nul doute ,une place particulière .Fondée , en 1984 par une poignée de notables mostaganémois , l'association qui se rattache à la çan'aa d' Alger , se démarque - par-delà l'enseignement musical qu'elle prodigue aux élèves des différents paliers - par une animation soutenue pendant pratiquement toute l'année scolaire ,ceci afin de permettre non seulement à sa pépinière de jeunes musiciens de s'aguerrir dans un genre réputé difficile , mais de donner également l'opportunité à la formation senior , de montrer sa maestria et son osmose avec une musique raffinée , héritée de l'âge d'or de l'Andalousie. Cette animation toute vouée à l' Art , constitue en fait la singularité d' El Fen oua Nachat , singularité que nous retrouverons décuplée durant la célébration de son trentième anniversaire qu'elle vient de fêter durant toute l'année 2014 , avec beaucoup d'éclats , sans tapage médiatique , ni faste artificiel , et loin de la froide solennité .
El Fen oua Nachat fête son trentième anniversaire
Le programme qu'elle s'était tracé pour ce trentième anniversaire , sort du sempiternel déjà-vu , du fait de sa consistance et de son originalité . Car le chevronné président de l'association , Hadj Noureddine Benatia , en vieux routier de la culture et d'artiste insatiable , n'est pas du genre à faire les choses à moitié . Pour l'occasion , il se lancera un incroyable défi : célébrer cet anniversaire , en organisant pas moins de deux concerts par mois , et ce , pendant ... toute une année . Du jamais vu sous le ciel de Mostaganem ! Il faut dire que l'entreprise était tellement grandiose , tellement titanesque - utopique diront certains - qu'elle prenait l'allure d'une incroyable gageure , surtout devant la modestie des moyens . Mais balayant tout scepticisme , le preux président mettra quand même l'aventure sur rails. Et l'année 2014 bouclée , le résultat est là , indubitable , dépassant toute attente ! Les nombreux amateurs qui ont eu le privilège d'assister aux différentes représentations , auront vécu ravissements sur ravissements. Au final , le président aura gagné son pari , et par là même , l'estime de nombreux mélomanes , pour lesquels chaque concert était une invite à l'évasion , un moment béni où l'esprit , libéré de ses entraves ,pouvait , pendant quelques célestes minutes , voguer vers une féerie musicale , loin de la grisaille et la morosité .ambiante . Cette belle opportunité aura permis à une assistance toujours plus nombreuse, d' apprécier le savoir-faire des musiciens ainsi que la virtuosité des solistes . Cette réussite ,dont nous tirons fierté et qui aura nécessité - outre le talent - de la hardiesse et de l'endurance , nous poussera quand même à hasarder une question : mais qui est donc derrière ce bouillonnement artistique ? La réponse coule de source pour les amateurs de culture : Hadj Noreddine Benatia , le sémillant et infatigable président d'El Fen oua Nachat . L'association El Fen oua Nachat ayant à son actif nombres de représentations , aussi bien dans le cadre inter-associatif que dans les festivals nationaux et à l'étranger , ne cessera de subjuguer par son professionnalisme comme elle ne cessera d'étoffer un palmarès déjà bien éloquent .Et bien qu'elle ait connu les honneurs et goûté au triomphe , El Fen oua Nachat n'est pas du genre à dormir sur ses lauriers. Car dans l' Art , il faut parfois avoir la lucidité et le courage de se remettre en cause , escale revigorante qui permet à l'artiste consciencieux -et a fortiori l'association- de se perfectionner afin de garder son allant . Par ailleurs , portée par sa générosité et dans le souci de donner les meilleures références à ses élèves , l'association fructifiera les échanges inter-associatifs en tissant des liens non seulement avec la plupart des associations mostaganémoises , mais également avec d'autres associations , qu'elles appartiennent à la çan'aa d'Alger ou au genre gharnati de Tlemcen .En attendant le lointain Malouf . Ces échanges lui permettront de jauger son niveau tout en le bonifiant sans cesse ,afin de pouvoir garder cette place o combien convoitée qu'elle occupe sur un podium où l'émulation bat son plein . Un programme époustouflant !
L'association qui vient de célébrer son trentième anniversaire n'aura jamais aussi bien porté son nom : el Fen Oua Nachat , littéralement Art et Animation . Ici , l' Animation est au service d'un Art exigeant , se conjuguant au pluriel , sous forme d'une palette irisée où la musique tient bien sûr une place prépondérante , se déclinant tantôt en mode Nouba ( sans oublier le Hawzi et l'Aroubi ) , tantôt en mode Chaabi , florilège musical qu'elle partage de bon cœur avec d'autres expressions artistiques qu'elle arrive parfois à nous proposer , comme nous le verrons plus loin . Concernant le programme proprement musical , nous eûmes droit à de sublimes bouquets . - Le premier bouquet exhalait des senteurs d'Andalousie. Les enivrantes fragrances avaient pour noms , Nassim El Endalouss drivé par Yahia Ghoul , l'ensemble Gharnata de Tlemcen , Lila Borsali , Mahmoud Hadj Ali d'Alger , les associations El Amel , Azur et El Wichah de Mostaganem , l'ensemble Ennahda d'Oran ... - Le second bouquet était certainement le plus prisé , car plus populaire , plus « Chaabi » . Là , comme par enchantement , les subtiles aromes de « Qahwa ou latey » du café Malakoff - royaume du phénix et du cénacle chaabi - viendront s'exhaler dans la salle aux tapisseries écarlates , au grand bonheur d'une légion d'amateurs . Au mandole , l'on retrouvera les adeptes du style ankaoui : Kamel Bourdib , Chaou Abdelkader , Djelouadji de Skikda ... et tout un panel de chanteurs du cru qui nous délecteront avec cette belle touche mostaganémoise .Nous aurons eu ainsi le plaisir d'apprécier Sid-Ahmed Zegguiche, Norine Ould-Moussa, Rachid Guetafa , Boukharouba Bessaber et les voies prometteuses de Kaki Bendjelloul , Amine Haouki ... et jusqu'aux disciples du cheikh El Hachemi Guerrouabi , lequel aura porté au firmament ,avec sa voix si particulière , les joyaux du regretté auteur-compositeur , Mahboub Bati , celui qui aura révolutionné ,avec un incommensurable talent ,la chansonnette chaabi. Lors de cette sympathique joute , nous découvrirons les chanteurs Bouchenga de Blida , Hsino de Bejaia et Berrabha Khlifa de Chlef ...chacun essayant de nous faire revivre l'inimitable voix du créateur d' El Harraz. Et du mythique « El Bareh » à « Sbayet zoudj » , un public bon enfant , se surprendra à fredonner ces tubes qui n'ont pas pris une ride , et qui rappelleront à certains , les belles années ... d'« alhane oua chabab » , tandis que le duo final Bouchenga –Hsino , étonnera tout un parterre , de par son look , qui tirait vers la ...Star Academy . Comme quoi , l'indémodable Guerrouabi était resté- et restera pour longtemps - l'idole des jeunes . Dans les gradins de la salle , la convivialité est omniprésente , et parmi l'assistance , nous retrouvons avec un suprême bonheur , nos icones de la musique dont Mostaganem tire une incommensurable fierté : le Cheikh de chaabi Maazouz Bouadjadj et le maître de l'andalou Hadj Moulay Ahmed Benkrizi , venus partager avec nous ,ces moments de musique et de franche amitié . Convivialité et Nostalgie
Et si la représentation est réjouissance , elle est aussi un instant chargé de réminiscences qui nous projettent dans le passé de nos pères et de nos grands pères , du temps de l'inoubliable « Tbita » . En effet , dans l'ineffable Tbita , l'on s'y croyait presque : la sollicitude de notre hôte à l'égard de ses invités , le cérémonial du thé , les dattes à profusion et la succulente « smemna » , toutes ces marques de bienséance complétaient ce tableau et renforçaient notre impression , surtout lorsque s'égrainaient d'un mandole , les notes pincées du chaabi . Moment d'ivresse et d' extase ! Au premier rang ,deux vénérables chéchias turques sont là pour nous le faire rappeler. Fièrement arborés ,ces tarbouches d'un pourpre flamboyant , illuminent l'avant-scène , et par ricochets , toute la salle .Et pour un temps fugace , la nostalgie nous prend la main et nous entraîne vers des méandres qu'elle n'a jamais pu oublier. Du côté musique , la petite salle , nous invite chaque fois à un moment de délice , instant privilégié où l' émotion à fleur de peau , vibre à chaque pincement de cordes , à chaque claquement de tambourin , à chaque archet qui coule une mélodie qui se rappelle tantôt de l'Andalousie d'avant la reconquista tantôt des odeurs miellées des venelles de la basse Qasba. Où d'autrefois , suivant les cadences du mizen , la musique et le poème deviennent hymne et gloire à notre bien-aimé prophète Mohammed (QSSSL) .Les poèmes panégyriques du saint barde Sidi Lakhdar Benkhlouf mettent chaque fois l'assistance en émoi .Ici , c'est l'enchanteresse poésie et ses rimes sublimes qui est à l'honneur ,et là ,du cœur de ce bouquet s'élève la puissante et sublime voix du mounchid Belalia...Les louanges à notre prophète ( QSSSL), montent vibrantes vers le ciel .A cet instant ,le cœur tressaille et l'œil soudain se voile ... Dans cette oasis de l'amitié , la mémoire nous submerge de partout et sur chaque mur , les portraits d'illustres personnalités de la culture Mostaganémoise donnent à ce lieu , une allure de sanctuaire .Il y a là Cheikh Hamada , Belkacem Ould Said , Mohamed Khadda , Abdelkader Benaissa , Cheikh Djillali Ain Tédeles , Ali Benkoula , Hadj Moulay Ahmed Benkrizi ...Et sous les palmes de l'amitié , nous voguons , toutes voiles dehors , de surprise en surprise . Vous souvenez vous ? Une après-midi , nous eûmes droit à une intéressante conférence sur le parcours mystique du vénéré cheikh Ahmed Ben Mostefa El Alaoui ( 1870-1934) , le fondateur de la tarika Alawia. L'autre jour - l'on perd la notion de date devant un programme aussi riche - sans s'annoncer par les trois coups , le sketch fit irruption à même la rampe ,dans un mouchoir de scène , pour nous dérider avec des quiproquos qui nous rappellent Bachtarzi et Touri. Un moment de pur bonheur offert par une troupe de Relizane . Le final du trentième anniversaire coïncidera avec la célébration du sboû du mawlid ennabaoui echarif .Ce fut l' apothéose .Le Medh était à l'honneur avec les associations El Fen Oua Nachat et Ennahda d' Oran .Chaque troupe , puisant dans les poésies soufies de sidi Abou Mediene Chouaib et de sidi Lakhdar Benkhelouf donnera à la cérémonie , une ambiance des grands jours , partagée dans la convivialité , la joie et le recueillement . Un dernier mot . Le succès de la célébration a été tel , que nombre d'amateurs demanderont à y être invité .Et par prouesse ou par générosité -je vous laisse deviner- tout ce beau monde trouvera place dans la petite enceinte .Et dodelinant de la tête, tout un chacun se laissera emporter par les belles mélodies , tout au long d'une année où la culture aura brillé de milles feux sous le généreux toit d'El Fen oua Nachat . Merci à l'Association El Fen oua Nachat pour nous avoir offert ces moments exquis , et merci pour cette overdose de culture qui nous aura procuré tant de bien . Merci au président d'avoir ouvert aux mélomanes ce bel forum de l'amitié , où mostaganémois et leurs hôtes d'Alger , de Blida , de Chlef , Tiaret , Tlemcen, Relizane , Oran... viendront tour à tour partager le même enthousiasme et la même passion pour une musique raffinée qui aura bercé des générations de mélomanes.