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Les huit (08) raisons de la chute du cours du pétrole et les sept (07) incidences sur la valeur du dinar algérien
Publié dans Réflexion le 15 - 04 - 2015

Il existe une corrélation de 70% entre la valeur du dinar algérien et le cours des hydrocarbures dont les exportations ont permis l'actuel niveau des réserves de change qui soutient le cours actuel du dinar. Ainsi depuis la chute du cours du pétrole, les réserves de change qui étaient de 193,3 milliards de dollars se sont établies à 178,9 milliards de dollars à la fin décembre 2014, soit 15,6 milliards de dollars de moins en un semestre de baisse continue.
Aussi je recense huit raisons de la baisse du cours du pétrole qui ne devrait pas dépasser 60/65 dollars en moyenne l'année 2015 (prix de cession du gaz indexé sur celui du pétrole) et sept raisons de la dévaluation du dinar ( la banque d'Algérie préfère parler de glissement) sur le marché parallèle.
1.-Les huit raisons de la baisse du cours du pétrole
Premièrement la récession de l'économie mondiale, dont le ralentissement des pays émergents, Brésil-Inde surtout la Chine dont le taux de croissance est dû essentiellement au relèvement des taux d'intérêt, le BTPH contribuant à plus de 25% de son PIB et ce afin d'éviter la bulle immobilière. A cela s'ajoute la surproduction par rapport à la demande où existe un écart de 2,5 millions de barils, en plus de la décision de l'OPEP de novembre 2015 de maintenir son quota à 30 millions de barils/jour jusqu'à la fin du premier semestre 2015 et peut être au-delà ne présentant que 33% de la production commercialisée, 67% se faisant hors OPEP.
Deuxièmement de l'introduction du gaz/pétrole de schiste américain qui bouleverse toute la carte énergique mondiale, étant passé de 5 millions de barils/jour de pétrole à 8,5 actuellement étant prévu en 2015 9,5 millions de barils jour . Les Etats-Unis, toujours grand importateur actuellement, devraient devenir prochainement le plus grand producteur de pétrole brut (tenant compte consommation intérieure) devant l'Arabie Saoudite et la Russie, selon Bloomberg, tout dépendant de la stratégie saoudienne où d'ailleurs les grandes compagnies américaines sont fortement implantées.
Troisièmement les données géostratégiques pour affaiblir la Russie et l'Iran, qui peut avec les Emiraties le Qatar, Oman, le Koweït, se permettre un cours plancher relativement bas. L'Arabie Saoudite est le seul pays producteur au monde actuellement qui est en mesure de peser sur l'offre mondiale, et donc sur les prix. Cette baisse des prix sert les intérêts stratégiques des Etats-Unis et de l'Arabie saoudite", assure Thomas Friedman dans le New York Times L'éditorialiste subodore dans cette politique une "guerre par d'autres moyens" à l'encontre de Moscou et de Téhéran. Le 25 avril 2014 , dans un discours prononcé à l'université de Harvard, le prince Turki al-Fayçal, ancien responsable de la principale agence de renseignement d'Arabie saoudite et actuel président du centre de recherches et d'études islamiques Roi Fayçal a déclaré que le royaume entend accroître sa production et la faire passer de 12,5 millions de barils par jour à 15 millions de barils/jour en 2020, devant passer forcément par une entente sur le prix plancher entre l'Arabie Saoudite et les USA. En effet, le cours plancher de certaines grandes compagnies marginales ne peut être inférieur à 70 dollars, le cout du pétrole de schiste US étant déterminant. Lié à cet aspect je précise qu'au-delà d'un cours de 90 dollars des énergies substituables deviennent rentables financièrement comme les énergies renouvelables et le charbon avec le recyclage du CO2 dont les réserves mondiales dépassent les 200 ans produits en Europe, aux USA, en Chine et en Afrique
Quatrièmement, la stratégie expansionniste de Gazprom, notamment à travers les nouvelles canalisations, tant en Europe qu'en Asie , la Russie ayant besoin de financement, les tensions en Ukraine n'ayant en rien influé sur ses exportations en Europe où sa part de marché a été de 30% en 2013
Cinquièmement, du retour sur le marché de la Libye 800.000 barils/jour actuellement et pouvant aller vers 2 millions de barils/jour, de l'Irak avec 3,7 millions de barils jour (deuxième réservoir mondial à un coût de production inférieur à 20% par rapport à ses concurrents) pouvant aller vers plus de 8 millions/jour, Si l'accord avec l'Iran devait se concrétiser, possédant 160 milliards de barils de réserve( plus de 12 fois les réserves algériennes ) et 34.000 milliards de mètres cubes gazeux ( 10 fois les réserves algériennes) , le 30 juin 2015, l'offre devrait encore croitre D'ailleurs avec les nouvelles découvertes dans le monde notamment en offshore notamment en Méditerranée orientale (20.000 milliards de mètres cubes gazeux expliquant en partie les tensions au niveau de cette région) et en Afrique dont le Mozambique qui pourrait être le troisième réservoir d'or noir en Afrique et les nouvelles technologies permettent l'exploitation et la réduction des couts des gisements marginaux. Selon l'AIE, les analyses du pic hydrocarbures (pétrole-gaz conventionnel et non conventionnel à l'horizon 2020) en vogue dans les années 2009/2010 ne sont plus d'actualité.
Sixièmement, Les tendances sont à une nouvelle division et spécialisation internationale avec la concentration de l'industrie manufacturière forte consommatrice d'énergie en Asie qui absorbera 65% de la consommation mondiale horizon 2030, notamment l'Inde et la Chine (d'ailleurs parmi les deux premiers réservoirs mondiaux de gaz de schiste mais dont les importations ont dépassé celles des USA entre 2013/2014 ). Les relations clients –fournisseurs seront à leurs avantages, pour avoir des avantages comparatifs et pousseront à la baisse des prix.
Septièmement, l'occupation par les terroristes de champs pétroliers et gaziers les écoulements au marché noir notamment en Irak pour un baril entre 40/50 dollars.
Huitièmement, l'évolution des cotations du dollar et l'euro, toute hausse du dollar, bien que n'existant pas de corrélation linéaire, pouvant entraîner une baisse du prix du baril.

2.-Les sept raisons de la dévaluation du dinar sur le marché parallèle
Il existe en Algérie depuis des décennies des distorsions entre le taux de change officiel du dinar et celui sur le marché parallèle. Le square Port Saïd à Alger, certaines places à l'Est et à l'Ouest sont considérées comme des banques parallèles à ciel ouvert fonctionnant comme une bourse où le cours évolue de jour en jour selon l'offre et la demande et les cotations au niveau mondial du dollar et de l'euro. Ce marché noir joue comme assouplisseur à un contrôle des changes trop rigide. Bien que les données soient souvent contradictoires, certaines sources estiment environ entre deux et trois milliards de dollars qui se seraient échangés, annuellement, sur le marché parallèle algérien. Le montant est extrêmement faible en comparaison avec les sorties de devises. Pour preuve en 2014 plus de 71 milliards de dollars de biens et services. Je recense six raisons essentielles de cet important écart entre le cours officiel et celui du marché parallèle.
Premièrement, l'écart s'explique par la diminution de l'offre du fait que la crise mondiale, combinée avec le décès de nombreux retraités algériens, a largement épongé l'épargne de l'émigration. Cette baisse de l'offre de devises a été contrebalancée par les fortunes acquises régulièrement ou irrégulièrement par la communauté algérienne localement et à l'étranger qui font transiter irrégulièrement ou régulièrement des devises en Algérie. La reconversion de l'argent de la corruption, jouant sur la distorsion du taux de change en référence à l'officiel ( vous me facturez 120/130 au lieu d'une marchandise achetée 100 avec la complicité d'opérateurs étrangers, opérations plus faciles et plus rapides dans le commerce) montre clairement que le marché parallèle de devises est bien plus important que l'épargne de l'émigration permettant des chats d'immobiliers qui expliquent la flambée des prix notamment dans les grandes agglomérations et même dans des zones semi urbaines. Ces montants fonctionnant comme des vases communicants entre l'étranger et l'Algérie, renforcent l'offre. Il existe donc un lien dialectique entre ces sorties de devises dues à des surfacturations et l'offre, sinon cette dernière serait fortement réduite et le cours sur le marché parallèle de devises serait plus élevé, jouant donc, comme amortisseur à la chute du dinar sur le marché parallèle.
Deuxièmement, la demande provient de simples citoyens qui voyagent : touristes, ceux qui se soignent à l'étranger et les hadjis) du fait de la faiblesse de l'allocation devises dérisoire. Mais ce sont les agences de voyages qui à défaut de bénéficier du droit au change recourent elles aussi aux devises du marché noir étant importateurs de services. Majoritairement elles exportent des devises au lieu d'en importer comme le voudrait la logique touristique comme en Turquie, au Maroc ou en Tunisie.
Troisièmement, la forte demande provient de la sphère informelle qui contrôle 40% de la masse monétaire en circulation (avec une concentration au profit d'une minorité rentière) et 65% des segments des différents marchés; fruits/légumes, de la viande rouge /blanche- marché du poisson, et à travers l'importation utilisant des petits revendeurs le marché textile/cuir. Car existe une intermédiation financière informelle loin des circuits étatiques. Au niveau de cette sphère qui est le produit de la bureaucratie, tout se traite en cash favorisant des liens dialectiques avec certains segments rentiers du pouvoir et donc la corruption. L'union nationale des commerçants algériens estiment l'évasion fiscale due à cette sphère d'environ 3 milliards de dollars par an. –
Quatrièmement, l'écart s'explique par le passage du Remdoc au Credoc crédit documentaire (expliquant les mesures d'assouplissement) en 2013 qui a largement pénalisé les petites et moyennes entreprises représentant plus de 90% du tissu industriel en déclin (5% dans le PIB). Le Crédoc n'a pas permis de juguler comme cela était prévu la hausse des importations qui ont doublé depuis 2009 , a renforcé les tendances des monopoleurs importateurs où selon l'officiel 83% du tissu économique global est constitué du commerce et des petits services à faible valeur ajoutée. Nombreux sont les PME/PMI pour éviter les ruptures d'approvisionnement ont dû recourir au marché parallèle de devises. Le gouvernement a certes relevé à 4 millions de dinars, au cours officiel, la possibilité du recours au paiement libre pour les importations urgentes de matières premières ou pièces de rechange, mais cela reste insuffisant.
Cinquièmement, beaucoup d'opérateurs étrangers utilisent le marché parallèle pour le transfert de devises, puisque chaque algérien a droit à 7200 euros par voyage transféré, utilisant leurs employés algériens pour augmenter le montant.
Sixièmement, l'écart s'explique par la faiblesse de la production et la productivité, l'injection de monnaie sans contreparties productives engendrant le niveau de l'inflation. Selon un rapport de l'OCDE, la productivité du travail de l'Algérie est une des plus faibles au niveau du bassin méditerranéen. L'Algérie où après 50 années d'indépendance politique, 98% d'exportation relève des 'hydrocarbures et important 70% des besoins des ménages et des entreprises publiques et privées dont le taux d'intégration ne dépasse pas 15%, le tissu industriel représentant moins de 5% du PIB. La non proportionnalité entre la dépense publique et le faible impact, le taux de croissance moyen n'ayant pas dépassé 3%( il aurait dû dépasser les 1O%) est source d'inflation et explique la détérioration de la cotation du dinar (déséquilibre offre/demande que l'on supplée par une importation massive) sur le marché libre par rapport aux devises que la banque d'Algérie soutient artificiellement grâce aux recettes d'hydrocarbures.
Septièmement, les mesures de précaution pour se prémunir contre l'inflation. Pour se prémunir contre la détérioration du dinar algérien, l'Algérien ne place pas seulement ses actifs dans le foncier, l'immobilier ou l'or, mais une partie de l'épargne est placée dans les devises. De nombreux Algériens profitent en effet de la crise de l'immobilier, notamment en Espagne, pour acquérir appartements et villas dans la péninsule ibérique, en France et certains aux USA et en Amérique latine sans compter les paradis fiscaux. C'est un choix de sécurité dans un pays où l'évolution des prix pétroliers est décisive. Face à l'incertitude politique, et la psychose créée par les scandales financiers, beaucoup de responsables vendent leurs biens pour acheter des biens à l'étranger. Egalement beaucoup de ménages se mettent dans la perspective d'une chute des revenus pétroliers, et vu les fluctuations erratiques des cours d'or, à la baisse depuis l'année 2O13, achètent les devises sur le marché informel. Voir étude du professeur Abderrahmane Mebtoul « Essence de la sphère informelle au Maghreb et comment l'intégrer à la sphère réelle » Institut Français des Relations Internationales – IFRI- (Paris- Bruxelles -60 pages).
3.-Quelle conclusion tirer ?
Comme conséquence de ces nouvelles mutations énergétiques et de cette richesse des hydrocarbures artificielle dont le cours de la monnaie est tributaire à plus de 70%, qu'il s‘agit de transformer en richesse réelle, distribuent et subventionnent pour acheter la paix sociale, décourageant les producteurs locaux- (subventions et transferts sociaux représentent en Algérie 60 milliards de dollars soit 27/28% du PIB). Pour le cas Algérie, s'il n'y avait pas de pétrole et de gaz, et les réserves de changes, l'euro s'échangerait à 300 ou 400 DA. C'est grâce aux réserves de change, que le taux de change officiel fluctue entre 2012/2015 entre 105/110 DA un euro mais avec dérapage par rapport au dollar qui est passé de 77 dinars un dollar à 97 dinars un dollar en 2015. Car l'Algérie va vers l'épuisement de ses réserves de pétrole et de gaz traditionnel horizon 2030. Pour le pétrole avec des réserves inférieures à 12 milliards de barils, cela est prévu horizon 2025. Pour le gaz, la consommation intérieure en gaz à ce rythme dépassera les exportations actuelles horizon 2025/2030 qui peinent à arriver à 55 milliards de mètres cubes gazeux.. Cette baisse des cours accroîtra les tensions budgétaires de bon nombre de pays pétroliers et bien entendu l'Algérie.
D'une manière générale, si le cours moyen pour 2015 s'établit à 60 dollars et en prenant comme hypothèse qu'une chute d'un dollar par baril occasionne un manque à gagner d'environ 600 millions de dollars, en moyenne annuelle, les recettes de Sonatrach alimenteront le fonds de régulation des recettes que de 14 milliards de dollars donnant un total fin 2015 de 61 milliards de dollars. Comme le déficit budgétaire selon la loi de finances 2015 votée par le parlement s'est établi à plus de 44 milliards de dollars ( paradoxe cette loi se fonde sur un cours de 79 dinars un dollar) , restant au niveau du fonds de régulation des recettes au 01 janvier 2016, au cours actuel de 95 dinars un dollar, en cas du maintien des dépenses prévues par la loi de finances 2015 que 17 milliards de dollars, ce Fonds devrait s'épuiser fin 2016.
Concernant les réserves de change si l'on maintient également le niveau des dépenses de 2014 pour 2015, sans la loi de finances complémentaire qui devient une urgence, l'on devrait normalement puiser dans les réserves de change environ 30 milliards de dollars en 2015. Si l'on maintient le rythme et la même structure des dépenses à dominance publique, le versement de salaires sans contreparties productives durant la période 2015/2020, les réserves de change devrait s'épuiser horizon 2020/2021. La leçon à tirer pour les pays rentiers est que le modèle populiste de ces pays a des limites. Le défi donc pour ces pays afin de dépasser l'entropie actuelle est d'engager des réformes micro-économiques et institutionnelles indispensables devant s'adapter tant aux nouvelles mutations mondiales qu'aux mutations internes impliquant l'instauration de l'économie de marché concurrentielle à finalité sociale, qui est inséparable de l'Etat de droit, de la démocratie sociale et politique. C'est la condition de la transition tant énergétique économique que politique solidaires. Le cadre macro-économique relativement stabilisé grâce à la rente des hydrocarbures que connaissent ces pays est éphémère, sans de profondes réformes structurelles nécessitant de profonds réaménagements dans les structures des pouvoirs. Aussi, le défi majeur, est donc de réfléchir aux voies et moyens nécessaires de dynamiser le tissu productif, entreprises publiques et privées locales et internationales créatrices de valeur ajoutée interne , devant se fonder sur l'économie de la connaissance , des co-partenariats avec des compagnies étrangères ( gagnant/gagnant) ou selon l'expression de mon ami Jean Louis Guigou conseiller du président français et à la communauté économique européenne, des co-localisations impliquant la création de fonds souverains, et une meilleure gouvernance dans le cadre des valeurs internationales,. Face à la chute des cours des hydrocarbures, une bénédiction si cette rente est bien utilisée (cas de la Norvège) mais une malédiction gaspillée, la rationalisation des choix budgétaires devient une urgence de l'heure conciliant efficacité économique et une très profonde justice sociale. Les ajustements économiques et sociaux à venir seront douloureux, nécessitant un langage de la vérité loin du populisme dévastateur et donc une grande moralité de ceux qui dirigent la Cité et on revient à la bonne gouvernance.


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