Le martyr Seddiki Bouamrane né présumé en 1919 à Témaznia commune d'El Bordj arrondissement de Palikao. Epicier de son état il fut exécuté le 25 décembre1958 par les soldats français relevant du camp militaire de Fort-Chapeau, commune mixte de Cacherou. Mon père exerçait le métier d'épicier à douar Ouled Seddik. Qu'on le veuille ou pas, il pourvoyait les djounoud en denrées alimentaires. Le martyr Seddiki Bouamrane né présumé en 1919 à Témaznia commune d'El Bordj arrondissement de Palikao. Epicier de son état il fut exécuté le 25 décembre1958 par les soldats français relevant du camp militaire de Fort-Chapeau, commune mixte de Cacherou. Mon père exerçait le métier d'épicier à douar Ouled Seddik. Qu'on le veuille ou pas, il pourvoyait les djounoud en denrées alimentaires. Notre maison-épicerie était la seule et unique point d'approvisionnement de la région. Ce qui l'a rendit très vulnérable à toute suspicion. L'affluence et l'engouement des clients la rendirent un centre d'intérêt du Roumi. Les gens du douar joignaient l'utile à l'agréable. En faisant leurs commissions, ils s'informaient et même s'enquéraient pour d'autres et ramenaient aux leurs les nouvelles des quatre coins de Hadh El Besbès, site ou fut érigée notre maison-épicerie. Les djounoud qui y transitaient, exploitaient et laissaient des messages pour les faire diligenter par mon père aux destinataires concernés. Mon père, analphabète, accordait les crédits à ses clients à tout bout de champ et retenait les sommes dues de tête. Il avait une mémoire prodigieuse, disait ma mère. On lui attribua la qualité de "Raqba", brave dans notre langage. Son impact sur la région fut grandiose ce qui lui attira des ennuis de ses jaloux paires. Ma mère me raconta une fois que M'ha M'naouar ould Ziyette, est venu chercher de la semoule chez mon père lequel objecta, pour la bonne raison que son oncle maternel avait un lourd crédit sur son dos et que l'épicerie roule juste juste. Alors, le mauvais payeur s'emballa et signifia à son neveu : On verra bien, Bouamrane. Mon père rétorqua: Rouh etk... . La mésaventure ne faisait que commencer pour mon père. L'arrestation. Par un jour de printemps de l'an 1958, mon père revenait d'El Bordj avec les appoints de l'épicerie. Arrivé à hauteur de la ferme de Mme Cornillon la Peugeot 403 qui le transportait fut immobilisée par les éléments du barrage. Il fut embarqué à bord d'un GMC à destination du camp militaire de Fort-Chapeau ou il fut séquestré pendent neuf mois. Neuf mois durant lesquels il avait subi tous les sévices des mains assassines du bourreau-tortionnaire, le sinistre Kadda Bel Aziz, un juif que l'on confondrait avec un arabe tellement il était bien intégré et parlait couramment l'arabe dialectal, pour tirer une information pouvant nuire aux khawa, les frères, mais mon père ne cracha mot. La dernière tentation ou le troc Après neuf mois de détention dans de dures conditions dans le camp, mon père fut relâché avec comme pour mission: interpeler Si Kaddour de se rendre dans les vingt quatre heures à Fort-Chapeau. Arrivé au douar mon il fut accueilli par des youyous, il ordonna à ma mère et à ma grand-mère de préparer le couscous pour les gens du douar. Le soir, sentant sa fin proche, il fit inviter ses co-douaristes et leur parla, avec comme pour témoin Allah: Gardez-vous ya b'ni âammi, ana hada âchaya, mes cousins, c'est mon dîner funèbre, Kadda Bel Aziz m'a chargé de convier Si Kaddour de se rendre avant la levée du jour. Sauve qui peut. Le couscous est servi les invités mangeaient en sanglotant tout en conjurant mon père à quitter le douar pour rejoindre Arzew (zone de reclus dans le temps). Résigné, il ne faisait que continuer à servir ses invités. Parmi les invités il y avait une taupe qui quitta les lieux, après s'être subi un auto-gavage de couscous, vers le camp des tortures. Le lendemain matin mon père rejoint sa cellule. Kadda, fou de rage le gifla en lui signifiant: L'execution et le voyage eternel pour Eden. C'était le 25 décembre 1958 non loin de la majestueuse montagne carrée de djebel M'naouer, à Ouled Bessadat tout près de Moula Abdekka fut fusillé notre généreux épicier Bouamrane. A cette date ma sœur ainée Khadra avait sept ans, moi j'avais quatre ans Yamina deux ans et Benzerram le cadet avait tout juste neuf mois.Le mektoub aurait fait que cinquante ans après la disparition du chahid, Khadra serait grand-mère, Yamina prof de sciences naturelles à la retraite. Moi-même à la retraite et Benzerram toujours là cultiver la terre. Si Kaddour a rejoint le cortège des martyrs une année plus tard suite à un accrochage à Oued El Abtal (ex-Uzès-Le-Duc). K. SEDDIKI