La situation mondiale actuelle devrait conduire à de profondes reconfigurations socio-économiques, technologiques mais également sécuritaires, objet de cette présente contribution. En effet, privilégiant en premier lieu ses intérêts stratégiques propres, partie prenante du dialogue méditerranéen (DM), l'Algérie agit en fonction d'un certain nombre de principes et à partir d'une volonté avérée de contribuer à la promotion de la sécurité et de stabilité dans la région. 1- C'est que la fin de la guerre froide marquée par l'effondrement du bloc soviétique et les attentats survenus aux Etats-Unis le 11 septembre 2001 représente un tournant capital dans l'histoire contemporaine. Le premier événement marque la fin d'un monde né un demi-siècle plutôt et la dislocation d'une architecture internationale qui s'est traduite des décennies durant par les divisions, les déchirements et les guerres que nous savons. Aujourd'hui, les menaces sur la sécurité ont pour nom terrorisme, prolifération des armes de destruction massive, crises régionales et délitement de certains Etats. Or, les défis collectifs nouveaux, sont une autre source de menace : ils concernent les ressources hydriques, la pauvreté, les épidémies, l'environnement. Ils sont d'ordre local, régional et global. Entre la lointaine et très présente Amérique et la proche et bien lointaine Europe, entre une stratégie globale et hégémonique, qui possède tous les moyens de sa mise en œuvre et de sa projection, et une stratégie à vocation globale qui se construit laborieusement et qui peine à s'autonomiser et à se projeter dans son environnement géopolitique immédiat, quelle attitude adopter et quels choix faire pour l'Algérie ? Interpellée et sollicitée, l'Algérie s'interroge légitimement sur le rôle, la place ou l'intérêt que telle option ou tel cadre lui réserve ou lui offre, qu'il s'agisse du dialogue méditerranéen de l'Otan ou du partenariat euro- méditerranéen, dans sa dimension tant économique que sécuritaire. L'adaptation étant la clef de la survie et le pragmatisme un outil éminemment moderne de gestion des relations avec autrui, l'Algérie doit faire que celui que commandent la raison et ses intérêts. Dans ce cadre, "l'Armée Nationale Populaire a pour mission permanente la sauvegarde de l'indépendance nationale et la défense de la souveraineté nationale. Elle est chargée d'assurer la défense de l'unité et de l'intégrité territoriale du pays, ainsi que la protection de son espace terrestre, de son espace aérien et des différentes zones de son domaine maritime". (Article 25 de la Constitution algérienne). L'objet de cette contribution modeste, d'une brûlante actualité, sur un sujet souvent tabou, que j'ai eu l'occasion de développer en détail dans la revue Défense française dans sa série de décembre 2013,et également une étude réalisée sous ma direction pour l'Institut Français des Relations Internationales IFRI (1) est d'essayer modestement d'y répondre en axant l'analyse sur les problèmes de défense et de sécurité. 2- Examinons le rôle de l'Otan et la sécurité en Méditerranée. Sept pays appartenant à la région méditerranéenne sont aujourd'hui des partenaires de l'Organisation de l'Atlantique Nord dans le cadre de ce qu'on appelle le dialogue méditerranéen de l'Otan. Le dialogue méditerranéen de l'Otan est l'objet de toutes les attentions de la part de cette organisation qui a décidé de le transformer en partenariat stratégique. La région méditerranéenne dont l'Algérie «étant une grand puissance militaire et acteur déterminant de la région représente pour l'Otan son flanc sud tout en étant le passage obligé vers le Moyen-Orient qui recèle de fabuleuses richesses pétrolières et où se trouve un allié stratégique de tout premier plan pour les Etats-Unis et l'Europe. Concernant strictement le volet défense et sécurité, c'est dans ce contexte qu'est lancé, dès 1995, le dialogue méditerranéen de l'Otan (DM). En juillet 1997 le Sommet de Madrid des chefs d'Etat et de gouvernement des pays de l'Otan crée le Groupe de coopération méditerranéenne (MCG) qui est placé sous l'autorité du Conseil de l'Atlantique Nord. A partir de cette date, les pays de l'Otan et leurs partenaires méditerranéens se réunissent de manière régulière «à 19+1 ou 19+7». Le Conseil de l'Atlantique Nord prend ensuite des mesures pour renforcer les «dimensions politiques et pratiques» du DM, mesures qui ont été entérinées par le Sommet de Washington (avril 1999) des Chefs d'Etat et de Gouvernement. Suite aux attentats du 11 septembre 2001, le Conseil prend d'autres mesures destinées à renforcer le DM. Parmi ces mesures, citons l'organisation de consultations entre l'Otan et les partenaires méditerranéens sur la question du terrorisme. Lors de la réunion de Reykjavik, tenue en mai 2002, les Ministres des affaires étrangères des pays de l'Otan décident de renforcer les dimensions politique et pratique du dialogue méditerranéen, notamment en menant des consultations avec les partenaires méditerranéens sur des questions de sécurité d'intérêt commun, y compris en rapport avec le terrorisme. Mais c'est surtout le sommet de l'Otan qui s'est tenu le 29 juin 2004 à Istanbul, mettant l'accent concrètement sur l'urgence de l'approfondissement, qui a ouvert le dialogue méditerranéen de l'Otan en le transformant en véritable partenariat et de lancer l'initiative de coopération avec certains pays du DM, dialogue qui se poursuit à ce jour. A cet effet, l'intensification des relations politiques peut se faire selon plusieurs formules notamment les réunions à 19+1 et à 19+7. Nous avons une autre formule, émanant du Conseil de l'Atlantique Nord, les réunions au niveau des Ambassadeurs des pays de l'Otan et du DM (NAC+1 et NAC+7) que se tiennent depuis octobre 2001. 3.- Selon le rapport de l'Institut international de recherche sur la paix de Stockholm (Sipri- 2015), les dépenses militaires dans le monde ont augmenté en 2015 après quatre années de recul dues à la multiplication des tensions dans le monde. Sur l'ensemble de l'année, les dépenses militaires se sont élevées à 1.676 milliards de dollars, une hausse de 1% sur un an, principalement portée par l'Europe de l'Est, l'Asie et le Moyen-Orient. Les Etats-Unis restent le pays qui dépense le plus avec 596 milliards de dollars, en repli de 2,4% par rapport à l'année 2014, mais moins que les années précédentes, suivi de la Chine avec 215 milliards de dollars (plus de 132% entre 2006/2015) , l'Arabie saoudite (87,2 milliards) et la Russie (66,4 milliards) et enfin la France, cinquième budget en 2014, est tombée à la septième place en 2015 , derrière le Royaume-Uni et l'Inde. Pour l'Algérie, les dépenses militaires de l'Algérie en hausse de 5.2% en 2015, s'établissant à 10.8 milliards de dollars. Pour parer à la baisse des dépenses militaires en Europe, des instruments comme la mise en commun et le partage de matériel militaire, le développement et la production en commun devant permettent de réduire les coûts sans diminuer fortement la capacité d'intervention. Mais ce recul ne doit pas voiler la stratégie tant américaine qu'européenne dont l'objectif est d'alimenter leur industrie militaire. Aussi, il ne faut se faire d‘illusions, existant un réaménagement des forces armées face aux nouvelles exigences par l'adaptation grâce au renforcement du renseignement, colonne vertébrale des corps armée, travaillant en symbiose, étant une même institution, tout pays détruisant ses services de renseignements ou ne les adaptant pas réduit ses capacités de faire face aux menaces. La récente expérience de écoutes téléphoniques des USA qui espionnent tout le monde (mais il ne faut pas s'en étonner, cela existe depuis que le monde est monde mais cette pratique connait avec les nouvelles technologies une expansion planétaire), en est la démonstration. Contrairement à certaines affirmations gratuites, il est reconnu que les grandes décisions tant politiques, économiques et militaires des grandes puissances, Barack Obama (USA), Vladimir Poutine (Russie), François Hollande France) se prennent suite aux rapports de la CIA, du KGB et du 2e bureau. Le Ministry of State Security, en Chine, regroupant les missions de contre-espionnage et de renseignement extérieur a pour but affiché de soutenir l'effort économique du pays au sein de la Commission for Science, Technology and Industry for National Défense- COSTIND-mise en place dès 1982. Les rivalités de pouvoir tant internes qu'au niveau géopolitiques (cas du récent conflit syrien entre le duo Russie / Chine et USA/Europe) et les conflits au niveau des quatre coins de la planète, (certains dirigeants d'Afrique par population interposée, se livrant à des guerres fratricides,) alimentent cette industrie. Nous assistons à ce qui pourrait être le début d'un changement dans l'équilibre des dépenses militaires mondiales, des pays riches occidentaux vers les régions émergentes. Nous assistons parallèlement au trafic florissant d'armes d'ailleurs intiment lié au trafic de drogue comme source de financement, argent déposé souvent dans des paradis fiscaux à l'instar de toutes les formes de corruption. Selon l'ONG Oxfam, 640 millions d'armes légères sont disséminées à travers le monde et pour certains experts il y aurait 80 000 Kalachnikovs en circulation dans la région du Sahel, à des prix compris entre 200 euros pour les Kalachs sans licence (contrefaçons) et 300 pour le Kalach russe mais également des armes sophistiquées. La récente expérience libyenne et au Sahel en est la démonstration. 4.-Ainsi l'Algérie est confrontée face à ces tensions géostratégiques, à de nouveaux défis. A titre d'exemple , faits relatés par la presse algérienne, l'armée algérienne a arrêté durant 2015/2016 des personnes accusées de contrebande d'armes dans le sud et l'est de sa frontière et démonté des gangs spécialisés dans la trafic d'armes et d'explosifs, ayant saisi des armes et des munition. Le 24 octobre 2013 selon l'agence d'information Reuters, une vaste cache d'armes à Illizi, à environ 200 km du complexe gazier d'In Amenas comprenant notamment une centaine de missiles antiaériens, ainsi que plusieurs centaines de roquettes anti-hélicoptères, de mines terrestres et de grenades RPG. Ces achats illégaux sont réalisés souvent grâce au trafic de drogue. Les bilans fournis par la DGSN, et la gendarmerie nationale sont éloquents à ce sujet rendant urgent une coopération internationale, l'Algérie ne pouvant pas supporter à elle seule l'ensemble de ces couts au détriment de son développement. L'Institut international des études stratégiques, basé à Washington, a classé l'Algérie parmi les 10 pays au monde qui dépensent le plus sur la Défense, et se place, ainsi, à la 8e place dans le classement, après l'Arabie saoudite, le Sultanat d'Oman, Israël, le Yémen, les Etats- Unis et la Jordanie. Selon un autre rapport de Strategic Defence Intelligence (SDI), une plateforme de renseignement et de veille consacrée à l'industrie de l'armement, l'Algérie est le 9ème importateur d'armes dans le monde dont les fournisseurs devraient être diversifiés, autres que son fournisseur traditionnel, la Russie dont il convient de rappeler que par le passé une fraction de la dette extérieure algérienne détenue par ce pays a été reconvertie en achats militaires. L'Algérie est une puissance militaire régionale et un pays incontournable dans la problématique de la sécurité au niveau du Sahel et d'une manière générale, un acteur important dans le contexte de la sécurité internationale en raison de son emplacement stratégique comme point de transit d'Afrique du Nord vers l'Europe. Les principaux moteurs de l'évolution du marché algérien de l'armement, de ces dernières années, sont la lutte contre le terrorisme et de contre-insurrection et le besoin urgent de moderniser les équipements de défense, dont on ne doit pas oublier la récente attaque terroriste du complexe gazier d'In Amenas qui a contraint l'Etat algérien à des coûts additionnels en matière de sécurité. Cet accroissement de la dépense répond donc au souci de la professionnalisation autour des nouvelles technologies de ses effectifs en améliorant la formation selon les standards internationaux, la base étant la ressource humaine à l'instar de toute activité. Un exemple, outre l'Académie de Cherchell, l'Ecole militaire polytechnique (EMP) située dans la commune de Bordj El-Bahri, à une vingtaine de kilomètres à l'est d'Alger est un pôle d'excellence en matière des quatre disciplines scientifiques qui y sont enseignées et dans lesquelles des élèves en post-graduation mènent des travaux de recherche à la pointe de la technologie. Il est entendu que rentre dans ces dépenses surtout le remplacement de la plupart du matériel militaire obsolète pour l'acquisition de nouveaux équipements pour l' armée de terre, la marine et les forces aériennes, sans compter des dépenses pour l'adaptation du renseignement aux nouvelles mutations tant internes que mondiales de ses forces de sécurité. Il y a lieu de penser d'ores et déjà la cybercriminalité enjeu du XXIème siècle. Certes, le risque des cyber-attaques en Algérie est actuellement minime car les services électroniques (e-commerce, e-santé et e-administration) sont encore quasiment inexistants, les entreprises algériennes fonctionnant encore selon les méthodes de gestion désuètes des années 1970/1980 n'étant pas encore orientées vers les transactions et autres services électroniques. Sur le court terme, les tensions dans la région notamment pour la protection de ses frontières, la situation en Libye, au Mali et accessoirement les actions terroristes à sa frontière en Tunisie ont imposé à l'Algérie des dépenses supplémentaires.