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Face à un monde plus individualisé, quel système de protection sociale en Algérie ? « Le dialogue productif est la vertu de la bonne gouvernance et l'autoritarisme source de décadence »
Il est impossible actuellement d'aller vers une augmentation des salaires, vu la situation économique du pays, quitte à aller vers un processus inflationniste généralisé. Mais le sacrifice doit être partagé. Or, les signes de richesses extérieures créent au niveau de la population un sentiment de frustration, une névrose collective face à des rentes injustifiées et discréditant l'action gouvernementale qui appelle à l'austérité alors que certaines sphères au pouvoir ne donnent pas l'exemple. Dans le prolongement de mes contributions cette présente analyse se propose de mettre en relief la nécessaire cohésion sociale qui ne saurait être isolée du système de protection sociale, historiquement daté du passage de l'Etat providence à un monde de plus en plus individualisé, expliquant d'ailleurs la crise de l'ancienne social -démocratie dans la plupart des pays. 1.- L'ensemble des risques qui menacent le citoyen des sociétés contemporaines a connu des évolutions significatives et avec le développement de nouveaux besoins de protection naissent qui remettent en question les formes héritées et obligent à repenser les institutions et les techniques qu'elles mettent en œuvre. Cela pose la problématique de la crise de l'Etat providence dans la plupart des pays et des objectifs poursuivis dans les redistributions opérées entre les individus et entre les générations. Ces dernières années, ce débat s'est focalisé sur l'opposition égalité- équité. Le monde d'une manière générale et l'Algérie d'une manière particulière, surtout grâce à la rente des hydrocarbures a vécu sur un modèle égalitaire simple, l'Etat propriétaire gestionnaire régentant l'ensemble de l'activité économique et sociale réduction des inégalités, développement des prestations sociales pour tous, bien que certains contestent que ce modèle ait été équitable. Mais d'une manière générale, ce compromis est remis en cause avec l'évolution d'une société plus ouverte, plus individualiste exigeant des traitements plus personnalisés, avec comme toile de fond une croissance plus sélective. De ce fait cela remet en cause le traitement statistique global qui correspond de moins en moins à la réalité plus complexe. La société de marché incitant naturellement à plus d'efforts et de dynamisme et la solidarité dans la compétition implique de cesser d'exclure sous peine de devenir une société de décadence. Ainsi les problèmes doivent être absorbés différemment et cela passe par une réflexion collective sur la justice au sens sociétal. Car le lien est fort entre justice et équité afin de dépasser la conception commune aujourd'hui qui prédomine d'injustice, encore qu'il n'existe pas de justice et d'équité absolue. L'universalité de la justice n'existant pas, elle dépend du moment daté et du mouvement historique. Une société dynamique en forte croissance offre des espoirs individuels plus grands en tolérant certaines inégalités qu'une société dont l'économie en stagnation où l'avenir est incertain. Paradoxalement, en dynamique, certaines inégalités à court terme profitent aux plus défavorisés à moyen terme si l'on respecte les droits fondamentaux. Dans un tel contexte il faut identifier lés inégalités qui doivent être combattues (inefficaces et injustes) et trouver le niveau acceptable d'inégalités nécessaires pour assurer le dynamisme de l'économie. Il ne sera plus question de la simple égalité d'accès à des prestations banalisées mais l'équité par la discrimination positive privilégiant le renforcement des relations professionnelles, la relance des négociations collectives branches par branches grâce à de nouvelles méthodes de travail fondées sur l'innovation continue. Il s'agira de favoriser de nouvelles structures sociales dynamiques pour impulser le changement et impulser celles traditionnelles par définition plus conservatrices. 2.-En reprenant la typologie des importants travaux du sociologue Denis KESSLER je distinguerai plusieurs formes de protection en laissant de côté toutes les entités religieuses d'assistance qui dans les sociétés traditionnelles jouent un rôle pourtant important. Mais fondamentalement nous avons quatre institutions qui jouent un rôle décisif dans la couverture des risques de l'existence, et ceci d'une manière à la fois concurrente, complémentaire et solidaire : la famille, l'entreprise, les marchés et l'Etat. – Premièrement, la famille peut être considérée, d'un point de vue économique, comme une « petite société d'assurance », où l'on mutualise les risques. Beaucoup plus de risques qu'on ne le pense généralement peuvent être mutualisés au sein d'une famille élargie. Mais la contraction de la famille élargie, le développement de l'instabilité familiale ont en quelque sorte appelée de nouvelles formes d'interventions de l'Etat. Lorsque le risque de devenir malade, invalide, ou celui de perdre son emploi n'est plus mutualisé au sein de la famille, ils sont pour ainsi dire externalisés vers l'entreprise, vers l'Etat ou vers les marchés. Car, les mutations sociales de la famille ont généré des risques nouveaux, la dislocation familiale étant à l'origine de risques qui sont pris en charge ensuite par l'Etat, et on peut poser une corrélation stricte entre la nécessité de Etat- providence et désagrégation de la cellule familiale lorsque les revenus ne parviennent pas à couvrir les besoins. -Deuxièmement, l'entreprise est appelée à l'avenir à jouer comme facteur de gestion des risques de l'existence. Encore que la stratégie future des entreprises au XXIème siècle contrairement au XXème siècle où la ré internalisation est prépondérante s'orientera de plus en plus vers l'externalité. Cette question du partage des risques ouvre le débat concernant le développement d'un nouveau capitalisme, sur la création de fonds de pension ou d'une assurance maladie qui, parce que gérée dans un univers plus concurrentiel, redeviendrait une fonction d'entreprise. -Le troisième acteur historique de la protection sociale, ce sont les marchés. Et contrairement aux apparences, le grand historien de l'économie Fernand Braudel dans sa description du capitalisme par exemple, a bien montré le rôle décisif des marchés dans la couverture des risques. Des risques industriels et financiers mais aussi sociaux. L'épargne, l'assurance et la prévoyance ont été posées dès le début du XIXe siècle comme le principal moyen de se protéger contre les risques de l'existence avec la création en France des Caisses d'épargne (1818) ainsi que l'encouragement de l'assurance. Cette fonction de l'épargne dans la protection contre les risques est restée prépondérante jusqu'à la crise de 1929, qui a eu pour conséquence le relais par l'Etat accentué au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, où les mécanismes collectifs de répartition des revenus ont eu tendance à se substituer à des mécanismes reposant sur les marchés financiers ou sur les marchés d'assurance. Mais depuis la fin des années 1990 il y a un retour certains des marchés qui apparaissent plus sûrs aujourd'hui que certains dispositifs collectifs. -Quatrièmement, entre ces trois ensembles d'institutions famille, entreprise, marchés, qu'intervient le rôle, en plusieurs étapes qui a largement évolué, de l'Etat en tant qu'institution. L'Etat est d'abord intervenu en matière de protection sociale comme employeur, pour aménager le statut des fonctionnaires : la retraite, par exemple, fait, depuis fort longtemps, partie intégrante du statut du fonctionnaire. L'Etat ensuite a encouragé les formes de protection sociale mises en œuvre dans le cadre de la famille, de l'entreprise ou des marchés par toute une série de mesures d'incitation ou de soutien. Dans un troisième temps, les pouvoirs publics ont cherché à organiser et normaliser les formes privées de la protection sociale. Avec l'institution de la Sécurité sociale, l'Etat fait de la protection sociale une de ses fonctions fondamentales. Les crises économiques à travers l'histoire contemporaine, dont la plus récente est celle d'octobre 2008, montrent clairement que l'Etat essaie de suppléer, mais d'une manière ciblée, à la déficience du secteur privé, encore comme le montre la faillite des régimes socio- démocrates ce n'est pas le retour à l'Etat providence. 3.-Quel avenir en cette ère de mondialisation de ces différentes institutions pour garantir la protection sociale ? Penser à l'avenir de la protection sociale suppose de savoir quel sera le rôle de chacune de ces institutions. Comme analysé précédemment, l'analyse des redistributions est rendue complexe en raison de la grande variété des transferts sociaux qu'un ménage peut recevoir, certains en nature d'autres en espèces, sans que l'on puisse comprendre les effets de la combinaison de toutes ces allocations multiples perçues au titre du chômage, du nombre d'enfants, du logement, etc. Pour restaurer l'efficacité du système, tout en assurant la cohésion sociale, il faudra redéfinir les frontières entre ce qui relève de la responsabilité des individus et des familles, de l'entreprise, des partenaires sociaux au niveau de la branche ou au niveau national, et ce qui relève de l'Etat et des autres collectivités publiques. Les expériences positives des pays nordiques qui ont assuré l'harmonie entre la flexibilité du marché du travail et la protection sociale est à méditer. Le système algérien de protection sociale par exemple met en œuvre des transferts tellement diffus que plus personne ne sait qui paye et qui reçoit et ce malgré que l'Etat engage depuis des années des montants colossaux aux subventions et aux transferts sociaux, mais mal gérés et mal ciblés. On ne connaît pas le circuit des redistributions entre classes d'âge ; entre générations et encore moins bien les redistributions entre niveaux de revenus ou de patrimoine. La sphère informelle produit de la bureaucratie, drainant 40% de la masse monétaire en circulation et employant plus du 1⁄4 de la population active, contribue quant à elle à travers des réseaux également diffus à assurer la cohésion sociale. Or, le principe tant de l'efficacité économique, de la motivation au travail, que de la justice sociale (les économistes parleront d'équité) pour éviter le divorce Etat/citoyens exige que l'on résolve correctement ces problèmes devant reposer sur des mécanismes transparents atténuant cette répartition du revenu national profondément injuste. Cela renvoie à l'instauration d'un Etat de droit tenant compte des nouvelles mutations tant internes que mondiales pour une société plus citoyenne. En résumé, la meilleure protection sociale est d'augmenter la production et la productivité en conciliant efficacité économique et justice sociale ne signifiant en aucune manière égalitarisme. Car une Nation, si elle veut éviter la dérive, ne peut distribuer plus ce qu'elle ne produit. En référence aux différents rapports tant du Ministère de la défense nationale, de la gendarmerie nationale que de la DGSN qui relatent journellement à travers la presse nationale d'actions terroristes, et de mouvements sociaux à travers toutes les wilayas, au lieu de discours chauvinistes, loin de toute sinistrose, ni autosatisfaction, il faut analyser lucidement la situation pour répondre concrètement aux défis de l'Algérie. Le temps se compte, l'Algérie ayant toutes les potentialités de sortie de crise a un répit de trois années, passant par l'élaboration d'une stratégie clairement définie et une profonde moralisation de ceux qui dirigent la Cité, en fait l'urgence d'un renouveau de la gouvernance centrale et locale.