Les pays membres de l'Union africaine, réunis à Addis-Abeba en Ethiopie, ont surmonté leurs divisions pour élire lundi leur nouveau président, le ministre tchadien des Affaires étrangères Moussa Faki, a annoncé un responsable de la délégation du Tchad participant au sommet. Moussa Faki, âgé de 56 ans et ministre depuis 2008, a obtenu 39 voix sur les 54 Etats appartenant à l'organisation et succède à la Sud-Africaine Nkosazana Dlamini-Zuma, première femme à avoir occupé cette fonction de président de la Commission de l'UA. Le choix, qui fait habituellement l'objet d'intenses marchandages en coulisses, semblait particulièrement délicat avant le début de ce sommet. Trois des quatre grandes régions du continent (l'Afrique australe, l'Afrique de l'Est et l'Afrique de l'Ouest) briguaient cette présidence, certaines soutenant même plusieurs candidats. Les deux favoris pour remplacer Nkosazana Dlamini-Zuma étaient au départ la ministre kényane des Affaires étrangères Amina Mohammed et le Sénégalais Abdoulaye Bathily. Pour compliquer encore un peu plus cette réunion, les Etats membres doivent se prononcer sur la réintégration du Maroc, qui a quitté en 1984 l'Organisation de l'unité africaine, ancêtre de l'UA, en raison du contentieux sur le Sahara occidental. Ce territoire, qui borde le nord de la Mauritanie, est contrôlé par le Maroc depuis 1976 et revendiqué par le Front Polisario qui, soutenu par l'Algérie, demande une indépendance totale pour former la République arabe sahraouie démocratique (RASD). Si l'Algérie et l'Afrique du Sud, deux poids-lourds de l'organisation continentale, soutiennent la RASD, ni l'une ni l'autre n'ont ouvertement exprimé leur opposition à la réintégration du Maroc. Les entrevues préliminaires ont également porté sur la CPI que Sud-Africains et Kényans accusent d'être l'instrument de l'impérialisme occidental et de focaliser ses procédures sur l'Afrique. Le Nigeria et le Botswana affirment, eux, que la juridiction de La Haye est un garde-fou légal important pour les pays dont les systèmes judiciaires sont entravés par les conflits civils. "Il y a tous ces appels en faveur de l'unité mais si vous observez l'UA aujourd'hui, elle est plus divisée que jamais, à propos du Maroc, des divisions régionales et de la CPI", a expliqué Liesl Louw-Vaudran, analyste à l'Institute for Security Studies de Pretoria. "C'est sans précédent." Dlamini-Zuma, dont le nom est avancé pour succéder à son mari Jacob Zuma à la tête du Congrès national africain (ANC) cette année, devait achever son mandat en juillet dernier mais celui-ci a été prolongé faute d'accord sur un éventuel remplaçant. LA VISION DE L'ALGERIE PRESENTEE A ADDIS-ABEBA L'Algérie a présenté à Addis-Abeba, à la veille de la tenue du 28ème sommet de l'Union africaine (UA), sa vision concernant le processus de réforme de l'organisation panafricaine, affirmant toute l'importance qu'elle accordait à ce processus et sa disponibilité à contribuer à son aboutissement. Pour l'Algérie ce processus, qui ne doit pas toucher aux fondements et aux principes de l'UA contenus notamment dans son Acte constitutif, doit être efficace et tourné résolument vers la prise en charge des défis réels auxquels est confronté le continent dans un monde en pleine mutation. C'est dans cet esprit que le Premier ministre, Abdelmalek Sellal, a, dans son intervention devant la retraite des chefs d'Etat et de Gouvernement de l'UA consacrée à la question de la réforme de l'Union, indiqué que cette réforme n'était pas l'apanage des seuls Etats membres, mais incombait aussi aux organes et mécanismes de l'organisation appelés à contribution à cette entreprise. M. Sellal a souligné également que les propositions d'adaptation, d'ajustement et de transformation institutionnelle de l'UA qui seront adoptées devront résulter d'une "réflexion exhaustive" qui intègre les enseignements tirés des expériences passées pour donner corps aux aspirations et objectifs énoncés dans les instruments fondamentaux de l'UA, en particulier son Acte constitutif et l'Agenda 2063. Le ministre d'Etat, ministre des Affaires étrangères et de la coopération internationale, Ramtane Lamamra s'est également prononcé sur le sujet de la réforme de l'UA, affirmant qu'elle "ne doit pas toucher aux principes fondamentaux de l'Union mais plutôt à son fonctionnement technique". "Ces réformes doivent être pratiques et techniques et non pas politiques", a-t-il souligné, précisant qu'il "ne s'agit pas d'une réforme fondamentale qui touchera les objectifs et les principes de l'Union mais plutôt de la révision du fonctionnement technique de l'Organisation et de ses structures pour améliorer leur rendement", a-t-il expliqué. L'ADHESION DU MAROC A L'UA REPORTEE En vue de reporter de quelques mois l'examen de la demande d'adhésion du Maroc par la Conférence des chefs d'Etat de l'Union africaine, le conseiller juridique de l'UA a publié un avis largement en défaveur du royaume. Un avis qui n'est cependant pas contraignant. En effet, le bureau du conseiller juridique de l'Union africaine a exprimé, dans un avis juridique, sa préoccupation quant à la demande d'adhésion du Maroc à l'Union Africaine (UA), estimant que l'occupation du Sahara occidental serait en contradiction avec l'Acte constitutif de l'organisation continentale. Le rapport intervient en réponse à une communication datant du 13 novembre dernier dans laquelle plusieurs pays, dont l'Algérie, ont soumis au Conseiller juridique de l'UA une série de questions sur l'éligibilité du Maroc et la cohérence entre l'Acte constitutif de l'Union africaine, notamment le respect des frontières, et la situation d'occupation par le royaume marocain du Sahara occidental. Le Nigéria, le Zimbabwe, le Soudan du Sud, la Namibie, l'Ouganda, le Mozambique, Malawi, le Lesotho, l'Afrique du Sud et le Kenya sont les autres pays de la liste à avoir interpellé le Conseiller juridique.