Le 10 mai 2012 marque une date importante dans l'histoire des femmes en Algérie. Les élections législatives organisées en ce jour ont en effet permis à 146 femmes d'accéder à l'Assemblée populaire nationale (APN, chambre basse du Parlement), alors qu'elles n'étaient que 29 femmes dans la précédente législature (2007-2012). En quoi une loi sur les quotas de femmes dans les élections peut-elle contribuer à leur rendre justice ? En quoi peut-elle contribuer au changement politique ? Le débat sur les quotas de femmes dans les parlements et les assemblées locales n'a cessé ces deux dernières décennies de susciter de nombreuses controverses. Les hommes comme les femmes sont divisés sur la question. Les arguments contre les quotas et en sa faveur se structurent autour de deux idées principales : l'égalité et la représentation. En effet, le pouvoir politique algérien a mis en exergue, en instaurant l'article 31 bis cité ci-dessus, le principe de la représentation. Toutefois, celle-ci ne prend pas la forme d'une « politique des idées », dans le sens d'Anne Phillips, c'est-à-dire d'une présence par laquelle se traduisent effectivement les revendications et les intérêts des femmes, quelles que soient leurs divergences. Car dans le discours officiel, l'accent est surtout mis sur « la présence en nombre » des femmes. Or, la représentation des femmes dans les instances politiques ne peut être réelle et efficace que si les inégalités de fait dont elles sont victimes sont corrigées à travers les politiques et les actions gouvernementales. Dans cet esprit, le mouvement féminin et féministe en Algérie considère que la situation des femmes algériennes constitue une injustice « par rapport au rôle historique que les femmes algériennes ont joué dans la vie politique du pays », qu'elle n'est pas en conformité avec les avancées enregistrées en matière de droits sociaux et économiques des femmes, et qu'elle crée un sentiment d'exclusion et une contradiction. En 2006, des représentantes de partis politiques, d'associations féminines et d'institutions publiques discutant la question de la représentation égalitaire des femmes dans les institutions politiques et publiques ont revendiqué l'instauration d'un quota de présence (au minimum de 30 %) de femmes sur les listes des partis politiques et son corollaire, une sanction financière en cas d'infraction. Aussi, l'obligation de généraliser la formule à toutes les formes de scrutin, y compris les scrutins à caractère local. C'est en effet à ce niveau que s'exerce la vraie démocratie représentative, et les femmes ne doivent pas en être exclues (ce sont les auteurs qui soulignent). Rendre effectif le principe d'égalité politique Selon les associations féminines algériennes, il est temps de « rendre effectif le principe d'égalité politique et publique entre hommes et femmes ». La responsabilité qui pèse sur le gouvernement et l'obligation juridique qui lui incombe sont celles de faire de la loi sur les quotas des femmes un mécanisme qui achemine vers la consécration du principe d'égalité complète entre les hommes et les femmes. C'est dire que pour les associations algériennes de défense des droits des femmes, le renforcement de la présence féminine dans les assemblées élues ne devrait pas être une fin en soi, mais le commencement de l'application de mesures égalitaires en faveur des femmes, en tenant compte de leurs compétences et de leur forte présence dans la sphère publique. Ainsi, pour Fadhéla Chitour, féministe, membre du Réseau Wassila qui fédère plusieurs associations de défense des droits des femmes, cette loi « n'a aucun sens tant que les droits des citoyens ne sont pas respectés, tant que la femme n'est pas considérée comme partie intégrante de la vie publique, comme individu à part entière. Quelle valeur peut avoir cette "reconnaissance" et cette "promotion" sans l'abrogation du code de la famille, qui maintient la femme dans une infériorité infamante ? ». La présidente de l'association Djzairouna (association des familles des victimes du terrorisme), Mme Cherifa Kheddar, qui était aussi la porte-parole de l'Observatoire des violences faites aux femmes, avait estimé que « le nombre, important ou symbolique, de députées ou de ministres en politique, n'est pas ce qui réglera les discriminations vécues au quotidien par les femmes ». Le quota aux assemblées élues Annoncée officiellement depuis le remaniement de la Constitution de 2008, la représentation des femmes dans la vie politique a été axée sur les assemblées élues seulement. Cependant, en faisant de la représentation des femmes dans ces assemblées un domaine relevant des lois organiques, le pouvoir algérien a décidé de la placer au-dessus des lois ordinaires : c'est un geste de sa part pour souligner l'importance qu'il accorde au sujet. Il répond ainsi, comme nous l'avons montré plus haut, d'un côté aux revendications des associations de défense des droits des femmes, et de l'autre, aux recommandations et critiques des organisations onusiennes et des ONG. Mais force est de constater qu'il a fallu attendre pas moins de trois ans pour que cette loi organique soit adoptée. Cela montre au moins la difficile maturation de cette loi, ainsi que la lente prise de conscience de la part du pouvoir politique de l'importance de prendre les mesures nécessaires pour permettre une représentation politique équilibrée des femmes.